Pierre découvre la Bourse du travail à Paris, les syndicats et les médias. Il a 25 ans, vient des montagnes du Jura. Pour évoquer la mémoire de son père : Charles Griffond, mort à 53 ans à cause du travail, de La Poste, son employeur depuis 34 ans. Charles s’est pendu au croc de boucher qui lui servait à tuer ses animaux, le 17 juillet dernier. Il a laissé deux lettres, une pour ses proches, l’autre pour le journal local, L’Est républicain, pour qu’il informe le monde de « l’enfer » au sein de ce qui était sa vie, La Poste, une entreprise publique transformée au pas de charge en 2010, « plus préoccupée par le rendement, l’argent que par l’humain », dit son fils.
« Depuis trente-quatre ans, j’ai exercé mon métier avec l’amour de mon travail et de mes clients. Mais, depuis quelques années, la Poste a petit à petit détruit ses employés, les vrais postiers, ceux qui avaient le contact avec les gens. En ce qui me concerne, ils m’ont totalement détruit. Depuis décembre 2015, je suis en arrêt de travail et je souffre intérieurement le martyre. Personne, ni de mes collègues ou de ma hiérarchie, n’a pris de mes nouvelles. Alors bougeons avec la Poste et mourons grâce à la Poste. » C’est le meilleur ami de Charles qui a découvert les lettres, signées « Charles Griffond, facteur à Pontarlier », et le corps sans vie.
Trois fois déjà qu’en un an, Charles tentait le suicide avec des médicaments. Il avait perdu trente kilos, était méconnaissable dans la dépression, lui, si jovial, si fêtard. Facteur « à l’ancienne », apprécié à des kilomètres à la ronde, il assurait sa tournée par tous les temps, se déguisant même, décembre venu, en Père Noël, pour faire rêver les enfants. Mais ces dernières années, à force de restructurations, de pressions commerciales, il s’avouait « à bout ». Ne tenait plus la cadence. « Il avait récupéré 200 boîtes aux lettres supplémentaires alors que sa tournée était déjà l’une des plus dures de Pontarlier, raconte son fils, Pierre, qui ne veut pas lancer sa famille meurtrie dans des démarches judiciaires. Pas le courage. On n’ira pas plus loin que les articles dans la presse. »
La Poste avait bien intégré Charles dans un dispositif de pré-retraite, « mais à 53 ans et avec seulement 34 annuités, c’était le condamner à une vie de misère », estiment ses copains postiers… « Faux », réplique la direction de La Poste : « Charles Griffond avait demandé à bénéficier d’une pré-retraite et il n’aurait pas été lésé car la pénibilité de sa carrière aurait été prise en compte. L’incompréhension nous a saisis quand nous avons appris son suicide. Tout allait mieux pour lui. Il n’avait pas remis les pieds au travail depuis des mois. Il était suivi par le médecin du travail, l’assistante sociale. »...
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Source : https://www.mediapart.fr
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Publié le lundi 26 septembre 2016 à 6h00
Pour le syndicat Sud-PTT, travailler à La Poste est de plus en plus une souffrance. Une situation illustrée à l'extrême, par le cas d'Émeline, qui a fait un AVC au travail.
Le syndicat lance aujourd'hui une campagne visant à dénoncer la souffrance des salariés qui travaillent à la Poste. Pour Sud-PTT, la direction n'a tiré aucune leçon de la vague de suicides de 2012 : management par la peur, répression des militants syndicaux, agents poussés à bout dans un contexte général de manque d'effectifs...
Et pour le démontrer, le syndicat compte sur la parole à des victimes, des familles de victimes et de leurs avocats, pour "briser le mur du silence". Émeline, 25 ans, employée de la Poste dans le Nord de la France, a fait en début d'année un AVC sur son lieu de travail.
► ► ► Écoutez le reportage de Manuel Ruffez Lien ici
Ce matin de février dernier, Émeline ne se sent vraiment pas bien. Elle prévient sa direction par SMS, mais son chef l'appelle : il a absolument besoin d'elle. Sur place, son état empire, elle donne l'alerte à plusieurs reprises, affirme-t-elle, mais aucun cadre ne réagit. C'est finalement un collègue qui appelle les pompiers. Émeline vient de faire un AVC.
Si ce collègue n'était pas intervenu, j'en suis sûre et certaine, ils m'auraient fait partir en tournée. Je serais sortie en tournée et à l'heure actuelle, je serais peut-être morte.
Pour Émeline, aucun doute possible, son accident cérébral, elle le doit bien à son employeur : "Ils m'envoyaient faire des tournées que je ne connaissais pas, faire des double-journées sans être payée... Je ne disais jamais non, et au final, ils profitaient. Aujourd'hui j'en veux à La Poste car j'ai une paralysie. J'ai 25 ans, je suis maman, je ne peux plus jouer à certaines choses avec eux."
Elle a donc décidé de témoigner, mais aussi de porter plainte notamment pour non-assistance à personne en danger.
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