PARIS, 28 juillet (Reuters) - Un administrateur d'EDF , Gérard Magnin, a présenté jeudi sa démission en exprimant son désaccord avec une stratégie qu'il juge de plus en plus centrée sur le nucléaire, avant le probable feu vert du groupe au projet Hinkley Point.
Cette démission est intervenue à quelques heures d'un conseil d'administration d'EDF convoqué jeudi après-midi pour se prononcer sur ce projet controversé de construction de deux réacteurs EPR en Angleterre pour 18 milliards de livres (21,4 milliards d'euros environ).
Dans sa lettre de démission au PDG, obtenue par Reuters, Gérard Magnin écrit qu'il imaginait "une réorientation historique de la stratégie d'EDF" en faveur de la transition énergétique mais que "les trajectoires de changement espérées (..) ne sont pas là" et que "le centre de gravité (du groupe) se déplace encore davantage vers le nucléaire".
"Depuis les décisions imminentes relatives au projet très risqué d'Hinkley Point à la reprise d'Areva NP qui fera d'EDF un fabricant de réacteurs, de la poursuite sans questionnement de la coûteuse stratégie de retraitement des déchets à l'affirmation que tous les réacteurs du palier 900 MW verraient leur durée de vie prolongée à 50 ans ou plus, tout semble aller dans le même sens", ajoute-t-il.
Membre du Conseil économique, social et environnemental de Bourgogne Franche-Comté ; fondateur et ancien délégué général d'Energy Cities, association européenne de villes engagées dans un mouvement de transition énergétique, Gérard Magnin avait intégré le conseil d'EDF en 2014 sur proposition de l'Etat. Son mandat s'achevait en 2019.
"Dans un monde incertain, la flexibilité est indispensable. Celle-ci suppose de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier. Sous une apparence de robustesse, la quasi mono-solution nucléaire soumet notre pays à une grande vulnérabilité", estime-t-il.
"Espérons qu'Hinkley Point n'entraîne pas EDF dans un abîme de type Areva comme certains le craignent", ajoute Gérard Magnin, précisant qu'il ne participera pas au conseil de jeudi.
"Etant administrateur proposé par l'Etat actionnaire, je ne souhaite pas cautionner plus longtemps une stratégie que je ne partage pas (..). Je préfère alerter en prenant le risque de me tromper que de vivre en contradiction avec ma conscience. C'est une question de loyauté et d'honnêteté."
Le conseil d'administration d'EDF comptait 18 membres avant la démission de Gérard Magnin, dont six élus par les salariés qui devraient se prononcer jeudi contre le projet Hinkley Point sans pour autant être en mesure de bloquer son lancement.
Les désaccords autour du dossier Hinkley Point avaient déjà provoqué en mars une crise au sein de la direction d'EDF et la démission du directeur financier de l'époque, Thomas Piquemal. et (Benjamin Mallet et Geert De Clercq, édité par Jean-Michel Bélot)