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3 septembre 2015 4 03 /09 /septembre /2015 13:29

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

Bill McKibben: «Faire des industries fossiles des parias»

|  Par Jade Lindgaard

 

 

Co-fondateur du mouvement 350.org qui appelle au désinvestissement dans les énergies fossiles pour lutter contre le dérèglement climatique, Bill McKibben pense que saper le pouvoir des multinationales du pétrole et du charbon est plus efficace que de négocier un accord sur le climat.

Co-fondateur du mouvement 350.org qui appelle au désinvestissement dans les énergies fossiles pour lutter contre le dérèglement climatique, Bill McKibben pense que saper le pouvoir politique des multinationales du pétrole et du charbon est plus efficace que de négocier un accord sur le climat. Mediapart l'a rencontré lors de sa première visite en France, à l'occasion d'une conférence internationale sur le désinvestissement.

Vous avez signé l’appel contre les crimes climatiques (publié par Mediapart le 26 août). Pourquoi ?

 

Bill McKibben, septembre 2015 (NnoMan, Collectif ŒIL).
Bill McKibben, septembre 2015 (NnoMan, Collectif ŒIL).
 

Bill McKibben. Parce qu’il faut parler sans fard de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Il y a une tendance dans les négociations sur le climat à perdre de vue les faits de base : nous détruisons la planète à un rythme très rapide. Un discours fort est nécessaire pour briser la routine. L’enjeu de la conférence à Paris en décembre ne peut pas se limiter à la signature d’un accord. Si on veut qu’elle ait le moindre sens, l’enjeu de la COP 21 doit être de déboucher sur des progrès réels.

Il existe deux réalités : d’un côté, la réalité politique. C’est dur d’obtenir un accord, de faire avancer tout le monde dans la même direction. Cela demande énormément de travail. C’est important de respecter cette réalité politique et de travailler dans ce contexte. Mais seulement si vous avez en tête qu’il existe aussi une réalité « réelle ». La négociation sur le climat ne se passe pas entre la France, la Chine et les États-Unis, mais entre les êtres humains et la physique. Ce n’est pas une négociation facile… car la physique ne se soucie pas vraiment de vos problèmes. Elle ne cherche pas le compromis.

Pour vous, la réduction des émissions de CO2 est la pierre angulaire de la lutte contre le dérèglement climatique. C’est pour cela que vous avez nommé votre mouvement 350.org, en référence aux 350 parties par millions (ppm) de CO2 dans l’atmosphère qu’il aurait fallu ne pas dépasser pour que le réchauffement global ne dépasse pas +2 °C ?

Au départ, tout le monde pensait que c’était une mauvaise idée. Il m’a semblé que :
1) C’est le chiffre le plus important au monde.
2) Je savais que s’ils voulaient parler de nous, les journalistes seraient obligés d’expliquer à chaque fois ce que signifie 350 ppm.
3) Nous cherchions à créer la première campagne globale contre le dérèglement climatique, ce que nous avons réussi au final. Les chiffres sont meilleurs que les mots pour communiquer au niveau mondial parce que vous n’avez pas besoin de les traduire. « 350 » signifie la même chose partout dans le monde.

Vous dites que c’est le chiffre le plus important au monde. Pourquoi avoir choisi 350, et pas 300 ou 400 ppm qui sont d’autres seuils de référence dans les discussions sur le climat ?

J’ai demandé à mon vieil ami James Hansen, un scientifique de premier plan, quel serait le bon chiffre. Nous étions en 2007. La plupart des scientifiques et militants se référaient à 450 ppm. Mais personne n’avait vraiment d’analyse de fond. Jim a proposé de travailler ce sujet avec son équipe. Il m’a rappelé quelques mois plus tard et m’a dit : « On a un chiffre pour toi mais il ne va pas te plaire : c’est 350 ppm. »

