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En France, les attentats sont une aubaine pour les vieux renards de la politique. L’appel à la guerre et à la peur leur permet de faire passer leur politique anti sociale, pourtant unanimement rejetée. Au printemps, la France s’est dressée contre la loi travail « et son monde ». Durant quatre mois, tous les sondages ont indiqué un rejet très net d’une loi finalement imposée par la force. Face à un pouvoir sans légitimité qui ne se maintient que par la force policière et politique, nous savons ce que nous ne voulons plus, c’est ce monde là, nous voulons sortir de ce cadre. L ’étonnant succès de Bernie Sanders dans la campagne pour la présidentielle aux Etats-Unis confirme l’échec massif du néo-libéralisme de droite comme de gauche. Sortir, mais par où ? Pour l’instant c’est l’extrême droite qui s’engraisse sur la souffrance et la colère. Il faut tailler une autre route. Vers où , pour quoi faire ? Et d’ailleurs que voulons nous ? Depuis des années, nous montrons les souffrances, les injustices et les dégâts, aujourd’hui la majorité a compris. Mais comment sortir de là ? Comment retrouver les grands souffles, les grands horizons, et se remettre en chemin ? Là, nous rejoignons la question posée par Noam Chomsky, « Que nous est-il permis d’espérer ? » L’été est propice pour échapper à l’hystérie médiatique qui nous empêche de refléchir. Merci aux éditions LUX qui nous permettent de vous proposer un chapitre de cet ouvrage," Qu’est-ce que le bien commun"
Je m’en suis aussi tenu pour l’essentiel à ce qui m’apparaît comme des évidences – évidences qui, pourtant, sont généralement considérées comme des invraisemblances. J’aimerais en présenter quelques autres, dont les attributs sont tout aussi singuliers. Ces évidences présumées se rapportent à une catégorie particulière de principes éthiques : des principes qui sont universels non seulement parce qu’à peu près tout le monde les défend, mais aussi parce qu’ils sont presque universellement rejetés dans les faits. Certains d’entre eux sont très généraux, comme ce lieu commun selon lequel on devrait s’imposer les mêmes normes qu’on applique à autrui, voire des normes plus élevées ; d’autres sont plus spécifiques, comme la justice et les droits de la personne, défendus quasi universellement, y compris par les monstres les plus sanguinaires, mais dont la situation réelle est plutôt critique.
De la liberté, le grand classique de John Stuart Mill, constitue un bon point de départ. En exergue de cet ouvrage, on lit ceci : « Le grand principe, le principe dominant auquel aboutissent tous les arguments exposés dans ces pages, est l’importance essentielle et absolue du développement humain dans sa plus riche diversité. » [1] Ces mots sont ceux de Wilhelm von Humboldt, qui fut entre autres philosophe, linguiste et pionnier du libéralisme classique. On peut en conclure que les institutions qui entravent le développement humain sont illégitimes si elles se montrent incapables de justifier leur existence d’une manière ou d’une autre.
Humboldt exprimait ainsi une opinion répandue au siècle des Lumières, opinion également illustrée par la critique sévère de la division du travail formulée par Adam Smith, en particulier par les raisons sur lesquelles elle s’appuyait.
« [L]’intelligence de la plus grande partie des hommes est nécessairement façonnée par leurs emplois ordinaires », écrivait-il. Par conséquent : L’homme qui passe toute sa vie à accomplir un petit nombre d’opérations simples, dont les effets sont peut-être aussi toujours les mêmes ou presque, n’a point d’occasion d’employer son intelligence [...] et devient généralement aussi bête et ignorant qu’une créature humaine peut le devenir. [...] Mais dans toute société améliorée et policée, c’est là l’état dans lequel tomberont nécessairement les pauvres laborieux, c’est-à-dire
la grande masse du peuple, à moins que le gouvernement ne s’efforce de le prévenir [2]
L’attachement au bien commun devrait nous inciter à trouver les moyens de venir à bout des conséquences funestes de politiques désastreuses qui touchent tant le système d’éducation que les conditions de travail, afin d’offrir à l’être humain des occasions d’« employer son intelligence » et de se développer dans toute sa diversité.
Le point de vue critique de Smith sur la division du travail n’a pas acquis la notoriété de son apologie dithyrambique de ses bienfaits. L’édition savante de son ouvrage phare, publiée par les presses de l’université de Chicago à l’occasion de son bicentenaire, n’en fait d’ailleurs même pas mention dans son index. Il n’en constitue pas moins une illustration éclairante des idéaux des Lumières sur lesquels repose le libéralisme classique.
Smith considérait sans doute que de telles politiques humanistes ne seraient pas trop difficiles à mettre en oeuvre. Sa Théorie des sentiments moraux s’ouvre par ce constat : « Aussi égoïste que l’homme puisse être supposé, il y a évidemment
certains principes dans sa nature qui le conduisent à s’intéresser à la fortune des autres et qui lui rendent nécessaire leur bonheur, quoi qu’il n’en retire rien d’autre que le plaisir de les voir heureux ». La puissance morbide de la « vile maxime
[...] des maîtres de l’espèce humaine » (« Tout pour nous, rien pour les autres ») peut sans doute être compensée par « toutes les autres passions originelles de la nature humaine ». [3]
Le libéralisme classique s’est échoué sur les hauts-fonds du capitalisme, mais l’humanisme dont il était porteur n’est pas mort pour autant...
*Suite de l'article sur
Source : http://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/noam-chomsky-qu-est-ce-que-le-bien-commun