EDF, BNP Paribas et Chevron sont les grands « vainqueurs » du prix Pinocchio du climat 2015. Ce prix est attribué chaque année aux entreprises qui se distinguent par leurs actions de « greenwashing », de lobbying ou par leur impact négatif sur les communautés locales. Il est organisé chaque année depuis 2008 par les Amis de la Terre, en partenariat avec le Centre de recherche et d’information pour le développement (CRID), Corporate Europe Observatory et Peuples solidaires-ActionAid France. À l’occasion de la COP21, « la sélection des entreprises s’est effectuée autour du climat et à l’échelle internationale », explique Sylvain Angerand, coordinateur de campagne chez les Amis de la Terre.
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Parmi les nominés, neuf entreprises ont été sélectionnées par les organisateurs. Total, par exemple, concourait pour avoir « infiltré les associations professionnelles de promotion des énergies renouvelables », selon les ONG. Shell pour « son empreinte dévastatrice sur le plan social et environnemental laissée au Nigeria », et l’entreprise Engie, anciennement GDF Suez, pour ses investissements dans les énergies fossiles. Du 3 novembre au 2 décembre, près de 43 000 votes en ligne ont été comptabilisés pour déterminer les lauréats.
« Créer un dialogue avec les entreprises »
Dans la catégorie « impacts locaux », le prix Pinocchio du climat 2015 est accordé à BNP Paribas. Comme son nom l’indique, cette distinction est réservée aux entreprises dont les activités nuisent aux communautés locales. Ce sponsor officiel de la COP21 a été choisi pour son soutien financier au secteur du charbon et les conséquences des activités minières sur les communautés locales, en particulier en Afrique du Sud et en Inde.
Contactée par Le Monde, la banque met en avant ses nouveaux engagements en faveur des énergies renouvelables et des populations affectées par ses activités. Dans un communiqué, elle affirme « ne plus financer l’extraction de charbon que ce soit via les projets miniers ou via les sociétés minières spécialisées dans le charbon qui n’ont pas de stratégie de diversification. »
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Quant au financement des centrales, l’établissement bancaire indique que ces projets devront « faire l’objet d’une consultation des populations locales potentiellement impactées. Leur dédommagement devra être prévu si nécessaire et elles devront avoir accès à un mécanisme de recours ».
Ce nouvel engagement chez BNP Paribas est une preuve, pour Sylvain Angerand, de l’impact du Prix Pinocchio. « Il nous permet surtout de créer un dialogue avec les entreprises. C’est un moyen d’accroître la pression. »
Chevron, sélectionné dans la catégorie « lobbying »
Le pétrolier américain Chevron se voit décerner un prix dans la catégorie « lobbying ». Cette récompense est « remise à l’entreprise qui a déployé le plus d’actions de lobby pour saper les politiques climatiques », selon les critères du Prix. Pour les ONG, Chevron mène une politique « très agressive de lobbying » pro-gaz de schiste en Argentine, et plus particulièrement en Patagonie.
Pascoe Sabido, chercheur et chargé de campagne pour l’Observatoire de l’Europe industrielle, dénonce « l’exploitation des énergies polluantes par l’entreprise Chevron qui ne serait pas possible sans les relations privilégiées qu’elle entretient avec les mêmes gouvernements qui sont censés réguler ses activités ».
EDF, leader du « greenwashing »
EDF, autre sponsor officiel de la COP, se voit « récompensée » dans la catégorie « greenwashing ». Celle-ci distingue les entreprises qui se « blanchissent en employant un discours de développement durable ». Les ONG reprochent au Français sa campagne de publicité « visant à faire du nucléaire une énergie propre » et ses investissements dans les énergies fossiles.
De son côté, le fournisseur d’électricité précise que cette campagne portait avant tout sur les émissions de dioxyde de carbone. « La campagne s’appuie sur des faits : l’électricité produite par EDF est peu chère et émet peu de CO2 ». L’entreprise affirme avoir plus que divisé par deux ses rejets de carbone depuis 1990. Elle spécifie également que « 98 % de l’électricité d’EDF est produite sans carbone, en France ».
Juliette Renaud, chargée de campagne sur les industries et la responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSEE) pour les Amis de la Terre, en est convaincue. « En votant massivement pour ces deux sponsors de la COP21, analyse-t-elle, les citoyens ont montré qu’ils ne sont pas dupes des mensonges qui polluent les négociations et sapent la possibilité de parvenir à un accord ambitieux et équitable sur le climat ».
- Natacha Delmotte
Journaliste au Monde
Source : http://www.lemonde.fr/planete