Après avoir longtemps évité les attaques ad hominem, les anciens alliés – devenus adversaires – de Nicolas Sarkozy n’hésitent plus à s’emparer des affaires pour l’achever politiquement. Bygmalion, Kadhafi, Squarcini, Buisson… L’ex-chef de l’État croule sous le poids des révélations et des nouveaux témoignages. Pour la première fois, ils pourraient lui être fatals.
Ce fut longtemps un tabou. Un sujet dont les adversaires de Nicolas Sarkozy se délectaient sous cape, mais qu’ils refusaient d’aborder officiellement, de peur de passer pour des mauvais joueurs. Quand ils parlaient de l’ex-chef de l’État, ils évoquaient rapidement son mandat, louaient son énergie, regrettaient qu’elle confine souvent à l’excès, pointaient leurs divergences de fond avec lui, mais ne parlaient jamais de ses démêlés judiciaires. Jamais de ses mises en examen dans l’affaire Bygmalion et dans celle de Paul Bismuth. Jamais des multiples dossiers politico-financiers dans lesquels une trentaine de ses proches sont mis en cause. Tout cela, ils le réservaient au off.
Depuis quelque temps, les choses ont changé. À cinquante jours du premier tour de la primaire de la droite et du centre, et à deux semaines du premier débat télévisé entre les candidats, les langues n’hésitent plus à se délier au grand jour. C’est François Fillon, le premier, qui a décidé de briser l’omerta, fin août, lors de sa rentrée politique de Sablé-sur-Sarthe (Sarthe). « Ceux qui ne respectent pas les lois de la République ne devraient pas pouvoir se présenter devant les électeurs. Il ne sert à rien de parler d’autorité quand on n’est pas soi-même irréprochable. Qui imagine le général de Gaulle mis en examen ? », a-t-il lancé, le 28 août. Une sortie qui a d’abord amusé les sarkozystes, persuadés qu’elle se retournerait contre son propriétaire.
Car les attaques sur les affaires ont jusqu’ici toujours nui à ceux qui les énonçaient et qui passaient pour des diviseurs, au sein d’une droite meurtrie par la guerre Copé-Fillon de 2012, pour la présidence de l’UMP (ex-LR). Or, cette fois-ci, l’effet escompté n’a pas eu lieu, ce qui est en dit long sur l’évolution de la situation politique de Nicolas Sarkozy. Pour la première fois, les nombreuses affaires qui entourent l’ex-chef de l’État et ses proches pourraient lui être fatales. Et c’est précisément la raison pour laquelle la plupart de ses anciens alliés, devenus aujourd’hui des opposants, s’en emparent en place publique.
Le coup le plus violent a été assené la semaine dernière par Jean-François Copé qui, fort de son statut de simple témoin assisté dans l’affaire Bygmalion, a décidé de sortir du silence pour dénoncer le complot politico-judiciaire dont il pense avoir été la victime. « Bygmalion, ce n’est que l’histoire de la dérive d’une campagne, a-t-il confié au Monde. Vous, quand vous dépassez de 15 km/h la limitation de vitesse, vous êtes renvoyé devant le tribunal. Lui, il voudrait que vous l’élisiez pour ne pas aller au tribunal ! » À ces propos, sont venus s’ajouter ceux de Franck Attal, ancien directeur de la filiale événementielle de Bygmalion et organisateur des meetings de Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle de 2012.
Dans une enquête d’“Envoyé spécial”, diffusée sur France 2 le 29 septembre, l’homme qui est lui aussi mis en examen dans ce dossier est revenu avec force détails sur la façon dont le compte de campagne de l’ex-chef de l’État a été maquillé grâce à un système de double facturation (entre autres manipulations), pour dépasser 45 millions d’euros à l'arrivée contre 22,5 millions autorisés par la loi. « La vérité, c’est pas une vérité qui m’innocente, a-t-il déclaré. Il aurait été noble que des gens qui prétendent aux plus hautes fonctions de l’État aient au moins le même comportement que le mien. […] Je suis prêt à m’expliquer avec Nicolas Sarkozy sur un plateau télé, et que l’on défende argument contre argument, les faits qui sont relatifs à mon action à moi dans cette affaire. »
De son côté, l’ancien président continue de contester sa mise en examen et son interprétation par les médias, jurant qu’elle ne porte que sur une infraction « formelle » de dépassement des frais de campagne, comme si la justice n’avait retenu aucun élément intentionnel – un mensonge. Le 5 septembre, le parquet de Paris a d'ailleurs demandé son renvoi devant le tribunal correctionnel pour « financement illégal », reprochant en particulier à Nicolas Sarkozy d'avoir « sciemment » minoré ses dépenses. « Absolument pas. C’est faux ! C’est une mauvaise information », s’est-il exclamé sur le plateau de “L’Émission politique” de France 2, le 15 septembre. « Nicolas Sarkozy a été mis en examen pour le dépassement, et seulement pour le dépassement, de ses comptes de campagne. C’est le communiqué de presse du parquet de Paris qui a fait une erreur qui a été reconnue », a encore osé son coordinateur de campagne pour la primaire, Gérald Darmanin, au micro de BFM-TV, le 19 septembre.
Placé devant le fait accompli de l’enquête accablante d’“Envoyé spécial”, les sarkozystes ont choisi d’attaquer le journaliste qui l’a réalisée, ainsi que le service public qui, après moult remous à France Télévisions, a fini par la diffuser. « C’est ça l’éthique du service public ? C’est ça l’objectivité de l’information ? Bravo Madame Ernotte [Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions – ndlr], bravo le service public ! » s’est agacé Luc Chatel sur LCP. « Il y a un problème avec le service public mais on verra plus tard », a renchéri Roger Karoutchi, sur la même chaîne....
*Suite de l'article sur
Source : https://www.mediapart.fr
commenter cet article …