CHINE. A Yulin, on achève bien les chiens...et les chats (plus de 10000 chiens et 4000 chats sur 10 jours ) - Un activiste américain sauve 1000 chiens du festival de Yulin
Un activiste américain sauve 1000 chiens du festival de Yulin
Par Camille Chappuis
vendredi 24 juin 2016
C’est la belle histoire du jour. Mardi a commencé le très controversé et dénoncé festival de Yulin, dans le sud de la Chine. Une fête qui dure dix jours et durant laquelle, chaque année, des dizaines de milliers de chiens et de chats sont tués pour être mangés. Les défenseurs des animaux ne cessent de s’insurger pour réclamer la fin de ce festival. Cette année l’un d’eux a réussi à sauver mille chiens destinés à finir dans les assiettes des Chinois.
Les mots ne suffisent pas à couper l’appétit des Chinois. C’est le constat qu’a fait Marc Ching, activiste américain qui a mené cette opération de sauvetage en Chine. Marc Ching, c’est un nom qui ne vous dit peut-être rien, mais il est déjà bien connu des autorités chinoises. Il a même déjà été tabassé et emprisonné pour avoir dénoncé le festival de Yulin. Il en a fallu plus pour l’arrêter puisque cette année ses efforts ont payé.
Pour la septième fois, l’Américain s’est rendu en Asie et mardi, il a réussi à libérer mille chiens emprisonnés dans six abattoirs. Marc Ching marchande pendant un long moment avant d’acheter les animaux aux trafiquants de viande canine. Il envoie ensuite les toutous aux États-Unis pour qu’ils commencent leur vraie vie de chien.
Marc Ching a également réussi à faire fermer de nombreux abattoirs en Asie notamment au Cambodge. De belles victoires pour cet Américain ami des bêtes, mais il reste du travail. Chaque année, entre dix et vingt millions de chiens sont abattus pour être mangés en Chine. La plupart sont des animaux de compagnie volés.
Des chiens sur un étalage, le 22 juin 2015 à Yulin. ((JOHANNES EISELE / AFP))
A Yulin, une ville du sud de la Chine, on abat des milliers d’animaux de compagnie pour consommer leur viande au cours d'un festival... Une pratique de plus en plus critiquée.
Clope au bec pour couvrir la puanteur, trois bouchers achèvent l’abattage du matin : une cinquantaine de bêtes, prélevées une à une dans les cages, soulevées avec des pinces métalliques enserrant leur cou, tuées à coups de barre de fer, vidées, jetées dans une centrifugeuse pour les dépoiler, et, pour finir, "dorées" au chalumeau. Le tout à un mètre de leurs congénères terrorisés, entassés dans deux grandes cages. Dans la première, une grappe tremblante de chats hagards et dépenaillés ; dans la seconde, une trentaine de chiens sales aux yeux fous massés contre le mur.
Pendant que les bouchers balaient l’épaisse couche de tripes et de sang qui recouvre le sol, un étranger s’approche des cages et parle avec douceur aux bêtes épouvantées. Peter Li, professeur à l’université de Houston, est un militant fervent de la cause animale, membre de l’ONG américaine Humane Society International (HSI). Il remarque le collier au cou de nombreuses bêtes, signe qu’il s’agit d’animaux de compagnie volés :
J’ai vu des labradors, des golden retrievers, des huskys, des samoyèdes, des caniches, etc. La présence de bêtes de prix comme les dalmatiens et les mastiffs du Tibet prouve qu’il s’agit d’un trafic criminel."
Des litchis aux chiens
Il raconte leur état pitoyable, les signes de déshydratation, les maladies de peau, les fractures ouvertes, les blessures infectées et l’espèce de sidération engendrée par une succession effroyable de souffrances… Quelques grands chiens osent s’approcher de l’inconnu à la voix douce. Ils le dévisagent un instant avant de se détourner. Non, ce n’est pas leur maître subitement apparu pour les libérer. Personne ne viendra les sauver.
Seule note claire dans cet océan de désespoir, un frétillant petit cabot s’accroche à l’étranger, flairant ses doigts avec insistance, cherchant à saisir son regard. Peter Li raconte :
Tant d’espoir et de foi malgré l’horreur… Je n’ai pas pu résister. J’ai demandé au boucher de me le vendre. Et je l’ai emporté très vite, de peur que le type ne change d’avis."
