LE MONDE | • Mis à jour le | Par Bruno Lesprit
Enfant de l’explosion de la culture populaire dans les années 1960, Hubert Mounier avait partagé sa jeunesse entre ses deux passions, le dessin et la musique. Plutôt pop, dès la découverte des Beatles auxquels L’Affaire Louis’ trio rendra hommage sur son album Mobilis in Mobile, avec des refrains aguicheurs et des choeurs angéliques, le capitaine Némo de Jules Verne embarquant en quelque sorte à bord du sous-marin jaune. A côté des Innocents, l’Affaire Louis’ Trio constitua une des plus convaincantes tentatives d’adaptation de la grammaire musicale de Lennon et McCartney en langue française.
« Rock rigolo tendance cha cha »
Après avoir monté un premier groupe, Cleet Boris, en 1979, plutôt hard-rock au moment où triomphe AC/DC (titre d’une des futures chansons du Trio), le chanteur change radicalement d’orientation en rencontrant le guitariste François Lebleu (mort en 2008 à l’âge de 43 ans), rebaptisé Bronco Junior. Le troisième membre de l’affaire est le jeune frère de Mounier, Vincent, alias Karl Niagara, également guitariste. Ces zazous ne se prennent pas au sérieux, revendiquant un « rock rigolo tendance cha cha » lors de leur premier passage au Printemps de Bourges en 1985.
Un ultime long format à trois, L’Homme aux milles vies (1995), bénéficiera de la participation du bassiste du groupe britannique XTC Colin Moulding et de celle de l’ancien batteur de Téléphone Richard Kolinka. Après quoi le trio se retrouve duo avec le départ de Karl Niagara et livre un dernier album, L’Affaire Louis’ Trio en 1997, qui préfigure le virage vers la chanson que va opérer Hubert Mounier dans sa carrière solo pour laquelle il reprend son nom de l’état-civil. C’est pourtant Cleet Boris qui publie un an plus tard une une BD autobiographique, Super Héros (en collaboration avec David Scrima), narrant la disclocation de l’Affaire Louis Trio. Il faudra attendre 2001 pour que l’échalas ténébreux lâche Le Grand Huit, un album réalisé par un musicien alors inconnu, également lyonnais, Benjamin Biolay, qui brille pour ses arrangements de cordes. Très touché par cette disparition, l’auteur de La Superbe a été le premier à rendre hommage à son « ami et grand frère » et même « professeur de chanson ». Hubert Mounier alterne alors albums de bandes dessinées – Créature en 2003, consacré à celle de Frankenstein – et de musique avec Voyager léger en 2005, toujours avec la complicité de Biolay.
La réussite de ce disque (avec l’obsédant La vie fait ce qu’elle veut ou le déchirant Ne m’oublie pas) l’avait fait renouer avec la scène en 2006, désertée depuis presqu’une décennie, dans de petites salles. On s’aperçut alors que le garçon insouciant et fantasque avait cédé place à un quadra en crise, en proie à la dépression, l’alcool et la solitude.
Toujours actif sur les deux fronts, mais à son rythme, Hubert Mounier avait encore publié La maison de pain d’épice en 2011, disque accompagné d’une BD. Puis Simple Appareil, en 2014, un bilan où il reprenait son répertoire en version acoustique, suivi d’un un premier roman, Le Nombril du Monde. A sa mort, il travaillait sur un album de BD pour Dupuis, Le Roi de la Jungle, dédié à Tarzan. Un retour aux enchantements de son enfance.
- Bruno Lesprit
Journaliste au Monde
Source : http://www.lemonde.fr
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