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25 septembre 2015 5 25 /09 /septembre /2015 17:27

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

La grande hypocrisie des moteurs diesel

 |  PAR MICHEL DE PRACONTAL

 

 

Et si le scandale Volkswagen n'était que la pointe de l'iceberg ? Plusieurs sources d'informations suggèrent que le procédé de triche utilisé par le constructeur allemand est très répandu, et de longue date.

 

 

Parti des États-Unis, le scandale Volkswagen a déclenché une réaction en chaîne en Europe. Il pourrait même représenter pour l’économie allemande « un risque plus grand que la crise de la dette grecque », selon un analyste cité par Reuters. Le ministre allemand des transports, Alexander Dobrindt, a déclaré que la fraude, qui a concerné 482 000 véhicules aux États-Unis, avait aussi affecté les pays européens. Il a indiqué le 25 septembre que, pour l'Allemagne, la manipulation avait porté sur 2,8 millions de voitures diesel, donc six fois plus qu'aux États-Unis. D'après nos informations, il est très plausible que le même procédé ait été largement utilisé en Europe, et sans doute par d'autres constructeurs.

© Reuters/Charles Platiau

Volkswagen a admis avoir équipé onze millions de voitures d’un logiciel capable de tromper les tests d’émissions polluantes. La très grande majorité de ces véhicules ont été commercialisés en Europe, où le marché du diesel représente plus de la moitié des voitures vendues. En Espagne, Seat, l’une des filiales du groupe Volkswagen, aurait installé un logiciel trompeur dans 500 000 voitures, selon El Pais. Mais des modèles des marques Audi et Skoda utilisent le même moteur et pourraient aussi être concernés par la tricherie, d’après L’Argus

L’Espagne, l’Italie, la France ont lancé des investigations et l’Union européenne a appelé tous les États membres à enquêter. Au Royaume-Uni, le Département des transports (équivalent d’un secrétariat d’État) a entrepris de contrôler les émissions de voitures diesel de différentes marques, afin de « vérifier que le problème est limité à Volkswagen et ne concerne pas toute l’industrie » automobile, selon le secrétaire au transport, Patrick McLoughlin. En Allemagne aussi, des tests seront effectués sur des voitures d'autres marques que Volkswagen. Un autre constructeur allemand, BMW, a été mis en cause par le magazine Auto Bild, mais nie toute manipulation. Plusieurs sources d’informations suggèrent cependant que le scandale pourrait ne pas se limiter au cas de Volkswagen.

Pour ne rien arranger, le quotidien britannique The Guardian a révélé le 24 septembre que les gouvernements allemand, britannique et français avaient fait du lobbying auprès de la Commission européenne pour rendre moins sévère la procédure de contrôle des émissions des voitures, qui doit être modifiée en 2017. Dans ce contexte, la hâte des gouvernements à faire aujourd’hui toute la lumière sur le scandale apparaît quelque peu de circonstance. Au demeurant, les Verts allemands dénoncent l’« hypocrisie » d’Alexander Dobrindt, le ministre des transports. Oliver Krischer, député des Grünen, estime que « le gouvernement est depuis des années au courant des manipulations des firmes automobiles » et que « le scandale actuel est le résultat d’une politique qui fait fi de la protection de l’environnement et des consommateurs ».Contacté par Mediapart, le bureau de Krischer précise : « Le problème est connu de nous et de la plupart des experts depuis des années, mais le gouvernement n’a rien fait contre ; nous pensons que d’autres constructeurs [que Volkswagen] utilisent des stratégies similaires, mais aucun nom n’a été mentionné. »

Alexander Dobrindt récuse les attaques des Verts. Mais plusieurs sources confirment que la pratique reprochée à Volkswagen par l’EPA, l’Agence de protection de l’environnement américaine, n’est pas un cas isolé. Le 10 septembre, avant que le scandale n’éclate aux États-Unis, l’ONG Transport & Environment (T&E) a publié un rapport sur la pollution automobile dont le message tient dans le titre : Don’t Breathe Here, « Ne respirez pas ici ». Selon ce rapport, les modèles récents de voitures diesel émettent cinq fois plus de particules et de gaz polluants que la limite autorisée par la nouvelle norme, dite Euro 6, entrée en vigueur début septembre. Sur 23 voitures testées, seules trois sont apparues conformes à la norme, et un modèle Audi a produit 22 fois plus d’émissions que la limite.

