Après avoir dévasté un des plus importants fleuves du pays, le mélange de boue et de résidus d’exploitation minière se déverse désormais dans la mer, menaçant la vie marine et le tourisme dans la région.
Sao Paulo (Brésil), correspondance
Depuis samedi 21 novembre, les habitants de la commune de Regência, où se situe l’estuaire du Rio Doce, assistent impuissants au spectacle d’une mer qui se teinte d’un rouge-brun de mauvais augure. Située à 600 km au nord de Rio de Janeiro, dans l’Etat d’Espírito Santo, l’embouchure du fleuve est connue pour ses plages prisées par les surfeurs, son offre d’éco-tourisme et pour être la zone de reproduction d’une espèce de tortue marine géante déjà menacée d’extinction.
- La coulée énorme de pollution a parcouru plus de 650 km
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Durant les 16 jours qui se sont écoulés entre la rupture du barrage, à 650 km en amont, et l’arrivée de la boue contaminée, la population a tenté de se préparer. Pour éviter la concentration dans l’embouchure du fleuve, les autorités ont entrepris de dégager son ouverture en creusant dans une bande de sable afin que les eaux troubles se diluent plus rapidement dans l’océan.
Selon les prévisions du ministère de l’Environnement, basées sur l’étude des capacités de dispersion et d’assimilation de l’océan, la pollution ne devrait affecter que 9 kilomètres de côtes. L’étude a été menée par les chercheurs de l’Université de Rio de Janeiro (Coppe-UFRJ), mais d’autres experts estiment que cette prévision est sous-évaluée.
Ainsi Andres Ruchi, le directeur de l’Ecole de Biologie Marine, située à Santa Cruz dans l’Etat d’Espírito Santo, évoque le rôle nourricier pour les espèces marines de toute la zone de l’estuaire. « Elle fournit des nutriments à toute la chaîne alimentaire de la région sud-est du Brésil et la moitié de l’Atlantique Sud », a-t-il expliqué à la BBC. Pour le biologiste, les conséquences pourraient se ressentir sur l’écosystème pendant des dizaines d’années.
Sur la plage de la réserve naturelle de Comboios, les volontaires du projet Tamar, qui luttent depuis 35 ans pour préserver les tortues marines, continuent de recueillir quotidiennement les œufs de tortues luths afin de leur éviter toute perturbation. Car malheureusement, le mois novembre correspond à la période de reproduction de l’espèce Dermochelys coriacea. Malgré sa taille (1,80 mètre de long pour 400 kilogrammes à l’âge adulte), l’animal est très sensible aux changements de son environnement. L’augmentation de la température des océans affectait déjà sa reproduction depuis plusieurs années. Cette catastrophe arrive au plus mal, selon les membres de l’ONG.
- Les tortues protégées par le projet Tamar : la pollution complique encore leur protection
Ce weekend, les biologistes de l’Institut Chico Mendes de préservation de la biodiversité (ICMbio) ont repêché un grand nombre de poissons morts aux branchies obstruées par la boue. La présence inhabituelle de silures a été observée dans l’estuaire du fleuve. En effet, ces poissons d’eau douce semblent avoir fui devant l’arrivée de l’eau polluée pour se retrouver coincés par l’eau de mer. Pour protéger la végétation de l’estuaire, des bouées de contention ont été disposées par les pêcheurs de la région engagés par Samarco, l’entreprise responsable de la catastrophe. Cependant ce système n’est pas efficace à 100%. La boue est en effet constituée de diverses particules plus ou moins fines qui flottent à des vitesses et des profondeurs différentes.
Inquiétude des populations riveraines
- Les habitants de Regencia observent l’avancée de la coulée
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Samedi 21 novembre, la population locale a protesté contre la destruction irrémédiable de son environnement et de ses ressources. A Regência, les 1.200 habitants ont exprimé aux médias leurs inquiétudes pour l’avenir de leur région lors d’une manifestation. Un homme, tout de noir vêtu, déguisé en « grande faucheuse » arborait une faux sur laquelle était écrit « Samarco ». Les manifestants ont porté des cercueils et des banderoles demandant « Combien vaut le Rio Doce ? ». La région littorale vit en effet essentiellement de la pêche et du tourisme, grâce à la proximité de spots de surf et de réserves naturelles où les visiteurs viennent observer les tortues, les baleines et les dauphins. Depuis lundi, les plages sont interdites à la baignade pour une durée indéterminée.
Outre les préoccupations envers l’environnement et l’économie, le million et demi de riverains du fleuve s’inquiètent des conséquences sur la santé publique. Plusieurs municipalités ont décidé de couper l’approvisionnement en eau...
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Source : http://www.reporterre.net