Le prix Nobel d’économie analyse la portée du traité transpacifique qui vient d’être signé : « Cet accord est fait pour gérer les relations de ses membres, et ce au nom des lobbies d’affaires les plus puissants de chaque pays. » Un avertissement de plus, alors que le traité transatlantique est toujours en cours de négociation.
Le gouvernement américain triomphe : le partenariat transpacifique est approuvé. Au terme d’une séance marathon de cinq jours, un accord a été trouvé avec onze pays du Pacifique (Canada, Mexique, Chili, Pérou, Japon, Malaisie, Viêtnam, Singapour, Brunei, Australie et Nouvelle-Zélande), lundi 5 octobre. Le traité doit être approuvé par la suite par chaque parlement. Cet accord est le pendant du traité transatlantique négocié dans la plus totale opacité à Bruxelles.
Dans une tribune publiée sur le site Project Syndicate, le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz critique violemment ce traité négocié dans le secret. « Vous entendrez beaucoup parler de l’importance du TPP pour le libre-échange. La réalité est que cet accord est fait pour gérer les relations de ses membres, et ce au nom des lobbies d’affaires les plus puissants de chaque pays », écrit-il.
A l’appui de cette accusation, il prend quelques exemples. Les droits de propriété sur les médicaments notamment, qui ont été une des pierres d’achoppement des discussions, les laboratoires américains entendant conserver leurs exclusivités pendant douze ans, alors que la moyenne dans les autres pays est de cinq ans. « L’accord, écrit-il, gérera le commerce des médicaments au travers d’une variété de règles (...). Le résultat est que les compagnies pharmaceutiques seront autorisées à étendre – parfois indéfiniment – leur monopole sur les brevets des médicaments, à exclure les génériques hors du marché, et à empêcher des concurrents d’introduire de nouveaux médicaments pendant des années. C’est ainsi que le traité réglera le commerce de l’industrie pharmaceutique, si les États-Unis obtiennent ce qu’ils veulent », prévient le prix Nobel d’économie.
Mais il risque d’en aller de même pour l’industrie du tabac, l’industrie agroalimentaire et bien d’autres, selon lui. Poursuivant l’analyse du traité, Joseph Stigliz met en lumière une disposition étonnante qui permettra aux entreprises de réclamer des dédommagements pour les profits perdus, au cas où les États prendraient des mesures d’interdiction. « Imaginez ce qu’il se serait passé si de telles mesures avaient été en place quant les effets mortels de l’amiante ont été découverts. Plutôt que de fermer les usines et d’obliger les groupes à dédommager les victimes, selon cet accord, les gouvernements auraient dû payer les entreprises pour ne pas tuer leurs citoyens. » « C’est ce qui arrive quand les discussions politiques excluent tous ceux qui n’appartiennent pas au monde des affaires, sans parler des représentants élus au Congrès », conclut-il.
Source : http://www.mediapart.fr
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