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16 décembre 2015 3 16 /12 /décembre /2015 15:17

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Crise des réfugiés: la Grèce est à nouveau sous forte pression de l'Europe
15 décembre 2015 | Par Amélie Poinssot
 
 
 

Une crise chasse l'autre ? Après des mois de tensions autour du maintien de la Grèce dans la zone euro, Athènes est à nouveau pointée du doigt à Bruxelles. Incapable de gérer ses frontières et d'enregistrer correctement les migrants, la péninsule hellénique ne satisferait pas aux conditions de l'espace Schengen. Sur le terrain, les acteurs décrivent une situation intenable.

Besoin urgent de ressources humaines, de matériel et d'hébergement. C'est le constat fait à Athènes par Katerina Kitidi du HCR (Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés). Les îles grecques proches des côtes turques sont effet débordées depuis cet été par un afflux sans précédent. Plus qu'une nouvelle agence européenne de surveillance des frontières dont la formation est annoncée ce mardi 15 décembre à Bruxelles (lire les explications de Carine Fouteau), c'est d'abord de moyens matériels et humains dont la Grèce a besoin. Certes, avec le début de l'hiver, le nombre d'arrivées quotidiennes a baissé. Mais les chiffres sont encore colossaux.

La semaine dernière, ils étaient en moyenne 2 179 chaque jour à fouler le sol grec après une traversée en mer depuis les côtes turques – en octobre et début novembre, on dénombrait jusqu'à 6 000 voire 8 000 arrivées par jour. Il n'empêche, pour les autorités grecques, les ONG et les nombreux bénévoles mobilisés sur le terrain, le manque de moyens se fait toujours cruellement sentir, et le programme dit de « relocalisations » décidé par les Européens à la sortie de l’été – qui prévoyait une répartition des réfugiés entre les 28 États membres pour « soulager » l'Italie et la Grèce avec la mise en place de « hotspots » afin de faire le tri – n'est pas du tout opérationnel.

Sur le papier, il s'agissait, dans les deux années à venir, d'aller chercher quelque 160 000 Syriens, Irakiens et Érythréens actuellement en Grèce et en Italie et de les répartir entre différents pays européens, selon les quotas acceptés par chacune des 28 capitales. Mais pour l'heure, depuis Rome, seulement 130 personnes ont été relocalisées. Et depuis Athènes, seulement 30 Syriens ont été emmenés au Luxembourg… sur les 40 000 censés être délocalisés de Grèce, un chiffre qui apparaissait déjà, pour plusieurs connaisseurs du terrain, « ridicule ».

 

Un enfant réfugié devant une carte de l'Europe, dans un campement près d'un centre d'enregistrement sur l'île de Lesbos, le 18 novembre 2015 © Reuters
Un enfant réfugié devant une carte de l'Europe, dans un campement près d'un centre d'enregistrement sur l'île de Lesbos, le 18 novembre 2015 © Reuters

 

Avant de se porter volontaires pour ce programme de relocalisations, de toute façon, les réfugiés doivent passer par plusieurs étapes. Et elles sont loin d'être évidentes pour ces personnes qui ont parfois frôlé la mort dans la traversée de la mer Égée et affrontent désormais le froid de l'hiver et les intempéries. Ils sont nombreux à dormir dehors avant de pouvoir accomplir la première démarche, celle de l'enregistrement auprès des autorités, même si la file d'attente a tendance à se réduire avec la baisse du flux d'arrivées de ces dernières semaines. Aux côtés des autorités grecques, c'est Frontex qui officie, l'Agence européenne pour la gestion des frontières extérieures : cette dernière compte actuellement 170 officiers déployés sur cinq îles grecques, dont 65 pour la seule île de Lesbos. Des officiers qui aident à l'identification des personnes, aux entretiens pour tenter de déjouer les migrants qui mentiraient sur leurs origines, à la prise des empreintes digitales… Beaucoup de migrants voyagent en effet sans passeport, le perdent ou se le font voler pendant leur voyage semé d'embûches. Toutes les données sont aussitôt mises en commun sur les fichiers européens.

