D'après nos informations, l'État a omis pendant deux ans de verser à Nicolas Sarkozy son allocation d'ancien président. L'erreur a été corrigée en avril 2014. De son côté, l'association Anticor tente de faire annuler par le Conseil d'État les moyens alloués aux « ex » pour des millions d'euros chaque année.
Démonstration est faite : Nicolas Sarkozy peut parfaitement se passer de son indemnité d’ancien président de la République. Mediapart vient en effet d’apprendre qu’à cause d’un « bug » administratif, l’ancien chef de l’État a été privé de cette allocation pendant deux ans après sa sortie de l’Élysée – sans dépérir pour autant, d’après nos informations.

Chargés de gérer les moyens alloués aux anciens présidents de la République, les services de Matignon ont confirmé à Mediapart que Nicolas Sarkozy avait dû attendre avril 2014 pour commencer à toucher son allocation de 6 000 euros par mois (tirés des caisses de l’État) et récupérer l’intégralité de ses arriérés.
« Ce retard a été dû à des lenteurs administratives », plaide le directeur des services administratifs et financiers du premier ministre (lire ici son courrier). Comment les explique-t-il ? « Par le caractère peu habituel d’une procédure rarement mise en œuvre. »
Il est vrai que cette allocation, créée par une loi du 3 avril 1955 et calée sur le « traitement indiciaire brut d'un conseiller d'État en service ordinaire », n’a pas été versée bien souvent – à Vincent Auriol d'abord, puis René Coty, Valéry Giscard d’Estaing ou bien sûr Jacques Chirac.
Comment l’administration s’est-elle rendue compte de son impair ? Avocat, conférencier, membre du Conseil constitutionnel pour 12 000 euros mensuels à l’époque, Nicolas Sarkozy l’a-t-il réclamée ? S’est-il manifesté ? D’après nos informations, il semble qu’il ait simplement patienté. « Je précise que l’administration a procédé de sa propre initiative à la mise en paiement des sommes dues », indique ainsi Matignon. Sollicité via son attachée de presse, l’actuel patron des Républicains (ex-UMP) n’a pas répondu à nos questions.
Le plus étonnant dans cette histoire, c’est que Nicolas Sarkozy ait été privé momentanément d’une allocation fixée par la loi tandis que l’État lui affectait dès sa sortie de l’Élysée une foultitude de moyens matériels (voiture, chauffeurs, bureaux, collaborateurs, etc.), dont la base légale apparaît, elle, beaucoup plus contestable.
Les moyens matériels alloués aux anciens chefs d’État (dont Mediapart a révélé le détail en février dernier) n’ont en effet jamais été prévus par aucune loi, ni aucun décret. Si la République dépense plus de six millions d’euros chaque année pour ses trois « ex » (hors frais de sécurité), c’est sur la seule base d’un courrier de 1985 adressé par Laurent Fabius (alors premier ministre) à Valéry Giscard d’Estaing, qui prétendait fixer « de manière permanente le statut dans la Nation des anciens Présidents » et qui énumérait leurs facilités (« un appartement de fonction meublé et équipé », « une voiture », etc.).
Pour contester ce « statut », Anticor a déposé en avril dernier une requête devant le Conseil d’État visant à faire « constater l’inexistence » de cette décision, d’ailleurs jamais publiée au Journal officiel, et la faire « déclarer nulle et non avenue ». Aux yeux de l’association anticorruption, ce courrier de 1985 serait « entaché d’illégalité » à double titre, à la fois parce que Laurent Fabius aurait dû signer un décret en bonne et du forme, et parce que l’importance des moyens aujourd’hui accordés à Nicolas Sarkozy serait « susceptible de créer une rupture d’égalité entre les candidats à l’élection présidentielle ». Avant que le Conseil d’État ne puisse trancher sur la légalité, il devra d’abord dire s’il est compétent, et si la requête d’Anticor est recevable. L’idéal serait qu’il parle vite.
Source : https://www.mediapart.fr