Barbe blanche, manches retroussés, cycliste, végétarien, propalestinien et étatiste : Jeremy Corbyn bouscule les travaillistes britanniques dans le style et les mots. Le député d’Islington-nord (quartiers populaires du nord de Londres) représente l’aile gauche de son parti. Il refuse la politique d’austérité du gouvernement Cameron. Ses positions sont comparables à celles de Podemos en Espagne, ou Syriza en Grèce. Et ça marche...
Après trois mois de campagne, il est le grand favori des primaires de son parti qui se déroulent samedi. Sa victoire serait un basculement politique en Grande-Bretagne. En France, le Front de gauche guette ce qui serait un séisme dans le pays de naissance d’un social-libéralisme qu’ils abhorrent. Raquel Garrido (PG) connaît Corbyn. Cette proche de Mélenchon, ancienne responsable du PS qu’elle a quitté en 2008, remonte le temps : «Ces dernières années, la direction travailliste avait monopolisé les questions économiques et laissé les questions internationales à son aile gauche. Corbyn a été très impliqué en Amérique latine. Comme Mélenchon, il utilise l’espagnol comme langue pour la révolution.» Une alliance entre Jeremy Corbyn et Jean-Luc Mélenchon ? «Corbyn est un mec formidable, mais nos relations s’arrêtent aux questions internationales, car il est toujours au Labour. Nous sommes en désaccord sur plusieurs points avec ce parti. S’il gagne la primaire, on verra comment tournent les choses», répond Garrido (PG).
Au PCF, on espère voir Jeremy Corbyn rejoindre le «front contre les politiques d’austérité en Europe», qu’ils espèrent toujours construire. «Si le Labour anglais est dirigé par une personnalité qui incarne les mouvements sociaux que l’on a vus ces dernières années en Grande-Bretagne, bien sûr que c’est positif pour nous !» s’enthousiasme Anne Sabourin (PCF). Et peu lui importe si Corbyn reste socialiste.
Lilian Alemagna , Rachid Laïreche
**************************************
Le 7 août, à Londres, Jeremy Corbyn présente ses propositions sur l'environnement. (JACK TAYLOR / LNP / REX)
Candidat le plus à gauche des primaires du Labour, en tête de sondages de popularité, Jeremy Corbyn révulse la droite britannique mais inquiète aussi une partie de son propre camp. Il pourrait devenir cette semaine le chef des travaillistes (les votes s'achèvent jeudi prochain). Voici les principaux points de son projet politique.
Économie
Corbyn est un farouche adversaire de la politique d'austérité du gouvernement conservateur de David Cameron.
Clairement à gauche, hostile au projet d'accord de libre-échange entre l'Europe et les Etats-Unis (TTIP), il se présente comme un protecteur des plus démunis et propose de mieux répartir les richesses du pays en augmentant les impôts des entreprises et des plus fortunés.
Il a également évoqué des mesures de contrôle des loyers, la re-nationalisation du rail et de l'énergie et, choqué par les rémunérations des grands patrons, a émis l'idée d'un "salaire maximum".
Son programme économique, rebaptisé "Corbynomics" par la presse britannique, a été dénoncé comme "manquant de crédibilité" par l'un de ses adversaires pour la direction du parti, Andy Burnham. Corbyn n'en a pas moins reçu le soutien d'une quarantaine d'économistes qui ont fustigé le procès en "extrémisme de gauche" dont il fait l'objet, notamment dans la presse de droite.
Défense
Impliqué dans les organisations Stop the War Coalition et Campaign for Nuclear Disarmament, Corbyn est un fervent pacifiste, hostile au fonctionnement actuel de l'Otan et favorable au démantèlement des sous-marins nucléaires britanniques Trident.
"Il nous faut nous débarrasser des armes nucléaires coûteuses et dangereuses, et mettre un terme aux guerres qui ont ravagé le monde ces dernières années", dit le député, qui entend également associer le Hamas et le Hezbollah aux pourparlers de paix au Proche-Orient.
Il a par ailleurs déclaré qu'il présenterait des excuses pour l'intervention des Britanniques en Irak s'il devient leader du Labour: "Il est grand temps que le Labour présente ses excuses au peuple britannique pour l'avoir entraîné dans la guerre en Irak sur la base d'une tromperie et au peuple irakien pour les souffrances que nous avons contribué à causer".
Europe, immigration
Favorable à l'accueil des réfugiés, Corbyn a salué l'attitude de l'Allemagne, qui s'attend à recevoir 800.000 demandeurs d'asile en 2015.
Partisan d'une Europe plus sociale, tout en étant eurosceptique, Corbyn n'a pas encore clairement indiqué s'il allait militer pour ou contre une sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne lors du référendum promis d'ici la fin 2017.
Questions de société
Corbyn s'est prononcé en 2000 en faveur d'une dépénalisation de la possession et de la culture du cannabis.
Plus récemment, il s'est dit ouvert à la mise en place de rames réservées aux femmes dans les transports en commun pour limiter les agressions sexuelles et le harcèlement.
(Avec AFP)
Source : http://www.challenges.fr