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2 novembre 2015 1 02 /11 /novembre /2015 18:22

 

 

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Source : http://www.reporterre.net

 

L’électricité nucléaire est maintenant plus chère que l’électricité des renouvelables

2 novembre 2015 / Yves Heuillard (ddmagazine)
 


 

L’analyse de l’accord passé par EDF pour la construction de réacteurs nucléaires EPR en Grande-Bretagne révèle une surprise : le coût prévu pour l’électricité nucléaire est plus élevé que celui de l’électricité fournie par les énergies renouvelables. Il est temps de changer les priorités d’investissement.

Yves Heuillard est ingénieur et animateur du site ddmagazine, avec lequel cet article est publié en partenariat.


La semaine dernière, EDF et l’entreprise publique chinoise CGN ont signé un accord pour le financement de deux réacteurs nucléaires de type EPR sur le site de Hinkley Point, dans le Somerset (Sud-ouest de l’Angleterre). C’est le dernier avatar d’une saga qui a démarré en 2008 avec l’annonce par le gouvernement britannique d’une renaissance nucléaire dans le pays et avec le rachat en 2009 par EDF des 15 vieilles bouilloires atomiques de British Energy pour 15 milliards d’euros [1]. En fait, EDF a surtout acheté un ticket d’entrée sur le marché britannique. La mise en service du premier réacteur était alors annoncée pour 2017 [2]. Elle sera ensuite repoussée à 2019, puis à 2023, puis maintenant à 2025.

Le gouvernement britannique, qui n’en est pas à une contradiction près, a admis d’une part qu’il voulait rompre avec la politique de refus de subvention au nucléaire de l’administration précédente, et d’autre part qu’il réduisait les aides au photovoltaïque de 87 % « parce qu’il vient un moment où les industries doivent se débrouiller toutes seules » [3]. Parallèlement le gouvernement britannique favorise le développement de l’éolien en mer - exceptionnellement coûteux et qui doit être aidé -, alors que l’éolien terrestre est devenu la source d’électricité la moins chère [4], et que les nouvelles éoliennes sont maintenant capables de produire autant sur terre qu’en mer [5].

 

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Maquette du projet EPR de Hinkley Point

La décision d’EDF de construire deux réacteurs EPR avec CGN sur le site de la centrale nucléaire existante de Hinkley Point a été annoncée comme un fait accompli. En réalité les détails contractuels du projet, dit Hinkley Point C, sont loin d’être finalisés. Et ce d’autant que la construction d’Hinkley Point rentre dans le cadre d’un accord plus large sur la construction de deux autres EPR à Sizewell dans le Sufolk et un réacteur de technologie chinoise, dite Hualong One, sur le site EDF de Bradwell dans l’Essex. Une fois les textes finalisés et signés, il faudra encore l’approbation des conseils d’administrations des deux entreprises, puis des autorités de la concurrence et autres organismes de régulation chinois et européens. Notez que les réacteurs de type Hualong One n’ont pour le moment pas obtenu la certification des autorités britanniques.

La participation d’EDF dans le projet de Hinkley Point sera de 65,5 % et celle de CGN de 33,5 %. Sans réduire cette participation initiale en dessous de 50 %, EDF envisage d’impliquer d’autres investisseurs dans le projet. En tout, les deux EPR coûteront 18 milliards de livres (25 milliards d’euros), dont le tiers pour le partenaire chinois. Le démarrage est maintenant prévu pour 2025, les deux réacteurs devant fournir 7 % de la consommation électrique britannique. En ce qui concerne les deux réacteurs de Sizewell, EDF et CGN formeront une filiale commune à hauteur de 80 % pour EDF et 20 % pour CGN. À Bradwell, une autre filiale commune sera majoritairement détenue par CGN.

Un énorme risque pour EDF et... pour le contribuable français

En 2014, le commissaire européen Joaquin Almunia avait estimé le coût de Hinkley Point à 24,5 milliards de livres, et prévenu que le coût pourrait s’élever à 34 milliards de livres si le projet rencontrait des problèmes [6], ce qu’EDF n’avait pas contredit. Aujourd’hui le coût est estimé à 18 milliards de livres, ce que l’entreprise explique par une structure différente du financement.

S’exprimant sur son blog, Benjamin Dessus, ingénieur et économiste, président de l’association Global Chance, calcule qu’il serait plus rentable d’investir l’argent de Hinkley Point dans les économies d’énergies et que dans le meilleur cas EDF ne gagnera pas d’argent avant 2060.

EDF avait en effet prévu de financer le projet par la dette en profitant d’une garantie de crédit de 16 milliards offerte par le gouvernement britannique. Au lieu de cela EDF a choisi de financer le projet par une combinaison de fonds propres, d’emprunts, et éventuellement par l’entrée d’un nouveau partenaire. Ce changement de mécanisme de financement transfère une partie du risque sur le contribuable et le consommateur français ; il supprime le coût de la garantie de crédit offerte par le Trésor britannique.

