Source : http://rue89.nouvelobs.com
Nos vies connectées
J’ai testé Bob emploi : et si je devenais chauffeuse de salle ?
Bob emploi, la plateforme imaginée par Paul Duan, jeune fondateur de l’ONG Bayes Impact, se lance ce mercredi. Avec une promesse : diminuer le chômage, en utilisant le big data pour accompagner les demandeurs d’emploi. Je l’ai testée.
Ce mercredi matin, Paul Duan lance Bob emploi, une plateforme présentée comme le « compagnon numérique » des demandeurs d’emploi.
Paul Duan ? Vous savez, le « petit génie des algorithmes » qui veut enrayer le chômage. Il a 24 ans, est diplômé de Sciences-Po et Berkeley, et a fondé en 2014 une ONG américaine, Bayes Impact, pour « résoudre les problèmes de société » grâce aux algorithmes.
Pour compléter le portrait, il est souvent présenté comme un jeune homme né à Trappes (Yvelines), patrie de Jamel Debbouze (qui le soutient), qui a pris l’ascenseur social. Un story-telling qui avait un peu étonné l’un de ses anciens camarades de classe, mais passons.
En janvier dernier, soutenu par le ministère du Travail, Paul Duan a noué un partenariat inédit avec Pôle emploi pour créer une plateforme gratuite pour aider les demandeurs d’emploi dans leur recherche.
Promesse : réduire en France le chômage. « Je suis persuadé qu’on peut le baisser de 10% », répète-t-il à l’envi, en visant notamment en compte les offres d’emploi non pourvues.
« Mais même si on ne fait que 1%, c’est bien, non ? »
Mes aspirations, mes frustrations
Ce mercredi matin, je me suis donc inscrite sur Bob emploi (version bêta). En pleine période de réduction d’effectifs, ça peut toujours servir. Première étape : répondre à quelques questions « sur vous, vos aspirations et vos frustrations ». Il est écrit que mes données ne seront pas communiquées à un tiers :
« Vos réponses restent entre nous. »
Je renseigne mon métier, ma situation actuelle, ma ville de résidence, mon année de naissance (il n’est pas nécessaire d’être inscrit à Pôle emploi pour être enregistré).
S’ensuit un point sur mes qualifications : le plus haut niveau de diplôme obtenu, une question sur l’obtention ou non d’un permis de conduire (auto, moto, poids lourd), sur mon niveau d’anglais et de bureautique (Word, Excel...).
Capture de Bob emploi
Etape suivante : livrer ses frustrations. Le ton pour le demander est poli, amical et dévoué (« nous sommes là pour vous écouter et voir si nous pouvons aider »).
La crise de la presse me pousse à cocher la case 1 (« le manque d’offres correspondant à mes critères »). Il était aussi question de discriminations, de handicap ou de difficultés liées à la rédaction de CV ou le manque de réponses de recruteurs.
Bob emploi questionne ensuite mes critères : « Seriez-vous prête à... vous former, déménager, accepter un moins bon salaire, considérer d’autres contrats (CDD, intérim...), changer de métier ? »
Coach perso
Une fois le profil renseigné, Bob emploi suggère au demandeur d’emploi que je feins d’être un « plan d’action sur mesure ». A la manière d’un coach personnel (c’est tendance), Bob emploi me proposera ensuite « des actions simples et concrètes tous les jours ».
Pour me proposer du « sur mesure », l’algorithme derrière la plateforme, développé en open source et destiné à être amélioré au fur et à mesure de son utilisation, analyse mes infos.
Capture d’écran de Bob emploi
Comme dans un jeu vidéo, quatre niveaux de plan d’action sont proposés, en fonction de quoi le demandeur d’emploi recevra plus ou moins d’objectifs quotidiens dans sa boîte mail :
- réflexion « pour affiner votre projet » ;
- modéré pour « relancer votre recherche » ;
- à fond pour « accélérer votre recherche » ;
- extrême pour « booster à fond votre recherche ».
Bonne élève, j’opte pour le dernier.
Les premiers conseils sélectionnés par rapport à mon profil me paraissent bateau. « Utilisez davantage votre réseau », « cherchez auprès de types d’entreprises différents », « envisagez de passer en freelance », « améliorez votre anglais ». Mon préféré : « Envisagez les missions en intérim » (c’est compliqué, dans le journalisme).
Au passage, j’apprends que je suis « dans un marché favorable ».
Utiliser des verbes d’action
Pour le premier jour du « plan d’attaque », quatre actions me sont présentées. A chaque fois, je peux cocher que je l’ai faite, que je ne souhaite pas la faire ou la reporter.
- Découvrir les entreprises susceptibles de recruter qui pourraient m’intéresser : en cliquant, j’arrive sur les résultats d’une recherche Pôle emploi qui a pris en compte mes précédents critères (notamment géographiques) ;
- Envoyer une candidature spontanée à une entreprise qui recrute ;
- Faire une liste de personnes qui pourraient m’aider dans ma recherche ;
- Améliorer mon CV en utilisant des verbes d’action (on me conseille de lire cet article). Si c’est l’effort demandé pour trouver du travail, je m’exécute.
Enfin, dans l’onglet « métiers à explorer », Bob emploi me présente une sélection de professions proches de la mienne, « trié[e]s par leur potentiel de retour à l’emploi ».
L’ONG a en effet eu accès à des centaines de milliers de données anonymisées de Pôle emploi, sur les annonces, la typologie des métiers, les postes vacants, la situation dans chaque bassin d’emploi, les compétences recherchées, etc. Sollicité par Le Monde, Reynald Chapuis, directeur chargé du numérique chez Pôle emploi, complétait :
« [Paul Duan] a aussi pu converser avec des demandeurs d’emploi et des conseillers afin de voir ce qui leur manquait. Nous avons, en outre, donné notre vision sur ce qui devait figurer dans le service. »
A partir de ces données, Bob pourra conseiller un demandeur d’emploi de viser une région plutôt qu’une autre. « [Le site] va vous dire combien de personnes ont réussi ce parcours, dans quelle région et par quelles formations elles sont passées », expliquait RTL.
La plateforme lancée ce mercredi se veut collaborative. Ainsi, avec 500 recommandations déjà en boîte, pourront s’ajouter celles d’usagers qui proposeront les leurs.
D’autres pistes d’amélioration sont avancées sur le site. La pertinence des métiers suggérés aux demandeurs d’emploi devrait être peaufinée en fonction des utilisations et d’autres méthodes axées sur les compétences et centres d’intérêts. Bob emploi n’intègre pas encore les recommandations de formations.
Cabaret ou cirque ?
Pour chaque domaine auquel Bob emploi me suggère de m’intéresser après avoir mouliné les données de mon profil, une fiche présente une moyenne du salaire annuel, un pourcentage d’évolution des offres et un laps de temps moyen de retour à l’emploi.
C’est alléchant : je devrais pouvoir trouver du travail dans la communication sous les trois mois, dans l’écriture en cinq mois, ou encore dans la présentation de spectacles et d’émissions (retour à l’emploi : 2 mois).
Je clique et je découvre que je peux songer à bosser comme animatrice radio, présentatrice TV, chroniqueuse ou que je peux me recycler comme animatrice de spectacles ou chauffeuse de salle. La liste des structures possibles me donne envie : station de radio, chaîne de télé, parc de loisirs, cabaret ou cirque.