*Note perso, cet article "tappe" un peu sur Usul pourtant le bonhomme et ses vidéos () valent le détour...
Source : http://rue89.nouvelobs.com
Le youtubeur jeux vidéo est devenu réalisateur de mini-documentaires engagés où il tape sur BHL et Elisabeth Lévy, mais surtout sur le capitalisme. Et rêve de Grand soir numérique.
A 16 ans, il distribuait des tracts pour dénoncer les conditions de travail des employés de l’établissement, et il signait Usul. C’est le surnom d’un personnage de « Dune », roman de science-fiction culte et « marqueur geek » par excellence. « Le pseudonyme c’est aussi un truc de trotskistes », précise l’ex-militant de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), aujourd’hui NPA. Si, 15 ans après, il n’a plus de carte au parti, il a gardé de fortes convictions politiques.
Mais Usul, pour beaucoup de gamers, est moins un militant d’extrême gauche qu’un youtubeur de Jeuxvideo.com. Rue89 lui avait taillé le portrait à ses débuts, quand il faisait déjà 200 000 à 300 000 vues par vidéo, une par semaine, dans 3615 Usul.
A la manière d’un Norman ou d’un Cyprien, face caméra, le jeune homme, cheveux longs et lunettes rondes, démontait les clichés sur les jeux vidéo – de la querelle PC/console au « roleplay » en passant par la représentation de la virilité ou, ce qu’il préfère, la critique des éditeurs de jeux ou de la presse. L’an passé, il a quitté JV.com (racheté par Webedia, propriétaire d’AlloCiné, PurePeople, etc) mais pas YouTube. Et il est revenu à ses amours trotskistes.
« J’ai eu l’impression que j’avais fait le tour du sujet. Surtout, je retombais toujours dans mes vidéos sur les mêmes problèmes de capitalisme managérial, de rapport de productions, qui me passionnaient. Et que j’ai vécu de l’intérieur, dans l’économie des jeux vidéo. »
Sa dernière vidéo 3615 Usul tape sur la presse de jeux vidéo
Sa première vidéo MCC parle de Bernard-Henri Lévy
Sa dernière vidéo parle du salaire à vie et de son théoricien, Bernard Friot
Les internautes, enclins au zapping, regardent-ils jusqu’au bout ? « On dirait que oui, d’après Google Analytics. » Il a l’air presque gêné de le dire.
« Je ne fais pas un mégabuzz, mais ce n’est pas mon but. Mon audience grandit, tranquille, pépère. »
« Complexe de légitimité » du « prolo »
« Je ne suis personne » : le modeste vulgarisateur répète souvent cette phrase pendant notre entretien. Usul, qui préfère l’ombre à la lumière et n’aime pas quand on le reconnaît dans la rue, dit souffrir depuis longtemps d’un « complexe de légitimité » :
« Je suis autodidacte, de force plus que de choix. »
Les portraits d’Usul retiennent surtout ses études aux Beaux-Arts, qui n’ont pourtant duré que six mois. « Je m’y sentais pas à ma place. » Il a aussi fait un semestre de lettres, un autre d’histoire, mais c’est à la LCR, « où on lisait des bouquins », qu’il a découvert Marx et Bourdieu, le « capital symbolique », les « rapports de domination » et l’importance de la prise de parole par « les opprimés » – « parler, c’est se former ».
« Pendant mes études, j’ai fait tous les jobs pourris, à l’usine d’abord, pistonné par mon père qui y travaillait, mais aussi au MacDo, en travail de nuit, etc. Je me sens beaucoup plus prolo que bobo. »
Son passage sur JV.com, il en parle comme d’une formation autant qu’un « empowerment » :
« J’ai commencé à parler du jeu vidéo car je me trouvais aussi légitime qu’un autre dans ce domaine là, mais pas pour parler de trucs sérieux, de politique, de philosophie. »
Usul entouré de ses « chers contemporains » dans Streetcred fighter, en référence au jeu vidéo culte « Street Fighter » (Sylvain « Tohad » Sarrailh)
Des conventions geeks à Normale Sup
En deux ans, en prenant la parole chaque semaine sur YouTube, il a pris confiance en soi, acquis des compétences techniques et surtout un « capital de notoriété ». Il l’utilise aujourd’hui pour « changer le monde, à son échelle » :
« Je ne distribue plus de tracts, mais j’ai l’impression d’utiliser au mieux mon espace de parole, pour remettre quelque chose dans le débat public qui a été oublié. »
Et il y met les formes : il sait que la colère se retourne souvent contre le militant. Il cite « l’acharnement des médias » contre Mélenchon ou les féministes accusées d’hystérie.
« J’y vais doucement, j’essaye de ne pas brusquer, même si pour certains je serais toujours un embrigadeur bolchévique ! »
Aujourd’hui, il ne va plus parler dans les festivals de jeux vidéo mais dans les amphis, à la Sorbonne et bientôt à Normale Sup, à l’ENS Ulm, invité souvent par des élèves, parfois par des profs. Il s’amuse :
« Ma copine me dit : ce n’est pas à eux que tu t’adresses. Mais je me dis que même la future élite se questionne et se demande : “Qu’est-ce que c’est que ce vieux monde ?”, alors ça peut peut-être donner quelque chose. Ou bien je suis instrumentalisé par l’intelligentsia, peut-être. »
Grand soir numérique
« Optimiste », Usul fait un parallèle entre la révolution de l’imprimerie et la révolution numérique : « Dans les deux cas, le “ qui peut parler ” a changé. Je pense que la parole de chacun va se libérer ». Mais il ajoute que ça va prendre du temps :
« C’est vrai que quand on tape “ féminisme ” sur YouTube on tombe sur des hommes blancs qui disent que les féministes sont des connes. Les vieilles logiques de domination sont encore à l’œuvre sur Internet. »
A terme, il veut fédérer un réseau de youtubeurs engagés, qui puissent prendre la parole ensemble, imposer leur agenda. Il pense faire naître des vocations, encourager des volontés :
« Pas besoin d’être trotskiste pour dire que notre démocratie est à l’agonie. Pour dire qu’on a besoin d’horizontalité dans une société trop verticale, dans les médias, dans les entreprises. »
L’idée : « Etre prêt à rendre des coups sur l’escalade sécuritaire, la loi sur le renseignement ou le TAFTA. »
Il veut croire que son parcours, du youtubeur qui tournait des vidéos « pour rigoler » au réalisateur engagé, n’est pas isolé.
« Je vois une politisation chez des youtubeurs qui s’emparent de sujets dont ils ne parlaient pas avant, comme Mathieu Sommet (Salut les geeks) ou Antoine Daniel (What the cut).
Il cite encore une jeune youtubeuse qui parle de sa maladie rare, mais s’engage aussi pour les réfugiés. Ou bien les youtubeurs mainstream qui soutiennent Nicolas Hulot, même si “ c’est de la politique light !”
Il aimerait “ légitimer YouTube comme un espace politique, que tout le monde peut s’approprier ”. Car, comme il aime le répéter, “ seul, je ne suis rien ”.
Source : http://rue89.nouvelobs.com
*Note perso, cet article "tappe" un peu sur Usul pourtant le bonhomme et ses vidéos () valent le détour...
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