Problème : le déficit de ressources matérielles est criant. Pour l'heure, la Grèce ne dispose que de 48 « Eurodac », ces machines numérisant les empreintes digitales directement reliées au réseau européen. Insuffisant, selon le ministre grec délégué à la politique migratoire, Yannis Mouzalas, qui déclarait devant le Parlement grec le 3 décembre dernier en avoir demandé une centaine à Bruxelles. Sans compter que les coupures internet, fréquentes sur les îles, freinent le processus. Dans certaines îles, la prise des empreintes digitales se fait encore à l'encre : des données impossibles à traiter en l'état au niveau européen.

Ces procédures se sont toutefois améliorées au cours de l'automne. Car jusqu'à octobre, totalement submergées, les autorités grecques laissaient filer les Syriens ou les migrants se faisant passer comme tels sans les enregistrer, comme en témoigne une personne qui était impliquée sur le terrain à ce moment-là, sur l'île de Lesbos. L'île, qui a vu passer cette année 60 % du flux migratoire de la mer Égée, compte deux centres de réception faits de préfabriqués, Kara Tepe et Moria. « Les Syriens, conduits vers le centre de Kara Tepe, se voyaient délivrer un document leur demandant de s'enregistrer à Athènes, avec un rendez-vous en février 2016 pour y laisser leurs empreintes digitales ! C'était absurde, aucun réfugié n'allait attendre cette date, beaucoup ont déjà quitté la Grèce. Ces personnes ne sont donc enregistrées nulle part, elles n'existent pas dans le système Schengen », témoigne cette source qui était en contact direct avec la police grecque sur place. « En revanche, tous les autres migrants passaient par la procédure d'enregistrement avec Eurodac, dans le centre de réception de Moria. Mais il n'y avait encore qu'une seule machine Eurodac. »

« Le service d'enregistrement est maintenant efficient, assure de son côté Ewa Mancure, la porte-parole de Frontex, depuis le siège de l'organisation, à Varsovie. Mais nous avons encore besoin de personnel. Au total, nous avons lancé 775 appels à candidature pour des missions de plusieurs mois. Il nous reste encore environ la moitié à recruter. »

 

Dès que l'enregistrement est fait – parfois il faut attendre plusieurs jours –, deuxième étape : la demande d'asile. Le service d'asile est bien opérationnel à Lesbos, nous disent différents interlocuteurs impliqués sur le terrain. Mais la plupart des migrants, en réalité, ne profitent pas de la structure : en novembre, sur l'île de Lesbos, seulement 17 personnes ont fait la démarche de demander l'asile, pour un nombre d'arrivées supérieur à 103 000. À l'échelle nationale, c'est 10 718 dossiers déposés depuis le début de l'année… pour environ 800 000 entrées sur le territoire par la mer Égée, d'après les dernières données de l'Organisation internationale pour les migrations (IOM) et celles du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR). Autrement dit, une infime proportion.

La plupart des migrants, aussitôt leur identité enregistrée, prennent en fait un ferry pour Athènes, d'où ils essaient de poursuivre leur route, vers les Balkans. Objectif : rejoindre le nord de l'Europe. Une route de plus en plus périlleuse, comme en témoignent les récents affrontements le long de la frontière avec la Macédoine où plusieurs milliers de migrants sont restés bloqués, côté grec, les autorités de Skopje ne laissant plus passer que les Syriens, Afghans et Irakiens. Début décembre, un homme marocain est mort, électrocuté, en tentant de passer cette frontière. La semaine dernière, les autorités grecques ont employé les grands moyens : elles ont délogé les quelque deux mille migrants du camp de fortune installé à la frontière et les ont conduits jusqu'à Athènes, dans un ancien stade des infrastructures olympiques où ils séjournent depuis. Le ministère a promis de leur trouver une solution durable d'ici à la fin de cette semaine.

Une nouvelle humiliation « efficace »

Or pour bénéficier du programme de « relocalisations » de l’UE, il y a une troisième étape : se porter candidat. Mais la plupart des migrants qui arrivent sur les îles ignorent qu'un tel programme existe. « De notre côté, nous essayons au maximum d'expliquer aux réfugiés arrivant sur les îles leurs droits et leurs obligations, et de les inciter à se porter candidat à ce programme », explique Katerina Kitidi. Mais pour l’instant, seulement 74 personnes se sont portées candidates à ce programme via les services du HCR. Du côté des pays d'accueil, selon la commission, à peine 3 616 places avaient été identifiées début décembre, dans 14 États membres, pour les semaines à venir.