Reste que le financement des deux premiers EPR britanniques sera délicat. EDF, déjà endettée de plus de 40 milliards d’euros, s’est engagé à prendre le contrôle de l’activité réacteurs d’Areva pour 2,7 milliards d’euros et devra faire face, pour 50 milliards, aux opérations dites de « grand carénage » du parc nucléaire français afin d’en prolonger la durée de vie. L’électricien a déjà annoncé la vente d’actifs non stratégiques pour 10 milliards d’euros, mais l’équation est toutefois considérée comme difficile, sinon impossible, par nombre d’observateurs.

Le prix de l’électricité nucléaire est devenu un des plus élevés parmi les sources d’énergie

L’accord de Hinkley Point C a au moins le mérite de préciser le coût de production de l’électricité nucléaire, même s’il reste des zones incertaines, difficiles à évaluer, voire opaques. EDF n’a accepté la construction de deux EPR à Hinkley Point qu’après avoir âprement négocié un prix garanti de l’électricité nucléaire par le gouvernement britannique : 92,50 livres par MWh (mégawattheure) en euros 2012, pendant 35 ans après le démarrage des réacteurs, et indexé sur l’inflation. Au moment où nous écrivons ces lignes, ajusté de l’inflation [7], l’inflation en 2015 n’est pas encore connue., ce prix garanti est plus de deux fois élevé que le prix du marché sur la bourse de l’électricité britannique APX.

En France la confusion est fréquente entre le coût de l’électricité nucléaire issue de réacteurs vieux de 30 ou 40 ans, largement amortis et largement payés par l’investissement public, et le coût de l’électricité produite par les nouveaux réacteurs de type EPR. Pour le choix des investissements, c’est bien évidemment ce deuxième coût de production qui importe.

Une autre confusion vient d’une référence fréquente à la facture d’électricité des ménages, largement déterminée par les politiques publiques (les kWh ne comptent par exemple que pour 37 % en moyenne dans les factures d’électricité des ménages français), au lieu de considérer le prix auquel se négocie le kWh sur les marchés de gros.

Au moment où nous écrivons ces lignes, à la bourse européenne de l’électricité (EEX), le kWh se négocie 3,3 centimes.

En euros, et converti en centimes par kWh, une unité plus parlante pour le commun des mortels, le coût de l’électricité nucléaire produite par un EPR serait de 13,5 cts d’euros 2014. C’est le moyen de production de l’électricité le plus cher du monde, à l’exception de l’éolien en mer.

Les défenseurs du projet de Hinkley Point expliquent qu’avec l’augmentation prévue des prix de l’électricité, l’EPR sera une bonne affaire quand il rentrera en service et pendant les 60 ans de son exploitation. Sauf que depuis l’annonce du projet en 2008, le prix de gros l’électricité sur les marchés européens ont baissé de moitié. Sauf que les coûts de production de l’éolien et du solaire ont baissé respectivement de 50 % et de 75 % entre 2009 et 2014, et qu’ils vont continuer à baisser d’ici la mise en service du premier EPR de Hinkley Point s’il est jamais construit.

L’éolien et le solaire compétitifs avec zéro risque

Pour mémoire, la quasi-totalité des analyses indiquent des coûts de production (sans aide publique) de 6 à 9 cts du kWh selon les régions pour l’éolien terrestre, et entre 6 et 13 cts selon les régions pour le solaire photovoltaïque à grande échelle. Les analystes de Bloomberg New Energy Finance montrent que l’éolien est déjà la source d’électricité la meilleure marché au Royaume-Uni et en Allemagne ; ils concluent que l’éolien et le solaire photovoltaïque sont maintenant en mesure de concurrencer tous les moyens traditionnels de production de l’électricité, et ce beaucoup plus rapidement, qu’on pouvait le prévoir cinq ou dix ans. Même en Australie, pourtant quatrième producteur mondial de charbon, le solaire est déja compétitif.

L’accord de Hinkley Point C confirme mieux que toutes les analyses que l’éolien et le photovoltaïque sont déjà compétitifs avec l’électricité nucléaire des nouveaux réacteurs nucléaires de 2025, et déjà compétitifs avec l’électricité nucléaire de 2060, puisque l’accord britannique en fixe le prix pour 35 années.

Les promoteurs des énergies renouvelables expliquent que le développement des moyens de stockage de l’électricité, la baisse de prix des batteries, la gestion de la demande par les réseaux intelligents, l’investissement toujours gagnant dans l’efficacité énergétique, l’augmentation du facteur de charge des éoliennes terrestres bientôt capables de fonctionner 40 à 50 % du temps même dans les régions peu ventées, le recours à la biomasse, à l’hydraulique, et à la cogénération, la complémentarité saisonnière éolien/solaire lissent la production des sources d’énergies renouvelables et réduisent considérablement l’intermittence globale. Un EPR, prévu pour fonctionner 90 % du temps, ne peut pallier cette intermittence résiduelle.

Choix énergétiques et justice planétaire, une même équation...

 

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