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26 novembre 2015 4 26 /11 /novembre /2015 13:52

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

La Chine avant la COP21 (2). La société se mobilise face à la crise environnementale

 

24 novembre 2015 | Par Gilles Taine
 
 

Face à la multiplication des catastrophes environnementales et à l'impossibilité de s'organiser au niveau national, les citoyens chinois manifestent de plus en plus ouvertement leur mécontentement. Des oppositions parfois violentes aux projets industriels se multiplient, en ville mais aussi dans les zones rurales.

Dès 2005, l'Agence nationale chargée de la protection de l'environnement (devenue ministère de l'environnement en 2008) fait officiellement état de 5 000 « incidents de masse liés aux questions environnementales ». Cet euphémisme, qui désigne les manifestations publiques liées à la pollution qui regroupent plus de cent personnes, souligne que, dès le départ, les autorités abordent le problème environnemental sous un angle politique, comme enjeu de la stabilité sociale. L'écologie entre dans le radar du gouvernement à partir du moment où elle est considérée comme remettant en cause la stabilité sociale et donc potentiellement le monopole du pouvoir du Parti. La réponse apportée aux griefs des manifestants, qu'elle prenne la forme de concessions ou de répressions, a pour but principal d'éviter de prolonger une situation d'instabilité sociale. C'est d'ailleurs pour cela que, très souvent, les industriels se contentent de fermer une usine quelque part pour la rouvrir ailleurs, en général dans une zone plus éloignée et moins développée.

C'est ce qui se passe en 2007, lorsqu'un projet d'ouverture d'une usine de paraxylène (produit chimique utilisé dans la fabrication du polyester et de bouteilles en plastique) à Xiamen, approuvé par le gouvernement central malgré le fait qu'il soit situé dans une zone densément peuplée, provoque des manifestations pacifiques regroupant des dizaines de milliers de citadins. Ce mouvement bénéficie d'une telle couverture médiatique aux niveaux national et international, que le vice-directeur de l'Agence nationale chargée de la protection de l'environnement enjoint les autorités de la ville à « revenir sur leur décision de développer le projet », alors même que celui-ci est inscrit dans le 11e plan quinquennal. Après les manifestations, des consultations publiques sont organisées et le projet annulé. L'usine est déplacée dans une autre ville, plus petite et plus pauvre (en l'occurrence, la ville de Zhangzhou, toujours dans la province du Fujian) où les mouvements d'opposition qui se tiennent début 2008 sont sévèrement réprimés et la couverture médiatique rendue impossible par la censure.

 

Manifestation contre un projet d'usine chimique fabriquant du paraxylène dans la pronvince de Guandong en avril 2014 © Reuters Manifestation contre un projet d'usine chimique fabriquant du paraxylène dans la pronvince de Guandong en avril 2014 © Reuters

 

Les autorités apportent donc une réponse différente à ce type de mouvement d'opposition selon l'endroit où il se développe, grand centre urbain ou bourg rural. Ironie du sort, la nouvelle usine a déjà subi deux explosions, en 2013 et en avril dernier, donnant raison aux opposants au projet. Les événements de Xiamen marquent le début de la prise de conscience des atteintes portées à l'environnement par les populations urbaines et conduisent à la multiplication de mouvements analogues dans les villes chinoises, notamment à Dalian en 2011, ou encore à Ningbo dans la région de Shanghai, plus récemment. Comme dans le cas de Xiamen, ces manifestations de citadins obtiennent des gouvernements locaux qu'ils déplacent les projets industriels prévus ailleurs.

Ce sont donc les zones rurales qui sont les premières victimes de la pollution. Ne bénéficiant ni d'un accès privilégié à des experts juridiques ou aux médias, ni de la visibilité des citadins, les ruraux ont plus de mal à faire valoir leurs droits contre les pollueurs. Le cas de Dongyang, dans la province du Zhejiang, où de violentes manifestations se sont déroulées en 2005 est de ce fait emblématique. En 1999, le gouvernement local de Dongyang décide de favoriser l'implantation de l'industrie chimique dans la région pour accélérer le développement économique. Dès 2001, le secrétaire du Parti d'un des villages de la zone refuse de signer un accord de mise à disposition des terres à l'une des usines chimiques. Après avoir écrit un article démontrant que la compagnie en charge d'établir l'usine pollue les eaux des villages où elle développe ses activités de façon systématique, il est arrêté et jeté en prison pour trois ans. En juillet 2003, les villageois détruisent toute leur récolte de riz à cause de la pollution provoquée par les déchets des usines chimiques rejetés dans l'eau du fleuve qui irrigue leurs rizières. Ils tentent en vain d'obtenir réparation en utilisant la seule voie « légitime » de présentation des griefs, la pétition.

