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7 octobre 2015 3 07 /10 /octobre /2015 14:17

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

Pourquoi Air France veut encore supprimer des postes

|  Par Dan Israel

 

 

 

Les pilotes ne sont pas les seuls à refuser le plan proposé par la direction d'Air France, qui enchaîne les restructurations massives depuis 2009. Et pour cause : tout le marché européen est très mal en point, coincé entre les compagnies low cost et leurs concurrents du Golfe, massivement aidés par leurs États.

 

Les photos des deux dirigeants d’Air France s’échappant, la chemise en lambeaux et sous bonne escorte, du siège de la compagnie après l’interruption du comité central d’entreprise lundi sont encore dans toutes les têtes. Ce mardi, François Hollande a dénoncé des « violences inacceptables » qui nuisent à « l’image » de la France. Manuel Valls a, quant à lui, témoigné de son soutien aux dirigeants de l’entreprise, déclarant : « Quand Air France est sous le choc, c’est toute la France qui est sous le choc. » « Rien ne peut justifier de tels agissements. Ces agissements sont l’œuvre de voyous, a-t-il affirmé. La justice devra identifier ceux qui se sont livrés à cette violence inqualifiable. »

 

 

Autre symbole de la tension régnant dans l'entreprise, cette vidéo postée sur Facebook ce mardi, montrant une salariée qui interpelle des représentants de la direction lors des négociations de lundi, et parle longuement dans le vide, devant le regard inexpressif de dirigeants marmonnant qu'ils ne sont « pas habilités » à lui répondre. Sur sa page, la salariée indique qu'elle a ensuite pu dialoguer avec des responsables des ressources humaines.

Consciente d’avoir remporté une manche dans la bataille d’image qui l’oppose à des pilotes peu soutenus et à l’image déjà mauvaise, en interne comme à l’extérieur, la direction a en tout cas fait savoir que sa porte était ouverte pour reprendre les négociations avec eux. Faute d’accord avec leur syndicat, le puissant SNPL qui a longtemps été en position de quasi-cogestion dans l’entreprise, le plan de réduction des effectifs, dévoilé lundi, entrera en application en 2016 et 2017.

Pourtant, les pilotes ne sont pas les seuls à refuser les demandes de la direction. Et les plans de restructuration se succèdent à un rythme effréné depuis 2009. Quant aux concurrents européens d’Air France, ils ne sont pas forcément en forme, ou ont déjà fait des choix très douloureux. Et au fait, qu’en est-il de la santé réelle de l’entreprise ? Voici quelques clés pour comprendre la situation.
 

  • Les pilotes ne sont pas seuls contre la direction

Air France l’a annoncé lundi : son PDG Frédéric Gagey, ainsi que le patron de l’entreprise Air France-KLM (la fusion des compagnies française et néerlandaise a eu lieu en 2009) Alexandre de Juniac, entendent rendre rentables 80 % des lignes long-courriers d'ici fin 2017, contre 50 % aujourd'hui. Ils visent un bénéfice d'exploitation de 740 millions d'euros à cette date.

Dans un premier temps, il y a plusieurs mois, la direction a lancé des négociations avec le SNPL, le syndicat majoritaire des pilotes. Elle demandait à l’ensemble des personnels navigants, pilotes, hôtesses, stewards et mécaniciens, d’augmenter d'une centaine d'heures leur temps de vol annuel, à rémunération constante. Gain de productivité espéré : 17 %.

Le 21 mai, lors de l’assemblée générale annuelle d'Air France-KLM, son patron Alexandre de Juniac a été reconduit avec un score de 94 %. Aussitôt réélu, il avait lancé un avertissement : « Je ne vous ai pas promis aujourd'hui un avenir serein, je vous ai promis une dure tourmente et des mesures d'adaptation qui doivent être courageuses et vigoureuses. » Et cette « dure tourmente » n’est en fait que la suite d’une longue série de mesures d’économie et de restructuration, depuis qu'Air France a subi la première perte de son histoire, en 2008.

Selon les calculs de l’entreprise, 12 400 postes ont été supprimés depuis 2009, c’est plus de 15 % de l’effectif de l’époque. En 2012 et 2013, 5 100 postes ont été supprimés, et 2 800 en 2014 et 2015. Le groupe a aussi supprimé 30 % de son offre court et moyen-courrier en trois ans.

