À Toulouse, les partisans de la Zad ont décidé de mener la vie dure au champion du béton depuis qu’il a demandé l’expulsion des habitants de Notre-Dame-des-Landes. Occupations de bureaux, opérations de péages et parkings gratuits... les pistes sont ouvertes.
Toulouse, correspondance
Le rendez-vous était resté secret jusqu’au dernier moment. Ce mercredi 27 janvier, une trentaine de personnes se rejoignent à deux pas du Capitole, dans le centre de Toulouse. Au quatrième étage d’un immeuble anonyme, se trouvent les bureaux de Vinci Immobilier et d’Indigo (ex Vinci-Park). Une banderole « Vinci nous ruine, ruinons Vinci » est déployée à la hâte sur le seuil, tandis qu’une poignée de manifestants se rue dans le hall d’entrée. Munis d’ardoises en carton, en référence aux pénalités demandées par Vinci aux paysans et habitants historiques de Notre-Dame-des-Landes, ils s’allongent à même le sol pour barrer le passage, tout en crayonnant leurs slogans. « On est bien ici, on pourrait rester des années ! » s’esclaffe une militante. Tracts à la main, Fatima décide de grimper les étages pour visiter les bureaux de Vinci. Elle sonne à plusieurs reprises à la porte. Sans succès. Prévenus grâce aux caméras de la cage d’escalier, les employés se sont claquemurés. Fatima se résigne mais sans déception. Elle en est certaine : les collectifs Zad de Haute-Garonne et du Tarn, qui ont organisé l’action, reviendront.
À plus de 600 km du bocage nantais, les militants qui ont participé de près ou de loin à la lutte contre le barrage de Sivens (Tarn) ont décidé de mener des actions non-violentes de basse intensité contre Vinci, le promoteur du projet d’aéroport contesté à Notre-Dame-des-Landes. « C’est une évidence », explique Jean-Claude. « Le centre névralgique est à Nantes, certes, mais il faut décentraliser la mobilisation sur le territoire. Notre-Dame-des-Landes est une problématique nationale, voire internationale ! » s’exclame-t-il. Dans la rue bondée, le slogan « Vinci dégage, résistance et sabotage » hurlé à tue-tête perturbe l’après-midi ensoleillée des passants aux bras chargés de sacs.
« Ils veulent juste bâtir, bâtir, bâtir pour se faire du fric ! »
Un grand sourire accroché aux lèvres, « Camille » arrête les badauds pour échanger quelques mots. « Vous avez raison, il y en a ras-le bol de ces grandes entreprises qui mettent la main sur tout ! » s’écrie Marianne, une Toulousaine aux cheveux grisonnants devant le manifestant qui reste bouche bée. « On m’avait dit que cette action serait un grand moment de solitude, mais finalement les gens réagissent et sont de notre côté », confie-t-il. Axel, un lycéen rigolard, met la main à pâte en distribuant des tracts. « Virer des familles, c’est dégueulasse, ça pourrait très bien m’arriver à moi ou à vous demain », commente-t-il. Saïda, employée d’un institut de sondage installé dans le même immeuble que Vinci, fulmine : « C’est honteux, cette décision du tribunal. Que Vinci ait osé demander mille euros par jour de pénalités à des paysans et des familles, ça dépasse l’entendement. Dans quel monde on vit, là ? Ils veulent juste bâtir, bâtir, bâtir pour se faire du fric ! » vitupère-t-elle.
À quelques mètres, un petit groupe de CRS nonchalants observent la scène. Lunettes de soleil sur le nez, un policier confirme qu’on ne leur a pas donné l’ordre d’intervenir. Après une heure d’occupation, les manifestants décident de lever le camp. Les autres bureaux de Vinci à Toulouse ont baissé leurs rideaux par mesure de précaution. « Vinci ne va pas s’en tirer comme ça, souffle un opposant au projet d’aéroport. Dans les semaines qui viennent, ils vont entendre parler de nous. »
D’autant plus qu’à Toulouse, le géant de la construction, qui est aussi le premier opérateur européen de concessions d’infrastructures de transport, fait grincer des dents. En novembre dernier, Vinci-Park s’est rebaptisé Indigo en toute discrétion. Ce nouveau nom est censé faire « référence à la septième couleur de l’arc-en-ciel, un bleu violet très profond, que Léonard de Vinci définissait comme la couleur du lointain, de l’infini et du futur ». Une opération de « blue-washing » qui semble réussir au leader mondial du stationnement payant dans la ville rose. Le 20 janvier dernier, Indigo a raflé le contrat de concessions de plusieurs parkings toulousains, avec en prime la construction de milliers de places dans le cadre de l’aménagement du centre-ville. Présentée comme une « bonne affaire » par Jean-Luc Moudenc, le maire (Les Républicains) de Toulouse...
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