16/11/2015
Le 16 novembre 2015, suite aux attentats meurtriers du 13 novembre à Paris et Saint-Denis, Les Echos diffuse une nouvelle interview du juge Marc Trévidic avec le titre fort parlant « Marc Trevidic : " D’autres attentats sont à prévoir" ». Marc Trévidic déclare notamment à propos de la situation de la justice et de la loi sur le renseignement : « Malheureusement, nous n’avons pas voulu mettre le renseignement au service du judiciaire. (...) Nous faisons face à un goulet d’étranglement : quand près de 2.500 personnes travaillent au renseignement, en face, il n’y a que 150 personnes du côté judiciaire ». Ce qui, d'après Trévidic, empêche les magistrats de traiter les dossiers. Est-ce autre chose que le résultat de la politique générale de limitation des effectifs et des prestations des services publics sous prétexte de la prétendue « dette » de l'Etat ? Et cette prétendue « dette publique » est-elle autre chose que le « résultat » de trois décennies d'une politique systématique de privatisations et de délocalisations sous tous les gouvernements et toutes tendances politiques confondues ? Quant à la forte consommation de pétrole, donc le caractère nuisible pour l'environnement n'a pas besoin d'être rappelé ici et qui de surcroît constitue la source principale des moyens financiers de l'Etat Islamique et de certains gouvernements intégristes, pour quelle raison n'a-t-elle pas été empêchée chez nous par un développement conséquent des transports publics et d'autres mesures analogues ? Les constructeurs de voitures et d'autres industriels associés seraient-ils plus importants que la salubrité publique ? N'est-il pas possible de développer de manière conséquente des industries alternatives ? Le 16 novembre, Que choisir met en ligne un dossier intitulé « Scandale Volkswagen. Les questions-réponses de l’UFC-Que Choisir », alors que Capital écrit « VOLKSWAGEN : 430 000 véhicules seraient concernés par le scandale au CO2 ». Les délocalisations de capitaux, d'industries et de technologies à la recherche des plus bas salaires et standards sociaux sont devenues depuis les années 1980 un phénomène général dans le cadre de la mondialisation du capitalisme. Elles n'épargnent d'ailleurs pas l'industrie automobile. Dans l'ensemble, les « puissances occidentales » ont créé elles-mêmes, avec la mondialisation du capitalisme, tous les ingrédients qui se trouvent à l'origine de la situation catastrophique actuelle. Y compris, la détresse des populations dans les pays « occidentaux » résultant de la désindustrialisation, de la suppression progressive des services de l'Etat et de la chasse au « modèle français ». Dans Le Dauphiné, Marc Trévidic évoque le désarroi des jeunes Français de retour de Syrie qui, de son point de vue, ne connaissent rien à la religion « à part trois versets » mais éprouvent tout simplement une « envie d’en découdre, de se venger de quelque chose ». Est-ce autre chose que le résultat accablant de l'évolution du capitalisme ? Et quelles mesures est-il impératif de prendre à ce sujet ? Des questions de fond que « nos décideurs » et l'ensemble du monde politique ne semblent pas aborder vraiment. Il s'agit pourtant d'une réelle urgence dans la situation actuelle.
Sur le blog consacré à son livre L'Enigme Bogdanov, notre collègue Luis Gonzalez-Mestres diffuse un article intitulé « De Mossoul et Palmyre aux attentats de Paris » dont l'introduction souligne d(émblée :
Dans mon livre L'Enigme Bogdanov, un sous-chapitre intitulé De l'Astronomie à la Cosmologie (page 102 de l'édition parue le 5 novembre) rappelle le rôle précurseur, culturel et scientifique, de l'ancienne Mésopotamie. A cette occasion, je dénonce les pertes de vies humaines et les destructions du patrimoine intervenues notamment à Mossoul (l'ancienne Ninive) et à Palmyre. Des zones de l'Irak et de la Syrie passées sous le contrôle de l'Etat Islamique. En écrivant pendant l'été ce sous-chapitre de L'Enigme Bogdanov, j'étais loin de me douter que je devrais aujourd'hui exprimer ma profonde solidarité et mes condoléances attristées aux victimes des attentats de Paris et à leurs familles.