Des gens s’inquiétaient du fait que s’appeler 350 ne soit trop déprimant, puisque nous avions déjà dépassé ce seuil de concentration de CO2 dans l’atmosphère. Je ne le pensais pas. Pour moi, c’était comme aller chez le docteur. S’il vous dit : « continuez à manger autant de fromage et votre cholestérol sera trop élevé et vous aurez une crise cardiaque », personne ne s’inquiète vraiment. Mais s’il vous dit : « votre cholestérol est déjà beaucoup trop élevé, vous risquez de mourir d’une crise cardiaque », là, les gens commencent à s’inquiéter. D’autres encore nous disaient : c’est trop compliqué. Personne ne va comprendre ce que 350 veut dire. C’est le contraire qui s’est passé. Tout le monde comprend l’idée du dépassement des limites. Ces dernières années, d’autres chiffres importants sont sortis sur la quantité de carbone que l’on peut encore émettre, et celle qu’il faut garder sous terre. Les chiffres sont étonnamment utiles et puissants.

 

Atelier sur la justice climatique en territoire Sami, en Arctique, organisé par 350 (c) Tor Lundberg Tuordafin août 2015.Atelier sur la justice climatique en territoire Sami, en Arctique, organisé par 350 (c) Tor Lundberg Tuordafin août 2015.

Vous menez campagne pour que le monde cesse de financer les énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz), c'est le « désinvestissement » des fossiles. Était-ce votre objectif initial quand vous avez créé le réseau 350.org avec sept étudiants, en 2008 ?

Non. D’abord nous voulions éduquer les gens, les inciter à se rassembler et à manifester partout dans le monde. Mais nous nous sommes rendu compte que cela prenait trop de temps. Nous avons donc décidé de nous mobiliser contre des projets fossiles particulièrement problématiques : l’oléoduc Keystone XL aux États-Unis, le projet de mine de charbon Carmichael en Australie, des ports miniers sur la côte ouest des États-Unis, une mine de lignite de RWE en Allemagne… C’est une mobilisation incroyable et nous avons remporté quelques victoires. Mais ce sont des actions défensives. Elles ne sont pas assez rapides. Il faut aussi jouer offensif. Le désinvestissement est une réponse, pour tenter de faire des industries fossiles des parias. Et donner à tout le monde la possibilité de s’impliquer : la plupart des gens n’habitent pas à côté d’une mine. Mais tout le monde a un lien avec une source d’argent : son université, son gouvernement, son église…

Vous êtes-vous inspirés des appels au désinvestissement en Afrique du Sud lors des campagnes anti-apartheid des années 1980 ?

Oui. Quand j’étais à l’école, j’ai un peu milité contre l’apartheid. Une des personnes qui nous a aidé à faire le lien entre cette mobilisation et la lutte aujourd’hui contre le dérèglement climatique est Desmond Tutu. Cette idée de désinvestissement est venue de discussions avec mon amie Naomi Klein, et de la lecture du rapport du think tank Carbon Tracker sur la quantité d’émissions de CO2 que représentent les réserves fossiles connues à ce jour. Une fois que vous avez compris que si ces réserves sont forées, le climat se déréglera complètement, vous comprenez que les entreprises qui continuent à extraire du pétrole, du gaz et du charbon se comportent comme des hors-la-loi. Si elles suivent leur business plan, la planète va craquer. Elles sont donc de bonnes cibles.
 

Près de 50 milliards de dollars sont en cours de désinvestissement dans le monde selon votre décompte : à  l’université de Stanford en Californie, Soas à Londres, le fonds de la famille Rockefeller (860 millions de dollars), le fonds souverain de la Norvège (40 milliards de dollars)… Mais ces annonces sont souvent floues sur leur contenu réel et leur calendrier. Quelle pression exercez-vous concrètement sur l’industrie de l’énergie ?