Des carcasses de chiens sur le marché de Yulin, juin 2015. (Johannes Eisele / AFP)
Les délicieux litchis, mûris au soleil subtropical d’une région parsemée de belles collines rocheuses, étaient le titre de gloire de Yulin. Croyant renforcer son image touristique, la ville décide en 2008 de créer sur deux jours un festival annuel associant aux litchis… la viande canine. Avec ses dix mille à quinze mille chiens et chats abattus chaque année, elle décrochera en réalité un titre d’indignité planétaire. Pour la terre entière, Yulin est devenu synonyme de barbarie.
Des dizaines de militants
Andrea Gung, fondatrice d’une petite ONG, passe chaque année quelques semaines éprouvantes à Yulin. Elle explique :
Il n’y a pas en Chine de loi spécifique contre la barbarie à l’égard des animaux. Mais la législation existante – sécurité alimentaire, transport du bétail – suffirait, si elle était appliquée, à arrêter ce scandale."
Cette année, elle est venue avec un réalisateur français chargé de tourner un documentaire. "Nous voulons contribuer au mouvement d’opinion international dans l’espoir de faire bouger les autorités", explique-t-elle. Avec un million de tweets sur le hashtag #StopYulin2015 et cinq millions de signatures recueillies par deux pétitions, la campagne a déjà porté ses fruits.
De là à contraindre les pouvoirs publics à sévir, la route est longue : les dirigeants chinois, chacun le sait, résistent à toute pression extérieure. Mais ils doivent désormais affronter la colère, bien plus redoutable, de leur propre opinion publique : celle des citadins jeunes, éduqués, élevés dans l’amour des animaux de compagnie, qui ne supportent pas la cruauté des trafiquants et grondent contre le laxisme du pouvoir.
Ces militants-là sont parmi les plus déterminés, les plus audacieux et les plus organisés de tout l’éventail associatif chinois. Yulin est leur cible. Chaque année, ils y convergent par dizaines. Direction : le grand marché, où l’on vend des animaux vivants – en général aux restaurateurs qui se chargeront de l’abattage –, et le marché Dongkou, où trois rangées de vendeurs débitent des carcasses.
Des chats vivants sur le marché. (AP / Humane Society International)
L'abattage public interdit
Cette année, l’atmosphère y est tendue, et l’accueil d’emblée hostile : "Foutez le camp, bande de voyous ! Il n’y a rien d’illégal ici !" jette une matrone assise devant une cage où quatre chiens sont entassés. Quand elle aperçoit la journaliste de "L'Obs" parmi les visiteurs, elle se met à hurler :
Vous êtes des vendus, payés par les ennemis de la Chine pour venir nous intimider. On est chez nous, on fait ce qu’on veut !"
Attirés par les cris, des individus menaçants nous bousculent et tentent d’arracher les appareils et téléphones portables qui filmaient la scène. Face à l’escalade, les militants battent en retraite. Visitant le même marché un peu plus tard, un autre groupe est reçu à coups de bâton, le cameraman de CNN qui les accompagne est pris à partie, et sa caméra endommagée.
Afin de calmer les esprits, la municipalité a interdit cette année l’abattage public des chiens. On ne voit donc plus les cuistots égorger à même le trottoir les toutous destinés à leurs marmites. Mais, dans les restaurants qui bordent la rivière, des tablées entières festoient sans états d’âme. "Vous voulez goûter ? lance un convive hilare. Ils sont cuits à l’étouffée avec du gingembre, un zeste d’orange et du fenouil, c’est fameux ! Et puis manger du chien protège contre les fantômes méchants."
Son voisin, égrillard :
Et contre toutes sortes de maladies, y compris l’impuissance… Vous mangez bien des vaches, cochons, poules, non ? Pourquoi pas des chiens ? L’élevage n’en est pas interdit, qu’on sache…"
Les militants réfutent avec indignation : "Non, il n’existe pas d’élevage de chiens destinés à l’abattage. Le kilo reviendrait à 200 yuans [30 euros], or vous l’achetez à 36 yuans [5 euros]. Vous savez bien que ces bêtes ont été volées !" tente d’argumenter une jeune Cantonaise exaspérée.
Des animaux volés aux familles urbaines
C’est en effet un trafic de grande ampleur qui alimente la filière de viande canine et féline. Après avoir écumé les campagnes pour y dérober les chiens de garde, ces réseaux se sont récemment tournés vers les villes, où les animaux de compagnie se multiplient. Ils capturent leurs proies au lasso ou grâce à des flèches empoisonnées.
