En parallèle du sommet pour le climat au Bourget, le gouvernement inaugurait ce vendredi un salon “Solutions COP 21” à Paris, rassemblement d'entreprises et de collectivités censées présenter leurs actions contre le changement climatique. Du pur « greenwashing », pour les ONG qui ont tenté de perturber le lancement.
Ce vendredi était jour d’inauguration officielle des Solutions COP 21 au Grand Palais à Paris. Porté par le gouvernement – Ségolène Royal y est attendue ce soir, et même François Hollande est annoncé – cette manifestation consiste essentiellement à faire la publicité des solutions non étatiques proposées par les entreprises, les régions et autres collectivités aux défis du changement climatique. Elle s’inscrit plus généralement dans le LPAA, le « plan d’action Lima Paris », parallèle à l’accord négocié à la COP 21 et dont nous avons déjà parlé ici à propos de l’agriculture.
Très tôt dans la préparation de la COP, le ministre français des affaires étrangères Laurent Fabius, de manière générale très porté sur la diplomatie économique, avait poussé les feux pour un “agenda des solutions” parallèle au grand sommet mondial sur le climat lui-même. Sauf que cet activisme économique n’est pas du goût de la plupart des ONG impliquées dans la défense du climat. La présence d’Engie (ex-GDF-Suez) ou encore d’Avril (ex-Sofiproteol, géant de l’agro-alimentaire par ailleurs dirigé par le président de la FNSEA Xavier Belin), notamment, ont fait tiquer.
Attac avait par ailleurs publié le montant des subventions versées par les grandes entreprises pour la COP. Parmi celles-ci, Engie a versé 436 000 euros ; Renault, 1,7 million ; EDF, 1,5 million (voir tous les montants ici)... Il était par ailleurs reproché aux organisateurs de l’événement du Grand Palais de n’avoir pas laissé de place à la société civile, essentiellement en raison du prix de la place – Engie aurait ainsi payé plus de 250 000 euros pour avoir son stand.

Etat d’urgence oblige, toute manifestation à l’extérieur du bâtiment aurait été interdite. Des militants avaient donc appelé sur les réseaux sociaux – et notamment sur Facebook – à participer ce jour vers midi (heure de l’ouverture au public) à une action coup de poings sur les lieux – un appel relayé sur le site Paris-luttes.fr.
De fait, dès 10 heures du matin, la salle était littéralement quadrillée de policiers en civil, qui s’ajoutaient aux vigiles officiels et aux CRS qui gardaient les entrées. Munis d’oreillettes, dans l’éternelle tenue jean-basket-blouson-sac-à-dos, ils étaient en ce début de matinée quasiment plus nombreux que les hôtesses et autres démonstrateurs dans leurs stands.
Vers 13 h 45, alors que la foule de badauds de faisait de plus en plus nombreuses, quelques militants ont soudain sorti un écriteau « FR » ou « EN » selon la langue, afin d’attirer passants et médias. Le discours était le même quelque soit la langue : les « fausses solutions » présentées ici sont non seulement inutiles pour le climat mais même nuisibles. Ainsi Engie, pointée du doigt notamment parce qu'elle possède 30 centrales électriques à charbon ou fait du lobbying pour un marché global du carbone. Ou encore Avril (anciennement Sofiprotel) accusé de favoriser une agriculture hors-sol au détriment des petits paysans et producteurs, d'être le leader français des agrocarburants. (Lire ici le document publié par Corporate Europe Observatory sur le sujet.)

Les policiers en civil commençaient par « encager », selon leur jargon, les fauteurs de trouble, les empêchant de se livrer à un tour commenté des stands. Puis, après environ 5 à 10 minutes de statu quo, finissaient par les conduire manu militari à l’extérieur du Grand Palais pour les remettre aux CRS. Les militants n’ont cependant pas été arrêté.
Impassible, le ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll n’a pas paru plus troublé que ça, quand bien même des militants chantaient « Si tu fais du greenwashing, tape dans tes mains » pendant que celui-ci essayait de parler à la presse.
Du coup, la pseudo manifestation s’est poursuivie à l’extérieur du Grand Palais, devant des CRS de plus en plus nombreux, rejoints par les policiers en civil. Le face à face a duré une bonne heure, sans heurts ni violences, ni ce n’est parfois un peu de bousculade. Nicole Notat, l’ancienne secrétaire générale de la CFDT depuis reconvertie dans l’entreprenariat (elle est PDG d’une société spécialisée dans l’accompagnement des entreprises), passe s’en s’émouvoir, tentant de se frayer un chemin pour entrer dans le Grand Palais.
Les militants présents ont fini par pouvoir déployer une large banderole sur laquelle on pouvait lire : « Fausses solutions COP 21. Pas de paix sans justice climatique ».

Une conférence de presse improvisée est organisée. Audrey Arjoune, chargée de mission Justice Climatique au sein de l'association Peuples Solidaires ActionAid, explique que la démarche vise à dénoncer les « faux discours des entreprises » présentes au Grand Palais. « Nous sommes pacifiquement venu devant le stand d’Engie, devant celui de Sofiproteol. Beaucoup d’entre nous ont été bloqués à l’extérieur, sur des critères plus que discutables. L’âge ? L’apparence ? Quant à ceux qui ont pu rentrer, ils ont à peine pu délivrer leur message. » Mais, conclut-elle, « nous reviendrons, nous ne nous tairons pas, nous serons là tous les jours ».
Comme place de la République à Paris dimanche dernier, le dernier carré de militants a eu bien de la peine à se disperser, cerné de toute part par les CRS. La manifestation improvisée a fini par s’éteindre d’elle-même peu avant 16 heures.
4 décembre au Grand Palais, Paris © Images : Christophe Gueugneau (Mediapart) et Jean-Paul Duarte et Jean de Peña du Collectif À-vif(s)
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