(fin de l'extrait)
Force est de constater la longue passivité des « puissances occidentales » devant les tueries de populations et les destructions du patrimoine archéologie dans des zones stratégiques de l'Irak et de la Syrie. Une situation abordée dès mai dernier dans nos articles « Palmyre : un patrimoine mondial menacé » (I), (II) et (III).
L'article « De Mossoul et Palmyre aux attentats de Paris » poursuit également : « ...les attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis sont intervenus dans un contexte qui se rapporte très directement à la situation actuelle dans les Etats ayant hérité du territoire et des richesses culturelles de la Mésopotamie de l'Antiquité. Les effroyables tueries d'avant-hier soir chez nous ont eu lieu juste avant le sommet de Vienne sur la Syrie tenu le 14 novembre ». De même, Luis Gonzalez-Mestres rappelle le bombardement par l'armée française, le 8 novembre, d'un objectif pétrolier sur le territoire syrien contrôlé par Daesh. Une action, pour le moins, tardive par rapport à la situation réelle mais qui mettait en évidence l'évolution prévisible du sommet de Vienne vers une plus grande fermeté.
Tel a été le contexte immédiat des attentats de Paris et Saint-Denis. Mais que penser de leur contexte stratégique ?
Et quels milieux d'affaires vivent actuellement des marchandises (pétrole, « produits » de pillages et destructions archéologiques...) provenant de Daesh ?
Jusqu'où dégringolera le capitalisme dans sa crise permanente devenue un gouffre sans fond ?
Dans notre article « Philippe Aghion, la mondialisation et la casse sociale (I) », nous rappelions encore :
Le site de l'Université de Harvard nous présente une liste de publications de Philippe Aghion, dont les deux premières par ordre chronologique datent de 1985 et 1987 respectivement.
Précisément, c'est de février 1986 que date l'Acte Unique Européen adopté sous la présidence européenne de Jacques Delors. La même année, les négociations en vue de la création de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) ont commencé.
Et c'est en 1987, que Philippe Aghion obtiendra son titre de docteur à Harvard, université dont l'initiateur de la Commission Trilatérale, David Rockefeller, est un mécène connu. A cette époque, le déclin de l'Union Soviétique était manifeste et le grand capital a entrepris résolument la mondialisation du système qu'il incarne.
En même temps, le « couteau entre les dents » battant de l'aile, l'Europe occidentale avec ses acquis sociaux cessait d'être nécessaire en tant que vitrine de la société capitaliste. La casse sociale pouvait commencer ouvertement.
C'est d'ailleurs en 1986, que Daniel Cohen a soutenu son doctorat d'Etat à l'Université Paris X (Nanterre). Comme Daniel Cohen, de trois ans son ainé, Philippe Aghion est un conseiller de François Hollande.
Mais que peut nous apporter cette fournée d'économistes du système dont les « belles carrières » ont commencé pour l'essentiel en même temps que la mondialisation accélérée du capitalisme ?
Les exportations massives de capitaux à l'échelle planétaire depuis les années 1980 n'ont pas été par elles-mêmes un phénomène nouveau. Elle étaient déjà évoquées, par exemple, dans le Manuel d'Economie Politique de l'Académie des Sciences de l'URSS. Voir, entre autres, l'édition en ligne de ce Manuel par Dominique Meeus à l'adresse http://www.d-meeus.be/marxisme/manuel/chap18sect05.html .
Mais l'Europe occidentale avait largement échappé à ce processus après la Deuxième Guerre Mondiale, et l'existence d'un « bloc de l'Est » limitait considérablement les possibilités d'expansion offertes au grand capital planétaire.
Avec l'évolution des rapports entre les Etats-Unis et la République Populaire de Chine depuis les années 1970 et le déclin de l'URSS dans les années 1980, la situation a considérablement évolué. Dans la deuxième moitié des années 1980, c'est une nouvelle mondialisation capitaliste impliquant fortement l'Europe et l'Asie, qui a soudain vu le jour.
Quel en est à présent le bilan ?
(fin de l'extrait)
Philippe Aghion et Daniel Cohen sont des économistes proches de l'actuel pouvoir politique. Que nous proposent-ils ?
En réalité, le grand capital mondialisé se retrouve pris à son piège. Avec la stratégie récurrente de délocalisations financières, industrielles et technologiques, il a affaibli les « puissances occidentales » chargées de faire respecter « l'ordre mondial » qu'il a lui-même instauré.
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