C’est devant le refus des pilotes de voir leur temps de travail bondir de presque un quart sans gain supplémentaire, disent-ils, qu’Air France a annoncé devoir procéder à une restructuration, qui comprendrait sans doute des licenciements secs. Le but est de réduire les effectifs de 10 % d’ici fin 2017 (3 % en 2016, 7 % en 2017). On annonce 2 900 suppressions de poste potentielles pour 2017 : 300 chez les pilotes, 900 chez les hôtesses et stewards et 1 700 chez le reste des salariés. Et selon Le Canard enchaîné et Reuters, il pourrait même être question de 5 000 emplois supprimés. La compagnie diminuerait également sa flotte de 14 appareils.

Pourquoi Alexandre de Juniac et Frédéric Gagey ont-ils décidé de faire reposer tout le poids de la négociation sur les épaules des pilotes ? D’abord parce qu’ils n’ont pas encore été mis autant à contribution que les autres catégories de personnel. Tous avaient accepté de devenir 20 % plus compétitifs sur la période 2013-2015, en baissant les coûts de fonctionnement et en gagnant en productivité. Mais, selon Les Échos, de savants calculs du cabinet Secafi ont établi que les quelque 3 800 pilotes (sur 64 000 salariés) « n'auraient généré que 11,8 % de gain économique ».

Mais ce n’est pas la seule raison. Créer un face-à-face avec les pilotes, catégorie peu aimée parmi les salariés, permet aussi de leur faire porter la responsabilité des licenciements à venir. « Le gros problème, c’est que la campagne médiatique pour charger les pilotes a très bien fonctionné, mais il n’y a pas eu de vraies négociations. On a tout fait, selon moi, pour en arriver au plan B, c’est-à-dire les licenciements », témoignait lundi dans Mediapart François Pottecher, président du SNPL Transavia, la compagnie low cost d’Air France.

Les pilotes ne sont pas les seuls à rejeter les propositions de la direction. C’est une information qui ne fait guère les gros titres, mais deux des trois syndicats d'hôtesses et de stewards représentatifs (UNSA PNC et SNPNC) ont jusqu’à présent refusé de participer aux discussions visant leur accord collectif, qui est encore valable un an. Ces syndicats ont tout bonnement refusé de s’asseoir à la table des négociations ! Les pilotes avaient au moins accepté de négocier, et ils ont beau jeu de dire qu’ils ont retenu leur signature avant de connaître le sort des autres personnels. Pour preuve de leur bonne foi, ils soulignent qu’ils ont même fini par signer, en décembre, une version de l’accord contre lequel ils s’étaient battus durant les deux semaines de grève de septembre dernier.

  • Air France n’est pas (plus) au bord de la faillite

Comment comprendre qu’un nouveau plan de restructuration, intitulé « Perform 2020 », arrive juste après le précédent, « Transform 2015 » ? La réponse vient de la bouche même d’Alexandre de Juniac, interrogé par Les Échos en mars : « S’il fallait résumer le plan Transform 2015 en peu de mots, je dirais que nous avons sauvé le groupe. (…) Avec Transform, nous avons complètement inversé la tendance. Sans la grève, Air France-KLM aurait dégagé 300 millions d’euros de bénéfices. Intrinsèquement, nous sommes donc redevenus bénéficiaires. (…) Et maintenant que nous avons remis la compagnie sur le chemin de la rentabilité, nous pouvons passer à l’étape suivante avec le plan Perform 2020, qui sera celui de la reconquête. »

 

Devant le siège d'Air France, le 5 octobreDevant le siège d'Air France, le 5 octobre © Reuters - Jacky Naegelen
 

Autrement dit, et contrairement aux déclarations diverses qui voient déjà Air France au bord de la tombe, le fleuron aéronautique s’est en réalité tiré de sa plus mauvaise passe, grâce aux efforts précédents. Il s’agit désormais de retrouver le peloton de tête des compagnies aériennes. La direction confirme volontiers que depuis 2010, l’entreprise a gagné plus de 15 % de compétitivité, et que l'hémorragie financière est stoppée. Mais elle est désormais à l’équilibre, ou à peine plus, avec environ 300 millions d’euros de bénéfice attendu en 2015, pour 25,5 milliards de chiffre d'affaires, et une dette de presque 12 milliards d'euros.

