Depuis le début de l'état d'urgence, 2 500 perquisitions administratives ont eu lieu au nom de la prévention du terrorisme. Mais celles-ci n'ont provoqué l'ouverture à ce jour que de deux enquêtes préliminaires, sans garde à vue, par le pôle antiterroriste du parquet de Paris.
Depuis le déclenchement de l’état d’urgence le 14 novembre 2015, c’est un festival de portes fracassées en pleine nuit, de menottages indus et d’appartements retournés, avec pour seule explication, un ordre de perquisition évoquant la prévention du terrorisme : il existe « des raisons sérieuses de penser que se trouvent [ici] des personnes, armes ou objets liés à des activités à caractère terroriste ».
Au soir du 10 décembre 2015, 2 500 perquisitions administratives ont eu lieu, selon le décompte du ministère de l’intérieur. Pour quel bilan ? Au total, depuis le début de l’état d’urgence, 305 personnes ont été interpellées, dont 267 gardées à vue. Mais aucune pour terrorisme, qui était pourtant la motivation justifiant ces mesures très intrusives réalisées en dehors de tout cadre judiciaire.
La section antiterroriste du parquet de Paris n’a, à ce jour, ouvert que deux enquêtes préliminaires à la suite de perquisitions administratives, indique le parquet. Ces deux enquêtes pour « association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme » – une infraction très large qui permet de poursuivre et de sanctionner des préparatifs avant tout début de passage à l’acte – ont été ouvertes les 4 et 10 décembre 2015. Et aucune garde à vue n’a pour l’instant eu lieu dans ces deux procédures. Le parquet ne livre par ailleurs aucune information sur les faits qui ont motivé l’ouverture de ces enquêtes, ni sur les perquisitions concernées.
« L’absence d’enquête ne veut pas dire qu’aucun élément découvert lors de ces perquisitions n’intéresse les services antiterroristes », nous précise-t-on, pour nuancer ce maigre bilan judiciaire. Il s’agirait donc surtout d’alimenter en information les services de renseignement. On a connu façon plus discrète de procéder…
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Ces perquisitions ont par ailleurs permis de découvrir 398 armes, dont 169 armes longues et 39 armes de guerre. Les procédures judiciaires ouvertes visent donc surtout des infractions de droit commun, parfois très éloignées du terrorisme : trafic de stupéfiants, armes, voire « travail dissimulé » et « fraude aux prestations sociales ». « En quinze jours, nous avons saisi un tiers du volume des armes de guerre récupérées en une année », s’est réjoui le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, le 2 décembre 2015. Les perquisitions ont par ailleurs débouché sur de « nombreuses » procédures judiciaires pour apologie du terrorisme ou provocation à des actes terroristes, ouvertes par les parquets locaux.
La liste des perquisitions administratives menées en Seine-Saint-Denis, dévoilée par Mediapart, montrait ainsi une certaine confusion dans la définition des objectifs. Détention d’armes, cannabis ou crack : tout y passait, en plus des soupçons directement liés au terrorisme. Le gouvernement, il est vrai, n’a cessé d’évoquer les connexions potentielles entre trafiquants et djihadistes…
Malgré une circulaire du 25 novembre 2015 du ministère de l'intérieur rappelant que leur mise en œuvre devait être « strictement proportionnée », les perquisitions continuent à charrier leur lot d'arbitraire et un nombre impressionnant de “dérapages”, de comportements et de propos inadmissibles des forces de l'ordre, documentés par les médias. Et sans doute bientôt par la commission des lois de l’Assemblée nationale, qui présentera mercredi le premier compte-rendu de son contrôle des « abus » de l’état d’urgence.
Source : https://www.mediapart.fr
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