Paris (AFP) - La dépression s'est de nouveau abattue jeudi sur les marchés mondiaux qui ont nettement décroché, surtout en Europe, terrassés par un cocktail d'inquiétudes et de doutes à l'égard du pétrole, des banques et de la croissance mondiale.
L'embellie de la veille a donc été étouffée dans l'oeuf par des places financières qui n'en finissent plus de broyer du noir depuis le début de l'année.
La sinistrose, générale en Europe, a également touché Wall Street qui a terminé en recul même si elle a réduit ses pertes en fin de journée. Le Dow Jones a perdu en clôture 1,6% et le Nasdaq 0,39%.
Les dégâts ont été plus prononcés en Europe: Paris a perdu 4,05%, Francfort 2,93%, Londres 2,39%, Milan 5,63% et Madrid 4,88%.
Ailleurs dans le monde, Buenos Aires a chuté de 2,96%, Sao Paulo de 2,56% mais Toronto a limité son recul à 0,81%.
Les marchés asiatiques avaient aussi vu rouge et clôturé massivement en baisse dans la matinée.
"Les deux facteurs qui pèsent sur les marchés restent en place, à savoir les banques et le pétrole", souligne Alexandre Baradez, analyste chez IG France.
La présidente de la banque centrale américaine, Janet Yellen, qui a témoigné mercredi et jeudi devant les parlementaires à Washington, n'a rien fait non plus pour rassurer les places financières.
Les banques, qui cristallisent les peurs depuis quelques jours, étaient en première ligne du décrochage, au point que plusieurs journaux allemands parlaient de "tremblement de terre bancaire".
La française Société Générale a reculé à la clôture de 12,57%, l'italienne BMPS de 9,88%, l'espagnole Santander de 6,87%. En Allemagne, Deutsche Bank, première banque allemande, qui avait été contrainte de publier un communiqué pour rassurer sur sa solvabilité s'est enfoncée de nouveau, de 6,14%. A Londres, Barclays a perdu 6,23%.
"Pourtant les banques ne sont pas du tout dans une situation similaire à celle de 2007, avec du stress en termes de liquidité et de solvabilité", souligne M. Robin.
Le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, est d'ailleurs monté au créneau en début d'après-midi en affirmant que la zone euro et ses banques étaient structurellement dans une "bien meilleure situation" qu'il y a quelques années.
Juste avant, le patron de la Société Générale, Frédéric Oudéa, a fait la même chose en assurant que les turbulences subies par les valeurs bancaires s'expliquaient par une "surréaction" des marchés boursiers.
- Plus de lapin dans le chapeau -
Les cours du pétrole, autre sujet majeur de préoccupation des marchés, continuaient de se rapprocher de leurs plus bas niveaux depuis 2003, alourdissant encore l'ambiance générale.
Corollaire logique de l'aversion totale des investisseurs pour le risque, les valeurs refuges étaient très recherchées.
L'or passait ainsi au-dessus des 1.200 dollars.
Le taux d'emprunt à 10 ans de l'Allemagne, le fameux "Bund", s'est fortement détendu et évoluait désormais sous les 0,2%. A l'inverse, les dettes des pays du sud de l'Europe étaient sous pression, Grèce et Portugal en tête.
Pour Christopher Dembik, un économiste de Saxo Banque, "le coeur du problème, c'est le décalage entre les attentes des marchés en début d'année et la réalité des chiffres. Tout le monde croyait que l'année 2016 serait celle de la reprise mais, dès les premiers jours de janvier, la Banque mondiale, puis le FMI, ont revu nettement à la baisse leurs prévisions de croissance pour l'année en cours".
"Fondamentalement, le contexte n'est pas très différent" avec un "ralentissement chinois connu depuis 2009, une incurie du système bancaire italien et la nécessité d'une +bad bank+ (entité regroupant les actifs à risque) pour le purger depuis 2012", développe-t-il.
Selon lui, "désormais la panique est auto-entretenue et les marchés ne font plus guère attention aux fondamentaux".
Si les marchés sont aussi désorientés depuis le début de l'année, c'est aussi parce que les banques centrales peinent de plus en plus à rassurer.
"Seule une action des banques centrales pourrait encore rassurer, mais elles disposent de moins en moins d'instruments pour surprendre les investisseurs", analyse M. Dembik.
La Réserve fédérale américaine est en position de statu quo, poursuit-il, faisant reposer la pression sur la Banque centrale européenne. Or son président, "Mario Draghi, n'a plus de lapin à sortir de son chapeau afin de rassurer, donc la baisse actuelle pourrait encore durer longtemps et potentiellement se transformer en nouvelle crise".
Source : http://tempsreel.nouvelobs.com