Pourtant, Air France-KLM aurait toutes les raisons du monde de mieux se porter : les cours du pétrole sont à un niveau historiquement bas, et la demande mondiale est en hausse constante. Pour 2015, l'Association internationale du transport aérien (Iata) attend des bénéfices mondiaux cumulés dans le secteur de 29 milliards de dollars, contre 16 milliards en 2014. Mais à l’image des autres compagnies aériennes, Air France ne tire pas son épingle du jeu. Pourquoi ? Selon Tony Tyler, le dirigeant de l’Iata, les entreprises européennes sont pénalisées par « la faible croissance économique, des taxes élevées [imposées par les aéroports européens, comme ceux de Roissy ou d’Orly – ndlr], une réglementation onéreuse et l'incapacité des gouvernements à mettre en place le ciel unique européen ».

Surtout, comme le rappelait Mediapart l’an dernier, l’entreprise est prise en tenaille : d’un côté, le court et moyen-courrier est très fortement concurrencé par les compagnies low cost ; de l’autre, les compagnies du Golfe lui taillent des croupières sur les vols long-courriers.
 

  • L’envolée du low cost

Les recettes du modèle à bas coût sont connues : faire voler ses avions le plus longtemps possible tous les jours, sur des plages horaires s’étalant de 5 heures du matin à minuit ; supprimer les correspondances, trop compliquées à gérer ; réduire au minimum le temps d’escale des appareils ; couper dans tous les coûts, en faisant par exemple faire le ménage au personnel navigant, mais surtout en réduisant les salaires et en multipliant les heures de vol des salariés (700 heures par an chez EasyJet et Transavia en moyenne, 800 chez Ryanair, contre 450 à 500 chez Air France) ; choisir parfois des aéroports peu prisés car éloignés (en Europe, c’est surtout le modèle de Ryanair). Et enfin, multiplier les options payantes, qui garantissent aujourd’hui un quart du chiffre d’affaires d’EasyJet.

Avec ces recettes, le low cost entretient une réussite phénoménale. Ryanair et EasyJet sont les deux compagnies les plus rentables d’Europe. Et quand Air France-KLM transporte chaque année 78 millions de passagers européens par an, ils sont 80 millions chez Ryanair, et 60 millions chez EasyJet. Air France a de quoi se faire du souci : dans le paysage européen, la France est encore à part, où le low cost n’occupe que 20 % de part de marché, contre 45 % ailleurs sur le continent.

Face à ces géants, Air France compte sur Transavia, sa filiale low cost dont les pilotes ont finalement accepté le développement à la fin de l’année, contre la promesse que les contrats des personnels de ces avions seront bien de droit français. La direction aurait aimé baser une filiale Transavia Europe au Portugal, pour utiliser les contraintes légales locales, bien moins fortes qu’en France. Globalement, les pilotes et hôtesses de Transavia sont tout de même payés environ 20 % de moins que ceux de la maison mère, et ils volent bien davantage, surtout en été, où les vacanciers partent à l’assaut des vols peu chers. La direction a calculé que globalement, les salariés Transavia lui coûtaient de 20 à 25 % moins cher, et volaient 30 à 40 % d’heures de plus.

  • Les pays du Golfe dominent le long-courrier

À l’autre bout de l’échelle des vols low cost court et moyen-courriers, c’est le long-courrier, qui fait la fierté des personnels d’Air France, et que le groupe considère comme sa spécialité et sa vraie image de marque. Mais ce domaine subit lui aussi une très sévère concurrence, venue cette fois des trois compagnies des pays du Golfe, Qatar Airways, Emirates (Dubaï) et Etihad (Abu Dhabi).

Ce sont les géants qu’on n’a (presque) pas vu venir. Il y a quinze ans, ils ne pesaient rien sur le marché. Et en 2013, les trois hubs de Dubaï, Doha et Abu Dhabi ont accueilli plus de passagers intercontinentaux en correspondance que les trois principaux hubs européens (Londres, Paris et Francfort). Leurs compagnies n’en finissent pas de grignoter des parts de marché, à coups d’appareils luxueux et de prix raisonnables. Tellement raisonnables que tous leurs concurrents les accusent d’être abusivement subventionnés par leurs États, qui désirent s’imposer vite sur ce marché stratégique.