Puis ils les transportent sur des milliers de kilomètres dans des conditions effarantes : souvent entassées à plusieurs dans des cages à poules hautes de 40 centimètres superposées à l’arrière de camions ouverts, sans protection contre le soleil de plomb, sans nourriture ni eau.
C’est donc aux familles urbaines qu’ont été arrachés les dix millions de chiens et quatre millions de chats que la Chine dévore annuellement. Xing Hai, un militant, est venu de Dalian, à 3.000 kilomètres. Il explique :
Le festival de Yulin n’en représente qu’une infime fraction. Mais Yulin a voulu honorer des pratiques immorales et illégales. Or nous sommes au moins cinquante millions d’amis des chiens en Chine : on se battra jusqu’à ce que cette fête honteuse disparaisse."
Dans un éditorial publié en juin, "Le Quotidien du Peuple", organe officiel du Parti, appelle bizarrement à "la compréhension mutuelle entre les amoureux des chiens et les amoureux de la viande de chien". De quoi susciter l’ire des défenseurs desanimaux : "Ils accréditent le stéréotype selon lequel les Chinois seraient indifférents à la souffrance animale, s’énerve un militant. Or toutes nos grandes traditions, taoïsme, bouddhisme, confucianisme, exigent au contraire de les respecter."
Un militant prend en photo des chiens en cage. (AP / Humane Society International)
Droits des chiens et droits de l'homme
La plupart des jeunes engagés sont d’ailleurs des bouddhistes fervents et ont un lama tibétain comme guide spirituel. Aux yeux des adeptes de la compassion bouddhique, la cruauté actuelle est un reliquat de l’époque maoïste et de sa haine pour tout ce qui était étiqueté "bourgeois", y compris l’amour des chiens. Une militante insiste :
Nous nous battons pour que la Chine évolue moralement, qu’elle devienne moins inhumaine. Il n’y a pas de différence entre les droits des chiens et les droits de l’homme."
A Yulin, deux Chines’affrontent. L’ancienne, marquée par la pauvreté et les violences de l’histoire ; la nouvelle, riche, moderne, empathique voire sentimentale. Or la paysannerie, base de l’ancien système, a baissé en trente ans : de 80% de la population, elle est passée à moins de la moitié, et elle continuera de s’effacer.
Bonne nouvelle pour les meilleurs amis de l’homme, promis à l’affection de plus en plus de Chinois. Mauvaise nouvelle pour la filière de viande canine – et plus encore pour le régime : avec leur nouvelle sensibilité humaniste, les couches urbaines ont de moins en moins d’affinités avec la brutalité foncière du système dictatorial.
Ursula Gauthier, envoyée spéciale
Attention certaines images peuvent choquer. Jour funeste pour les chiens que ce 21 juin à Yulin, dans le sud de la Chine, qui organise chaque année son festival annuel de la viande canine lors du solstice d'été. Malgré le tollé suscité par cette hécatombe, on estime que près de 10.000 canidés sont tués pendant le festival chinois. Ici, un vendeur attend le chaland.Andy Wong/AP/SIPA
Une pétition lancée par l'ONG américaine Humane Society International (HSI) et signée par 11 millions de personnes a été remise au président Xi Jinping. Mais les protestations internationales auraient un effet contraire à celui désiré en poussant les habitants à défendre leurs traditions culinaires.Andy Wong/AP/SIPA
Les militants des ONG dénoncent les traitements infligés aux chiens qui sont souvent battus, voire bouillis vivants.Andy Wong/AP/SIPA
Un défenseur des animaux (casquette bleue) est pris à partie par des vendeurs de chiens et la population locale. En mai, des militants chinois avaient intercepté une camionnette roulant en direction du Guangxi (la province où est située la ville de Yulin), chargée de 400 chiens et chats entassés.Andy Wong/AP/SIPA
"La plupart de ces animaux sont des animaux de compagnie volés, et la plupart des camions qui acheminent jusqu'ici la viande de chien le font en violation des lois très explicites de la Chine sur les animaux destinés à la consommation humaine", déclarait un membre de l'ONG HSI (Humane Society International) en 2015.Andy Wong/AP/SIPA
Une défenseuse des chiens vient d'en acheter un pour le sauver de l'abattage. L'an dernier, une Chinoise de 65 ans avait fait de même en achetant une centaine de chiens.Andy Wong/AP/SIPA
La consommation de la viande de canidés pratiquée toute l'année dans certains endroits du sud du pays et réputée stimuler la virilité, est une pratique qui reste marginale à l'échelle nationale.Andy Wong/AP/SIPA
Un autre chien sauvé par un militant de la cause animale. D'après des militants, le nombre des vendeurs de viande canine à Yulin est inférieur à celui des années passées.Andy Wong/AP/SIPA
Des chiens rôtis sont présentés sur l'étal d'un vendeur. Cette tradition culinaire du sud pourrait progressivement perdre de son attrait alors que les foyers chinois sont de plus en plus nombreux à posséder un animal de compagnie, et que 30 millions d'entre eux posséderaient un chien. LIRE AUSSI NOTRE REPORTAGE : A Yulin, on achève bien les chiensAndy Wong/AP/SIPA
Yulin : quand arrêtera-t-on ce festival dédié à la viande canine ?
