La pensée de la décroissance est foisonnante et féconde. Un ouvrage en rassemble les notions clé pour mettre en valeur « ce mouvement et cet enjeu majeur de notre temps ».
Fabrice Flipo est maître de conférences en philosophie politique et sociale, spécialiste de l’écologisme et de la modernité. Il enseigne à l’école des Télécoms d’Evry et a publié notamment Nature et politique, contribution à une anthropologie de la globalisation et de la modernité. Il anime un blog.
Récemment est paru un ouvrage important, consacré au vocabulaire de la décroissance. Il s’agit d’un projet international, déjà édité en Angleterre et en Espagne, coordonné par trois chercheurs de l’Institut des sciences et technologies environnementales de l’Université autonome de Barcelone, et tous les trois membres du groupe d’étude Research & Degrowth (Recherche et Décroissance). Le livre réunit les contributions de 60 auteurs sur 528 pages.
Il comprend quatre parties. La première est consacrée aux courants de pensée, où l’on retrouve l’anti-utilitarisme, la bioéconomique, les courants de l’écologisme ou encore la critique du développement. Les huit entrées font le tour des grandes sources d’inspiration de la décroissance, qu’elles soient militantes ou plutôt académiques, comme la political ecology anglo-saxonne.
La seconde s’intéresse aux notions clé que l’on retrouve fréquemment utilisées dans les différents courants de la décroissance : autonomie, bien commun, bonheur, capitalisme, croissance (évidemment !), entropie, extractivisme, simplicité volontaire, etc. Les 25 entrées expliquent chacune en quelques pages quelles sont les principales réflexions et analyses sur le sujet.
Construire un paysage commun
La troisième partie aborde la question de l’action, avec une présentation de certaines actions et mesures emblématiques de la décroissance, tels que les coopératives, la désobéissance, les monnaies communautaires, l’économie féministe ou encore le partage du travail. Les 18 entrées montrent que la décroissance n’est pas seulement théorique et abstraite, mais qu’elle s’incarne dans des pratiques et des utopies concrètes (entrée « néo-utopistes ») qui incarnent les idéaux et nous font entrer dans le monde de demain.
La quatrième partie regarde du côté des alliances possibles. Le buen vivir, l’économie féministe ou l’ubuntu (le bien vivre au sens sud-africain) sont les pistes principales avancées dans ce domaine. L’idée est de montrer que si la décroissance n’invente pas tout, elle entre en résonance avec des pratiques existantes, dans le monde entier, c’est donc de là que vient l’espoir.
Pourquoi cet ouvrage est-il important ? Parce que dans un paysage décroissant minoritaire, morcelé, aux échanges parfois difficiles, mais avec une réelle dynamique et une forte créativité, du commun doit se construire, ce qui passe notamment par une mise en valeur des lieux de rencontre, ce qui construit un paysage commun, où chacun peut se repérer.
La vie que nous pourrions choisir de mener demain
L’ouvrage donne accès de manière simple et lisible aux notions clés utilisées dans les milieux qui prennent au sérieux la question de la décroissance. Le lecteur non-spécialiste et non-initié trouvera ici un outil efficace et agréable à lire, lui permettant de s’instruire et de se faire sa propre idée. Les entrées sont relativement courtes, elles évitent toute complication inutile, mais étudient en profondeur le poids des logiques économiques et industrielles qui pèsent sur les conditions d’existence collective. Elles présentent d’autres formes d’organisation de la production et des échanges, critiquent les effets de nos choix de société sur le rapport au politique, montrent les expériences collectives qui témoignent d’ores et déjà de l’existence de résistances créatives et vivaces partout dans le monde. Il s’agit là d’un panorama complet de notre vie quotidienne, et de la vie que nous pourrions choisir de mener demain !..
*Suite de l'article sur reporterre
Source : http://www.reporterre.net