Une polémique chasse l’autre. Une marque de gâteaux, de fringues, un distributeur, cloués au pilori numérique, Twitter et ses condamnations en 140 caractères. Pour 24 heures, quinze jours, ou plus, selon le degré de sensibilité. Nicolas Vanderbiest, chercheur à l’Université catholique de Louvain, s’est appliqué à recenser tous ces « bad buzz » de l’année 2015 en France : il en a compté 109, à peine plus qu’en 2014, et dressé une liste des dix « plus gros » – non en termes de volumes de tweets, mais de retentissements de l’onde de choc jusque dans les grands médias (radio, TV) et de leurs conséquences dans la vie réelle.
En tête de son palmarès, présenté ce mardi avec son livre blanc « Rétrospective des bad buzz 2015 », réalisé avec la plateforme de veille Twitter Visibrain :
- Paris pour Tel-Aviv-sur-Seine à Paris Plages ;
- Les JO de Tokyo et leur logo pompé ;
- Lenovo et son logiciel espion dans les ordis ;
- Thalys et ses employés accusés d’avoir été poltrons lors de la tentative d’attentat ;
- TF1 et son direct morbide devant le crash de l’hélico de Dropped.
Le phénomène qui a le plus marqué l’année passée selon ce spécialiste des réseaux sociaux, qui tient le blog Reputatio Lab, est la multiplication des faux bad buzz, depuis Carambar – qui avait annoncé la fin des blagues sur le papier d’emballage, avant de révéler la supercherie.
« Rien qu’en janvier, je compte déjà trois faux bad buzz. Cela devient un artefact de communication que de créer une crise pour gagner en visibilité. »
Il cite l’exemple d’un club de gym Vitaliberté qui publie une pub au slogan délibérément polémique :
Sans scrupules... et hors-la-loi !
Nicolas Vanderbiest observe que le « CM », le community manager, « se gargarise de son coup d’éclat en publiant toutes les retombées sur son coup de com à moindre coût ». Le jeune universitaire dénonce dans son livre blanc :
« Une absence totale d’éthique de la part de nombreuses marques. Ces bad buzz intentionnels sont devenus des contenus attractifs pour une presse dont le modèle est celui de la recherche du clic. »
Ces bad buzz seraient « le nouvel eldorado » car « toutes ces tentatives se révèlent être particulièrement lucratives ». Dans l’exemple de Carambar, les ventes ont augmenté de 20%. Idem pour Mikado (+17%) qui avait annoncé un (faux) biscuit sans chocolat. Le chercheur s’interroge :
« Le crime paie... Ils ont menti sciemment aux journalistes. Jusqu’où va-t-on après ? Activision a même simulé un attentat pour la sortie du jeu “Call of Duty” ! On ne recule plus devant rien. »
Certaines marques n’ont pas hésité à récupérer sans scrupules le slogan « Je suis Charlie », comme les 3 Suisses ou France Literie...
Cette recherche du buzz pour le buzz peut même aller encore plus loin :
« Récemment, la dernière frontière a été franchie, la loi ! Certaines marques s’en foutent ! On a vu Kiabi par exemple pratiquer l’affichage sauvage dans plusieurs villes dont Grenoble qui a fait le choix sociétal de supprimer toute publicité extérieure. Et son agence réplique que l’impact visuel est plus rentable qu’une amende. Il ne faut pas que le communicant s’étonne ensuite d’être détesté... »
Pour éviter le vrai bad buzz, il conseille aux entreprises de « montrer qu’elles ne sont pas déconnectées de la réalité sociale » – comme la fameuse note « anti-clochards » du McDo de Hyères. Au risque d’essuyer un méchant retour de bâton.
Et le spécialiste des réseaux sociaux prévient les entreprises, en citant l’exemple des fichiers clients annotés de Boulanger :
« Tout finit par se savoir. »
Source : http://rue89.nouvelobs.com