Tandis qu’en France la saison des festivals de musique va bientôt commencer, en Chine c’est un tout autre type de festival qui se tient à partir du 22 : le Festival de Yulin, une fête dédiée à la viande canine. La mobilisation est plus forte que jamais, avec une pétition signée par des millions de Chinois et de personnalités étrangères, et une manifestation en France devant l’ambassade de Chine le 14 juin.
Rédigé par Elodie
Le principe du festival de Yulin, ville du sud-est de la région autonome du Guangxi en Chine : maltraiter, tuer et vendre des chiens et chats à la vue de tous. Nous vous en parlions l’an passé.
Le festival de Yulin, un massacre qui révolte le Web
Un festival récent qui fait beaucoup parler de lui
Officiellement présenté comme étant une coutume de l’ethnie Zhuang, peuple de la région autonome de Guangxi, qui voudrait que la viande mangée au solstice d’été apporte chance et santé pour le reste de l’année, ce festival serait surtout une manne financière pour les vendeurs de viande canine.
En effet, créé à la fin des années 90, ce festival est récent mais n’a de cesse de révolter toujours plus de personnes, à l’étranger comme en Chine.
Des milliers de chiens et chats massacrés
Chaque année, selon les autorités chinoises, depuis la création du festival, plus de 10.000 chiens et 4.000 chats, parfois volés, sont transportés jusqu’à la ville de Yulin qui compte 7 millions d’habitants afin d’y être battus à mort à coups de bâton, puis ébouillantés dans les marchés de rue et les abattoirs clandestins devant les spectateurs venus pour assister au « spectacle ». Mais, selon les associations, le chiffre d’animaux tués est dix fois plus élevé que celui annoncé(1).
Certains animaux décéderont durant leur transport de traumatismes, de déshydratation ou bien étouffés dans leurs cages dans lesquelles ils sont entassés.
Un festival officiellement non-autorisé
Face à ce massacre, la mobilisation contre ce festival se fait de plus en plus forte chaque année. Déjà en 2013, 2014 et 2015 des défenseurs de la cause animale étaient venus perturber le festival. Certains militants n’hésitent pas à acheter certaines bêtes afin de les élever et de leur éviter une mort certaine. Les défenseurs de la cause animal sont chaque année de plus en plus nombreux et ont pu cette année compter sur l’aide du web et des réseaux sociaux.
Le hashtag #StopYulin2016 a été relayé plus d’1,2 million de fois en un mois, un hashtag popularisé par des célébrités comme le comédien britannique Ricky Gervais qui a conclu un partenariat avec la Humane Society International pour faire campagne contre le festival devenant ainsi un porte-parole de la cause animale.
Quant aux autorités locales, elles affirment que le festival n’a rien d’officiel et se sont engagées à interdire à leurs fonctionnaires d’y aller ainsi que de conseiller aux restaurateurs de masquer la mention « viande de chien » sur leurs menus… aggravant d’autant le risque sanitaire déjà encouru lors de ce festival.
Risques sanitaires dénoncés pour arrêter la tuerie ?
Car, non content d’autoriser la pratique, aucune norme n’est mise en place par les autorités et le suivi vétérinaire des animaux n’est pas connu. Le regroupement de plusieurs animaux dans une même cage ne fait qu’augmenter la propagation de maladies entre eux et la plupart sont ensuite tués dans des abattoirs clandestins. Plusieurs lettres ont été envoyées en vain aux autorités pour pointer les risques encourus pour les consommateurs de telles viandes, connues au départ pour leurs « vertus médicinales » dans certaines régions de Chine.