Selon T&E, tous les constructeurs vendent des voitures diesel qui ne respectent pas la limite européenne. Pourtant, elles réussissent à passer les tests d’homologation. Le rapport de T&E met en cause une procédure trop laxiste et détaille les procédés qui permettent aux fabricants de faire homologuer des véhicules dont les émissions ne sont pas conformes dans des conditions de conduite réalistes. Le rapport énumère une série d’astuces mécaniques telles que surgonfler les pneus, déconnecter les freins, alléger la voiture au maximum, charger la batterie à bloc, etc.

Infographie de T&E montrant l'écart entre les émissions réelles et la norme pour six marques européennes
Infographie de T&E montrant l'écart entre les émissions réelles et la norme pour six marques européennes

T&E décrit aussi un procédé de triche qui est exactement celui reproché par l’EPA à Volkswagen, dans lequel « le système de contrôle du moteur détecte que le véhicule est en train d’être testé dans une procédure d’homologation et bascule dans un régime spécialement conçu pour satisfaire à la norme ». Le rapport de T&E souligne que ce procédé est facile à appliquer aux voitures actuelles qui sont truffées de systèmes de contrôle électronique, de sorte que le calculateur peut détecter que le capot est ouvert ou que les roues arrière sont immobiles. Et de conclure : « Aucun constructeur n’a été poursuivi dans l’Union européenne pour des pratiques de “cycle beating” (usage d’un procédé permettant de déjouer les contrôles), mais des preuves anecdotiques suggèrent que ces pratiques sont répandues. »

Si T&E ne cible aucun constructeur européen en particulier, l’ONG montre que tous produisent des voitures polluantes, ce qui implique qu’ils sont capables de contourner la procédure d’homologation (voir infographie). D’autres rapports, notamment de l’ICCT (International Council for Clean Transportation), organisme qui a contribué à révéler la fraude de Volkswagen, confirment que les voitures diesel émettent plus dans la vie réelle que dans les conditions artificielles des tests.

Il est donc clair que le problème est apparu avant l’affaire américaine. On peut d’ailleurs signaler qu’en 1998, l’EPA avait déjà dévoilé une fraude assez similaire à celle de Volkswagen, mais portant sur des camions (voir un document de T&E sur l'affaire). Le procédé était le même : le calculateur de bord reconnaissait la situation de test et se réglait alors sur un cycle spécifique.

« Au fond, j’ai l’intime conviction que c’est vrai »

L’EPA avait épinglé sept constructeurs, cinq américains ainsi que Renault et Volvo, qui ont dû verser 83,4 millions de dollars, à l’époque le plus grand dédommagement dans l’histoire pour une atteinte à l’environnement. Les firmes ont aussi été contraintes d’abandonner l’utilisation de « defeat devices », autrement dit de logiciels trompeurs.

Il n’y avait pas eu jusqu’ici de procédure concernant des voitures de tourisme, mais dans le milieu de l’automobile, le recours aux techniques de « cycle beating » est perçu comme un secret de Polichinelle. Un professionnel qui a travaillé pour un constructeur français le confirme : « En 2010, une équipe d’ingénieurs de Peugeot, chargée de surveiller la concurrence, a analysé des modèles BMW des séries 1 et 3, indique-t-il à Mediapart. Lorsqu’ils faisaient rouler la voiture, ils ne réussissaient pas à reproduire les consommations annoncées par le constructeur. Mais sur le banc, la voiture devenait hyper-économique. Cela signifie que la programmation du calculateur enclenche un mode dans lequel la voiture devient moins performante, avec une consommation et des émissions basses, lorsqu’elle détecte un passage au banc (rotation des seules roues motrices, absence de mouvement sur le volant, etc). C’est exactement le même principe que ce qu’a fait Volkswagen, il ne coûte rien, ne nécessite aucun capteur supplémentaire et peut donc être installé sur tout ce qui sort de l’usine. »