Les trois grosses compagnies américaines, American, Delta et US Airways assurent ainsi avoir calculé que les compagnies du Golfe ont bénéficié de 42 milliards de subventions étatiques directes et indirectes en dix ans, et s’insurgent de ces pratiques anticoncurrentielles. Elles demandent carrément au gouvernement américain de restreindre l’accès au ciel américain à ces concurrents trop puissants.

 


En France, l’analyse est la même : le patron des députés socialistes, Bruno Le Roux, auteur fin 2014 d’un rapport sur la compétitivité du transport aérien, estime que chaque attribution d’une fréquence quotidienne long-courrier à des compagnies étrangères entraîne la destruction d’environ… 250 emplois en France.

En mars dernier, la France et l'Allemagne ont donc demandé en conseil européen que, si de nouveaux créneaux aériens étaient attribués à ces compagnies aux « pratiques concurrentielles déloyales », ils soient assortis « d'un véritable contrôle du mode de fonctionnement de ces compagnies ». Aujourd’hui, la France leur a attribué 32 vols quotidiens sur son territoire, c’est le minimum européen (représentant tout de même un bond de 70 % de 2010 à 2013). Comme l'Allemagne, l’Hexagone a longtemps gelé l'attribution de « droits de trafic » jusqu’au mois de juin, où le PDG de Qatar Airways a annoncé avoir obtenu de nouveaux droits supplémentaires à Lyon et Nice. Officiellement, ce n’est pas une contrepartie à l’achat de 24 Rafale…

  • Comment font les cousins d’Air France ?

On l’a compris, les conditions sont dures pour l’ensemble des compagnies européennes. Il faut donc se demander comment s’en sortent les compagnies nationales similaires à Air France. Et ce tour d’horizon a de quoi inquiéter les syndicats français.

Pour commencer, Alitalia, sans doute la plus mal en point de toutes les compagnies européennes, a partagé en août 2014 son capital avec… Etihad, la compagnie d’Abu Dhabi, qui a racheté 49 % de l’entreprise.

Qatar Airways, elle, n’a pas été aussi gourmande, mais est tout de même entrée en janvier, à hauteur de 10 %, dans le capital d’IAG, le groupe qui englobe l’espagnole Iberia et la britannique British Airways. La compagnie du Golfe ne cache pas qu’elle s’intéresse à un plus gros morceau d’IAG. Il faut dire que cette dernière a poussé très loin la restructuration depuis la réunion des compagnies aériennes, en 2011. Selon Air France, elle est désormais presque 20 % plus compétitive que l’entreprise française. Mais à quel prix : Iberia a réduit ses effectifs de 25 % en moins de trois ans, et Vueling, la filiale low cost du groupe, est systématiquement privilégiée dans la stratégie moyen-courrier. Elle affiche désormais une croissance à deux chiffres et une forte rentabilité.

Cette stratégie low cost semble fonctionner, Air France l’a bien compris. Mais Lufthansa également, et l’entreprise allemande a décidé de la mettre en œuvre à marche forcée. En 2014, les activités allemandes du groupe, qui incluent les compagnies aériennes Lufthansa et sa filiale low cost Germanwings, ont vu leur bénéfice baisser de plus de 10 %, à 252 millions d'euros. Lufthansa a donc tenté de revoir à la baisse les accords salariaux passés avec les syndicats. Ce qui a déclenché des grèves à répétition en Allemagne : une quinzaine de mouvements sociaux menés par les pilotes et les hôtesses et stewards en un peu moins de deux ans.

Pour faire baisser les coûts de manière drastique, Lufthansa développe à toute vitesse sa filiale Eurowings, dont les salariés ne bénéficient pas des accords collectifs octroyés à ceux de Lufthansa et même Germanwings. L’entreprise a annoncé qu’à partir de 2016, tous ses vols non « premiums » seraient assurés par Eurowings. Les lignes intérieures et européennes demeureront des low cost « classiques ». Mais, et c’est une nouveauté, Lufthansa va aussi appliquer ces méthodes à bas coût à des vols long-courriers, directement siglés Eurowings. Ces nouvelles lignes devraient s’ouvrir fin octobre, en direction de Cuba, la République dominicaine, Dubaï et la Thaïlande. Elles seront assurées par des avions et des personnels employés en commun avec Turkish Airlines. Loin des droits sociaux obtenus par les syndicats de pilotes allemands. Et loin du modèle de dialogue social officiellement prôné par la direction d’Air France et par le gouvernement.

 

 

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

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