Après avoir pétitionné sans succès les gouvernements local, municipal, provincial et même central pendant deux ans, ils décident en 2005 de bloquer l'accès au parc industriel. La situation dégénère quand le gouvernement local envoie plusieurs milliers d'agents de police pour forcer la levée du blocage. En réponse, trente à quarante mille villageois se révoltent et saccagent le parc industriel et des bâtiments officiels. Ce n'est qu'à partir de ce moment-là que les autorités centrales et provinciales ainsi que les médias commencent à s'intéresser à la situation. Une délégation de l'Agence nationale chargée de la protection de l'environnement mène une enquête dans la zone industrielle et ordonne la fermeture des usines ; le maire et le secrétaire du Parti de Dongyang sont limogés et huit villageois sont arrêtés pour « troubles à l'ordre public ». Par ailleurs, des militants écologistes se voient interdire le droit d'établir une ONG pour surveiller la fermeture des usines et l'initiateur du projet est arrêté. À la suite de cet incident, la province du Zhejiang, dont le secrétaire du Parti de l'époque n'est autre que l'actuel président Xi Jinping, met en place plusieurs politiques publiques dont une qui s'attaque au fond du problème : l'obligation pour les banques de cesser d'accorder des prêts aux industries polluantes.

 

Les plus grands succès d'interpellation sur les questions environnementales sont l'effet d'individus

Cette approche de la résolution des conflits environnementaux est caractéristique de la politique de maintien de la stabilité. Dans le cas où l'opposition villageoise ne parvient pas à attirer l'attention des médias ou du gouvernement central, on se contente de la réprimer et de continuer à agir comme avant. En revanche, si la contestation s'amplifie et obtient un écho national, alors on fait quelques concessions, tout en arrêtant les agitateurs et en empêchant la constitution d'organisations indépendantes qui puissent vérifier que les engagements sont tenus.

Les ONG agissent en parallèle et parfois en appui à ces mouvements. Profitant du degré de sensibilité politique plus faible de la question environnementale par rapport à d'autres sujets et de sa grande technicité, elles se placent au départ dans l'optique de « conseiller du prince », et tentent de sensibiliser les fonctionnaires. Ces dernières années, certaines d'entre elles, telles que l'Institute of Public and Environmental Affairs, se concentrent sur la question de la transparence et de l'information du public. Elles développent des plateformes sur Internet qui répertorient les conflits environnementaux ou recensent les entreprises les plus polluantes, dans le but de faire pression sur le gouvernement ou les multinationales étrangères qui s'appuient sur des sous-traitants ne respectant pas la législation chinoise.

L'IPE et deux autres ONG chinoises, Friends of Nature et Green Beagle, ont par exemple été à l'origine d'une campagne contre Apple. Celle-ci a duré plusieurs années et visait à dénoncer le fait que les sous-traitants chinois de la marque à la pomme étaient coupables de pollution. Après la publication de plusieurs rapports et de nombreuses séances de négociations avec les dirigeants américains, les ONG ont obtenu de la firme qu'elle oblige ses sous-traitants à respecter la législation environnementale chinoise. Cette campagne a été la base d'une autre portant sur l'ensemble de l'industrie high-tech, qui a permis de dénoncer des problèmes analogues dans les chaînes de production d'autres marques. En s'attaquant à des multinationales étrangères célèbres, les ONG chinoises ont pu bénéficier à la fois d'une très bonne couverture médiatique et du soutien du gouvernement. Cette stratégie leur a permis d'éviter de s'attirer les foudres des autorités et de s'assurer le soutien d'organisations et de consommateurs étrangers.

D'autres organisations, telles que le Centre de défense des victimes de pollutions de l'université de droit et de sciences politiques de Chine, se concentrent sur les questions juridiques et occupent la double fonction d'expert pour améliorer la législation environnementale chinoise et de soutien légal aux victimes de pollution en les aidant à porter leur affaire devant les tribunaux chinois.

Il apparaît toutefois que les plus grands succès d'interpellation sur les questions environnementales sont l'effet d'individus et plus particulièrement de journalistes. Le cas le plus récent et le plus spectaculaire est celui du documentaire Under the Dome de l'ancienne présentatrice et journaliste d'investigation de CCTV, Chai Jing, qui a été visionné plusieurs millions de fois et ouvertement soutenu par le ministre de l'environnement avant d'être censuré et retiré des portails vidéo chinois. De nombreux cas d'exposition de scandales environnementaux sont le fait de journalistes d'investigation, en partie parce que les médias, bien plus que les ONG, sont perçus par les victimes comme le moyen le plus efficace d'attirer l'attention sur leur situation et d'y apporter une solution rapide.

Ainsi, même si elle fait face à de nombreux obstacles, la population chinoise s'organise de plus en plus pour protéger l'environnement. Lorsqu'elles incluent les élites ou ont pour cible des entités étrangères, ces mobilisations ont de fortes chances de succès. À l'inverse, lorsqu'elles sont le fait de villageois, elles risquent davantage d'être réprimées. Quoi qu'il en soit, la protection de l'environnement est aujourd'hui le seul sujet qui mobilise l'ensemble de la population chinoise, riches Pékinois comme pauvres riziculteurs, et appelle de ce fait une réponse approfondie des autorités, qui aille au-delà d'une répression ponctuelle dont le but est de protéger les intérêts étatiques et de rétablir une stabilité sociale éphémère.

 

 

 

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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