Paris, reportage
L’occupation de la place a été lancée à la suite de la manifestation contre la loi Travail — la loi El Khomri. Malgré la pluie, ce soir là, près de 4.000 manifestants sont restés réunis pour la première « Nuit debout ». Certains dorment sur place. Chaque matin à l’aube, les policiers viennent évacuer les lieux. Chaque après-midi, les tentes sont remontées, les scènes reconstruites, le matériel réinstallé, les bâches retendues. Et chaque jour, les participants sont un peu plus nombreux.
Ce dimanche 3 avril, le soleil a enfin montré ses rayons, rappelant que le printemps est là, prêt à accompagner ce mouvement de renouveau. Au dessus de quelques palettes qui ont permis de monter un guichet, une banderole « Accueil » appelle le visiteur. Ici, chacun fait la queue pour proposer de participer à la commission Démocratie, Restauration (pour les repas), Sérénité (pour assurer la sûreté des lieux), Logistique ou encore Communication. L’organisation s’inspire notamment de celle des Indignés espagnols.

Entre les deux allées de tentes, un grand cercle s’est formé autour du premier cour de sociologie de l’université populaire. Sous une bâche, la commission Démocratie se demande comment s’organiser sans hiérarchies. Plus loin, au pied de la statue de la République, la commission Communication parle réseaux sociaux.

- Comment s’organiser sans hiérarchie ?
Le mot d’ordre de tous, c’est la « convergence des luttes », mais sinon, il n’y a pas de revendications communes encore bien définies. L’idée générale est de « repenser le système ». Florient porte un petit carré rouge sur le blouson : « Certains essayent de lancer ça comme signe de ralliement, comme pour la mobilisation au Canada. Ce qui me plairait c’est que les gens se rendent compte qu’on ne vit pas dans une démocratie aujourd’hui, que la constitution ne défend que certaines personnes. »

- Florient : « Ce qui me plairait, c’est que les gens se rendent compte qu’on ne vit pas en démocratie »
Marine, elle, « a été touchée par la mobilisation du collectif #OnVautMieuxQueÇa », qui a lancé la mobilisation contre la loi Travail. La jeune prof revient sur la place tous les jours depuis jeudi : « J’ai surtout aimé l’idée qu’on dise ’OK, c’est bien de s’opposer mais maintenant si on se rassemblait tous et qu’on discutait de ce que l’on a envie de créer ensemble’ ? »
« On est gouverné par une élite, le but, c’est de remettre en cause le système qui nous gouverne », complète Thomas. Ce grand barbu a, par exemple, participé à la commission Logistique. « Ce qui m’a plu, c’est que ça a donné quelque chose de cohérent sans qu’on ait besoin d’une organisation verticale », raconte-t-il. Dans le même groupe d’amis, Marion confirme : « Je crois qu’il y a un ras-le-bol général, je crois que les gens en ont vraiment marre de la façon dont on est gouvernés. Il y a des gens, je crois qu’ils ne savent même pas pourquoi ils sont là, mais ça leur fait du bien, ils ont juste besoin que ça change. »

- Anthony, Marion, Marine, Thomas : « C’est bien de s’opposer. Mais si on discutait de ce qu’on a envie de faire ensemble ? »
C’est finalement un peu le cas d’Anthony, toujours dans le même groupe d’amis. « Cela fait plusieurs mois et même années, que j’ai l’impression qu’il y a un réel problème de démocratie, que nos politiques ne représentent plus ce qu’il se passe sur le terrain, explique-t-il. Cela m’énerve beaucoup et ici, je peux échanger avec les gens, pour essayer de faire avancer les choses. Pour cela je reviendrai demain, et mardi, et mercredi, et au-delà. »
Pour Jocelyn, qui est venu tous les jours depuis le début, l’essentiel est... de parler, que tout le monde se parle :
Ecouter Jocelyn :
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