Mercredi 05 Octobre 2016 à 17:55
Pour mettre sur les rails ce projet, François Hollande avait commandé un rapport, dont l’existence a été révélée il y quinze jours par Mediapart, afin d’évaluer précisément la somme des dépenses annuelles allouées aux anciens présidents. Rédigé par le vice-président du Conseil d’État, Jean-Marc Sauvé, et le président de la Cour des comptes Didier Migaud, le rapport a chiffré ces dépenses à 10,3 millions d’euros annuels. Le décret publié ce mercredi devrait permettre de faire baisser sensiblement cette somme…
Pour les cinq prochaines années, les trois hommes conserveront intacts leurs privilèges. À savoir : 7 collaborateurs permanents et 2 agents de service. Au-delà de cette période de transition (qui s'appliquera par la suite à tout président sortant), le décret détermine que le nombre de collaborateurs permanents sera réduit de 7 à 3, et le nombre d’agents de service à disposition de 2 à 1. Aussi, alors qu’ils pouvaient auparavant voyager gratuitement sur les réseaux SNCF et Air France, ils devront désormais justifier d’un déplacement en lien avec leur activité d’ancien président de la République. Même chose pour les réceptions. En revanche, chacun conserve son bureau parisien meublé et équipé, dont le loyer, les charges et les frais généraux sont pris en charge par l’État, ainsi que les véhicules et chauffeurs fournis par le ministère de l’Intérieur, dans le cadre de la protection dont ils bénéficient.
Pour René Dosière, député socialiste et spécialiste du train de vie de l’État, ce nouveau décret est avant tout « symbolique ». « Les économies qu’il va permettre de réaliser, que j’estime autour de 3 millions d’euros, sont significatives mais dans l’absolu, ça reste faible », explique-t-il à Marianne, se félicitant néanmoins du « gain de transparence et de clarté que le décret apporte : les dépenses seront limitées et mieux encadrées. Auparavant, toutes les dépenses réalisées pour les anciens chefs de l’État étaient très opaques. »
Et pour cause : jusqu’à ce mercredi matin, les anciens présidents de la République pouvaient bénéficier de ces privilèges sur la seule base d’une lettre, rédigée en 1985 par Laurent Fabius, alors Premier ministre à l'ex-chef de l'Etat Valéry Giscard d'Estaing et qui en fixait les contours. En sept petits articles, le décret publié aujourd’hui permet de mieux encadrer la pratique. « Oui, il y a un début de régularisation », estime Jean-Christophe Picard, le président de l’association Anticor, qui lutte pour la transparence en politique et avait contesté le mois dernier devant le Conseil d’État la légalité du courrier de Laurent Fabius fixant le statut des anciens Présidents de la République. « Jusqu’à ici, pour encadrer les privilèges en question, il n’y avait qu’une lettre dans un tiroir, c’est peu ! »
Mais, comme René Dosière, Jean-Christophe Picard regrettent que le décret n’aille pas plus loin. Le président d’Anticor s’étonne notamment que François Hollande, qui sera lui-même concerné par le décret à la fin de son mandat, n'ait pas laissé la main au Parlement. « Le problème du cumul des retraites n’est pas du tout abordé, par exemple. C’est tout de même gênant qu’un président à la retraite touche plus qu’un président en activité. Dans les autres métiers, ça n’existe pas ».
Car si le décret régularise et limite les dépenses matérielles, il fait totalement abstraction de la question de la rémunération accordée aux ex-chefs de l’État. Une dotation instaurée par une loi datant de 1955 et qui atteint 65.000 euros annuels. Ajoutée aux 14.400 euros bruts perçus chaque mois en tant que membre de droit du Conseil constitutionnel, ces chefs de l’État à la retraite peuvent prétendre à près de 20.000 euros par mois. La loi qui fait des anciens Présidents de la République des membres de droit du Conseil constitutionnel étant inscrite dans la Constitution, elle ne peut être modifiée que dans le cadre d’une révision, qui n’est pas à l’ordre du jour. « L’idée que les ex-présidents ne doivent plus siéger parmi les Sages est de plus en plus partagée par la gauche et la droite, assure pourtant René Dosière. Mais on ne peut pas envisager de modifier la Constitution seulement pour changer cela. Et même si le nouveau décret est susceptible de faire bouger les choses, il est certain que cette réforme ne se fera pas d’ici la fin du quinquennat Hollande ». C’était pourtant son 47e engagement de campagne en 2012.
Source : http://www.marianne.net