Et notre interlocuteur de poursuivre : « Les voitures ont déjà plusieurs modes réglés par le calculateur, par exemple s’il fait chaud, ou froid. Il est très simple d’ajouter à tous ces modes normaux et admis un préréglage optimisé pour les tests. Depuis 2011, les BMW laissent choisir le conducteur entre plusieurs modes (Ecoplus, Normal, Sport) qui changent les paramètres de la voiture. C’est la partie visible et légale de la triche ! »

Il faut comprendre que sur les voitures actuelles, le calculateur gère tous les paramètres de fonctionnement du moteur : température et admission de l’air, allumage, consommation… À tel point que le même moteur peut être décliné par le constructeur sur toute une gamme de modèles aux puissances différentes. Autrement dit, la programmation du calculateur commande le comportement du moteur, et en particulier le niveau d’émissions polluantes.

Les amateurs de voitures savent d’ailleurs parfaitement que l’on peut augmenter les performances d’un modèle du commerce en « reprogrammant » le calculateur du moteur. Il existe d’ailleurs des sociétés spécialisés dans ce type de préparation, qui proposent à leurs clients d’accroître la puissance du moteur de dix, vingt, trente chevaux ou davantage.

« Lorsque les clients nous amènent des berlines diesel, nous constatons tous les jours des écarts entre la puissance annoncée et celle que nous mesurons, explique à Mediapart un spécialiste d’une société qui offre ce type de service, O2 programmationJ’ai vu des moteurs de chez Mercedes ou Volkswagen avec 15 à 20 chevaux de plus qu’annoncé. Cela montre que les tests ne sont pas performants. La procédure d’homologation aux États-Unis est plus dure. Je peux imaginer que pour faire une économie d’échelle, Volkswagen ait installé pour les voitures destinées aux États-Unis un logiciel qui bascule sur un mode test. »

En principe, l’accès au calculateur d’une voiture est protégé et réservé au constructeur. Les sociétés de reprogrammation s’arrangent pour obtenir les codes d’accès des constructeurs, soit en les décodant elles-mêmes, soit en s’adressant à d’autres sociétés qui leur débloquent ces accès. Toute cette activité est tolérée, même si elle se situe à la limite de la légalité, comme on peut le vérifier sur les forums des amateurs de « chiptuning », ainsi que se nomme cette pratique. On apprend, entre autres, que les voitures ainsi préparées sont souvent débarrassées de dispositifs antipollution comme le filtre à particules.

La pratique du chiptuning est un élément de plus qui montre que les caractéristiques des voitures actuelles peuvent facilement être modifiées par des opérations de logiciel. La tolérance dont bénéficie cette pratique rend encore plus plausible l’idée que l’affaire Volkswagen ne soit que la partie émergée de l’iceberg. S’il est aussi simple et efficace de programmer les calculateurs pour qu’ils permettent de contourner les tests, et si la puissance et l’importance de l’industrie automobile poussent les autorités à fermer les yeux, il faudrait que les constructeurs soient d’une vertu inhumaine pour ne pas recourir au procédé.

Interrogé, notre spécialiste répond en deux temps : « En Europe, les constructeurs n’ont pas besoin de logiciel “interrupteur” parce que le système d’homologation les laisse passer. » Mais à la réflexion, il ajoute : « Il y a cependant des rumeurs persistantes en ce sens. Au fond, j’ai l’intime conviction que c’est vrai. C’est comme le Tour de France, on peut penser que 80 % des coureurs sont dopés, mais regardez le temps qu’il a fallu pour qu’Armstrong se fasse prendre… »

Il n’est pas certain que dans ce cas, le secret – déjà pas mal éventé – tienne aussi longtemps, étant donné l’ampleur du traumatisme suscité par l’affaire Volkswagen. Ce scandale illustre l’aberration d’un système qui a fait du diesel, technologie intrinsèquement polluante, un marché très concurrentiel en Europe et dans une moindre mesure aux États-Unis. Les automobiles et en premier lieu les voitures diesel sont la principale source de pollution de l'air en ville. Dans une perspective de protection de l’environnement, supprimer l’avantage fiscal du diesel serait une mesure de bon sens et de salubrité publique. Mais lorsque l’on réalise que même aux 24 heures du Mans, les voitures diesel sont avantagées, il est permis de se demander si le bons sens a voix au chapitre dans ce domaine.

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

 

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