À Lesbos, pourtant site du premier « hotspot » officiellement ouvert en Grèce, les structures d'hébergement pour combler l'attente entre le dépôt de la demande de relocalisation et le départ effectif n'existent pas. D'autres hotspots étaient en outre prévus sur les îles de Chios, Samos, Kos et Leros d’ici à la fin de l’année. Aucun n'a ouvert et il ne reste plus qu'une quinzaine de jours…

Athènes, en réalité, n'était pas extrêmement favorable à cette mesure. L'exécutif grec est davantage partisan de hotspots sur le sol turc, afin d'effectuer une répartition des réfugiés en amont, et de leur éviter la traversée mortelle de la mer Égée. Depuis le début de l'année, 3 671 personnes ayant emprunté une route maritime pour rejoindre l'Europe sont décédées ou portées disparues, d'après les statistiques de l'IOM. Autrement dit, une personne sur cinquante qui tente la traversée… Athènes a par ailleurs demandé, ce mardi 15 décembre, que soit étudiée à Bruxelles la possibilité d'enregistrer les demandes d'asile des migrants où ils le souhaitent à l'intérieur de l'UE. Autrement dit, elle milite pour l'abolition de Dublin II, règlement qui voulait que les migrants déposent leur dossier dans le premier pays européen dans lequel ils pénètrent – ce qui faisait de la Grèce le premier pays d'enregistrement des demandes d'asile. Ce n'était de facto plus en application depuis 2011, mais Bruxelles souhaite que ce soit de nouveau la règle dès les premiers mois de 2016. Entre Bruxelles qui souhaite maintenir la gestion du phénomène migratoire à l'intérieur des frontières grecques et Athènes qui semble avoir démissionné depuis longtemps, la divergence est grande.

 

A Lesbos, le 8 décembre 2015

 

Mais si la Grèce ne s'est jamais montrée exemplaire en matière d'accueil des immigrés, les politiques d’austérité voulues par Bruxelles n'ont fait qu'empirer les choses et ne sont pas sans conséquence sur la gestion du flux migratoire exceptionnel de cette année 2015. Dimitris Christopoulos, vice-président de la Ligue hellénique des droits de l'homme, estime ainsi que les obligations de son pays sont tout simplement impossibles à tenir. D'après les conclusions du sommet européen du 26 octobre, la Grèce est censée créer 50 000 places d'hébergement d'ici à la fin de l'année. « C'est impossible, à la fois en raison d'une incapacité administrative de l’État grec et d'une absence de volonté politique. Mais cette absence de volonté, elle est due au fait que nos dirigeants sont sincèrement convaincus qu'on ne peut rien faire : notre État est en faillite, on a intégré l'idée que cette faillite a gagné l'ensemble de la société. Les élites politiques sont désormais convaincues que nous sommes condamnés à échouer. C'est le résultat de plus de cinq ans de crise et de politiques d'austérité », avance Christopoulos, qui a conseillé le gouvernement Tsipras sur les questions migratoires jusqu'en juillet.

À Bruxelles, on feint d'oublier aujourd'hui les contraintes budgétaires extrêmement serrées que l'on a exigées d'Athènes depuis 2010. Et l'on dégaine, même, de nouvelles armes. La pression est ainsi remontée d'un cran début décembre pour forcer la Grèce à être plus efficace dans les enregistrements des migrants. De manière insidieuse, le bâton a pris la forme de spéculations sur une « suspension » de la Grèce de Schengen. Spéculations qui faisaient même la une du Financial Times le 2 décembre. Après deux jours d'une mayonnaise médiatique savamment orchestrée en parallèle d'une réunion à Bruxelles des ministres européens de l'intérieur, la menace était retombée.

Cette perspective d’une nouvelle humiliation pour Athènes, de fait, a fonctionné. Comme le résumait le 4 décembre un diplomate français, cette agitation « a permis de débloquer les choses » : « Je ne dirai pas que c’était une mise en scène concertée, mais disons que cela s’est révélé efficace. » En amont de la réunion européenne, Athènes avait ainsi donné des gages pour consolider sa coopération avec Bruxelles, quitte à perdre un peu de sa souveraineté dans la gestion des frontières : elle avait activé le Mécanisme européen de protection civile (pour obtenir de l’assistance technique, déjà débloqué par le passé dans des situations très variées afin de lutter contre la prolifération de l’Ebola ou éteindre des incendies en Grèce), et elle avait formulé auprès de Frontex une demande de déploiement des équipes d’intervention rapide aux frontières (RABIT, dans le jargon anglais), constituées de gardes-frontières venus d’autres États membres.

