Fin septembre, deux projets de loi citoyens ont été examinés par le Parlement polonais. L'un proposait de libéraliser le droit à l'IVG en le rendant possible jusqu'à la douzième semaine de gestation, tandis que l'autre souhaitait réduire encore plus les conditions d'accès à l'avortement. Le premier a été rejeté tandis que le second a été renvoyé en commission pour un examen approfondi. Ce faisant, le Parlement polonais a marqué sa volonté de limiter drastiquement l'accès à l'IVG.
La Pologne, pourtant, fait déjà partie des pays où le recours à l'avortement est très restrictif. Sur la base d'un "compromis" passé entre l'Eglise et l'Etat en 1993, seules trois conditions permettent à une femme polonaise d'y avoir recours. Il faut que celle-ci soit tombée enceinte à la suite d'un viol ou d'un inceste, que la grossesse fasse planer un risque sur sa santé ou que l'embryon présente une pathologie grave. Le projet de loi qui a reçu le soutien du Parlement entend supprimer ces trois conditions pour les remplacer par une condition unique : il faudra que la grossesse expose la mère à un danger imminent. Par ailleurs, si une IVG venait à être pratiquée en dehors de cette seule circonstance, le médecin et la patiente s'exposeraient à une peine de 5 ans de prison. Aujourd'hui, "seuls" les praticiens sont susceptibles d'être condamnés, et la peine maximale s'élève à 2 ans de détention.
L'Europe, rempart au conservatisme polonais ?
Le succès de la manifestation de ce lundi doit beaucoup aux réseaux sociaux. En effet, de nombreuses personnalités ont directement appelé à soutenir ce mouvement, comme Krystyna Janda. Sur sa page Facebook, l'actrice polonaise a dévoilé avoir eu deux grossesses extra-utérines, ce qui aurait pu lui valoir de graves problèmes de santé si elle n'avait pas été en mesure de se faire avorter. Sur Twitter, le mot-dièse #CzarnyProtest (contestation noire, ndlr) a été largement repris par les internautes. Les soutiens sont venus de toutes parts, ce projet de loi ayant choqué l'Europe entière.
L'Europe, c'est peut-être elle qui viendra appuyer les revendications exprimées ce lundi. Barbara Nowacka, femme politique engagée pour la cause féministe, a annoncé qu'elle s'apprêtait à lancer une pétition pour que la question de l'IVG soit traitée au niveau européen et non plus au niveau national. "Ces signatures seront destinées à ceux qui nous écoutent et pas à ceux qui nous méprisent", indique-t-elle. Elle espère ainsi que la législation polonaise deviendra conforme aux standards européens.
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Après sa réforme de la justice, le gouvernement doit déjà essuyer une salve de critiques de la part des autres Etats membres. Ce mercredi, le Parlement européen se penchera sur la situation des femmes en Pologne, ce qui pourrait se traduire par des sanctions. .
Le risque pris par les conservateurs est aussi politique. En effet, si l'on en croit les récentes études d'opinion qui ont été menées en Pologne, 70% des sondés sont pour le maintien du compromis actuel. Ils ne sont que 14 % à vouloir un durcissement de la législation. Le statu quo est donc plébiscité. Du côté de la majorité parlementaire, on tente de calmer le jeu. "Ce projet a été bâti par des citoyens, a expliqué Adam Bielan, le vice-président de la chambre basse du Parlement. C'est sûr qu'il n'entrera pas en vigueur dans sa forme actuelle." Reste à savoir quelle "forme" sera favorisée...
Source : http://www.marianne.net