La pression, toutefois, ne s'est pas arrêtée là. Jeudi 10 décembre, c'est au tour de la Commission européenne de brandir le bâton. Dans une lettre adressée simultanément à la Grèce, l'Italie et la Croatie, elle reproche à ces trois pays de ne pas être assez efficaces dans le relevé des empreintes digitales des demandeurs d'asile et des migrants et dans leur transmission au système central Eurodac – en théorie dans les 72 heures. Si le lendemain, au cours d'une séance parlementaire, le premier ministre grec Alexis Tsipras a aussitôt démenti, assurant que « tous » les migrants arrivant sur les îles hellènes étaient bien enregistrés depuis septembre, l'annonce de la Commission n'est pas anodine : il s'agit d'une mise en demeure, autrement dit c'est la première phase d'une procédure d'infraction pouvant aller jusqu'à des saisines de la Cour européenne de justice. D'après la Commission, environ la moitié des quelque 800 000 migrants débarqués sur les côtes grecques depuis le début de l'année n'auraient pas été enregistrés par Athènes.

Sous pression, sans aucune marge de manœuvre, le gouvernement grec a acquiescé en fin de semaine dernière face au projet de la Commission d'une nouvelle agence de surveillance des frontières maritimes de l'Union. Il est pourtant très réservé sur cette réforme, notamment en raison des questions qu'elle pose en termes de souveraineté nationale. En raison de conflits passés plus ou moins résolus, les relations de voisinage entre la Grèce, la Macédoine et la Turquie ne sont pas au beau fixe, et l'abandon de la gestion de ses frontières à une autre autorité n'a rien d'évident pour le pouvoir hellénique. D'autres pays d'Europe centrale, comme la Pologne et la Hongrie, ont également exprimé leurs réserves à Bruxelles ce lundi.

La presse grecque s'est d'ailleurs fait l'écho de vives critiques ces derniers jours. « Cette fois-ci, il ne s'agit pas de la gouvernance économique des "Vingt-Huit", écrit ce lundi 14 décembre le quotidien Efsyn (notre partenaire #OpenEurope), mais de l'imposition d'un corps européen de surveillance des côtes et des frontières, lequel sera activé dans le cas où un pays membre fait apparaître de sérieuses faiblesses dans la surveillance des frontières extérieures de l'UE. Quel pays membre est montré du doigt par Berlin et Bruxelles ? La Grèce, bien sûr. Le sujet de la souveraineté nationale n'existe plus pour Angela Merkel et Jean-Claude Juncker, dont le but est de ne pas laisser passer un moustique vers le nord et de maintenir les réfugiés à l'intérieur de la Grèce. » La création de cette nouvelle agence, poursuit le journal, « ne laisse pratiquement aucune possibilité de réaction ou de désaccord aux pays qui ne souhaitent pas céder une partie de leur souveraineté nationale ». Les forces de cette nouvelle police peuvent en effet être déployées en dépit de l'avis du pays concerné. Dans un communiqué publié ce mardi 15 décembre, Amnesty International Grèce fait valoir que cette annonce pose d'ores et déjà problème sur la question des droits humains : elle intervient « au milieu d'une série de violations des droits de l'homme enregistrées par Amnesty International aux frontières extérieures européennes, par des autorités nationales qui rendent très peu compte de leurs agissements, voire pas du tout. Aucun système de gestion des frontières, qu'il soit national ou européen, ne peut poser des frontières à la protection internationale ».

À noter que ce dossier est soutenu, à Bruxelles, par la chancelière allemande et le président de la Commission, lesquels étaient en première ligne, déjà, sur le dossier de la viabilité financière de la Grèce à l'intérieur de la zone euro. Les premiers concernés par le dossier semblent relégués au second plan. Ainsi du commissaire européen à l'immigration, Dimitris Avramoupolos… un Grec.

 

 

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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