Le désinvestissement est réel. Mais le but n’est pas de provoquer la faillite d’Exxon. Nous n’y arriverons pas. Parce qu’ils ont plus d’argent que Dieu. C’est l’entreprise la plus rentable du monde. Mais leur futur dépend en partie de leur acceptabilité sociale. Ils ont besoin de la coopération du reste du monde : ils ont besoin de permis pour forer en Arctique, pour obtenir des allègements fiscaux…

Plus les gens retirent leurs financements, plus il leur sera difficile d’exercer leur pouvoir politique. Je suis prudemment optimiste sur l’efficacité de nos actions. Trois choses se passent simultanément : le désinvestissement ; la résistance aux oléoducs et aux mines ; la croissance du secteur des renouvelables. Les industries fossiles perdent de plus en plus de marché d’approvisionnement d’électricité. Shell va forer en Arctique mais ils ont déjà perdu le soutien d’Hillary Clinton – qui n’a pourtant jamais été une leader courageuse sur ce sujet. Je ne suis pas pour autant convaincu que tout cela permettra de faire advenir tous les changements nécessaires à temps. Il n’est pas impossible que ce soit déjà trop tard.

 

Lors de la conférence sur le désinvestissement, un héritier Rockefeller à gauche et May Boeve, directrice de 350 (Eric Coquelin)Lors de la conférence sur le désinvestissement, un héritier Rockefeller à gauche et May Boeve, directrice de 350 (Eric Coquelin)
 

En ciblant l’industrie fossile, vous épargnez les individus et leurs comportements polluants : hyper consommation, addiction à la voiture, incessants voyages en avion… N’est-ce pas un angle mort de votre discours ?

C’est vrai. Ce discours sur les comportements individuels, les écologistes le tiennent depuis 15 ou 20 ans. Mais il ne nous a pas menés très loin. En fin de compte, c’est un problème structurel, systémique, enraciné dans le pouvoir des industries fossiles. Si nous avions 100 ans pour résoudre ce problème, le mieux serait d’en passer par des changements lents, culturels. Et nous y parviendrions car c’est le type de changements que les humains savent le mieux accomplir.

Mais nous n’avons pas cent ans ! Il faut changer très vite. Au lieu de faire campagne pour le désinvestissement, nous pourrions militer pour que les gens abandonnent leurs voitures. Si on travaillait très très dur, on obtiendrait peut-être que 2 ou 3 %, peut-être 4 ou 5 % des gens abandonnent leur voiture. Et cela n’entraînerait qu’une légère atténuation des émissions de carbone. Ce ne serait pas du tout suffisant. Si nous pouvions convaincre 3 ou 4 % des gens, politiquement engagés, de changer les règles du jeu, de donner un prix au carbone, là, ce serait assez pour gagner et changer les habitudes de tout le monde sur la planète. Mais j’ai peut-être tort. Si quelqu’un a une meilleure idée pour convaincre un maximum de gens de changer, je serais ravi d'y aider.

La COP 21 sera la conférence sur le climat la plus financée par le secteur privé. Parmi des « mécènes » se trouvent des producteurs d’énergie, comme EDF et Engie. Est-ce un problème ?

Oui, je le crois. Beaucoup de gens doutent du processus des COP aujourd’hui car cela fait vingt ans qu’il échoue. Ce serait donc beaucoup mieux qu’il apparaisse protégé de l’influence des lobbies qui pèsent beaucoup sur ces négociations. D’une certaine manière, ce n’est peut-être pas plus mal que cela apparaisse au grand jour.

Cherchez-vous à développer les collaborations avec les chercheurs ?

Oui. De plus en plus de scientifiques sont prêts à prendre politiquement la parole sur le climat, dans les pas de James Hansen. Cette collaboration avec les chercheurs est très importante. Mais beaucoup de collaborations sont très importantes. Le 21 septembre dernier, quand a eu lieu la marche des peuples pour le climat à New York, réunissant 400 000 personnes, le cortège a mis en scène ces différentes collaborations : au premier rang se trouvaient les peuples autochtones et les communautés les plus vulnérables au dérèglement climatique. Ensuite venait un bloc de scientifiques en blouses blanches. Puis le bloc des solutions, etc.

C’est un mouvement très intéressant : il n’a pas de grand leader, pas de figure à la Martin Luther King. C’est bien. C’est une résistance généralisée aux énergies fossiles qu’il faut développer. L’industrie des hydrocarbures est si puissante et si omniprésente dans le monde entier qu’il faut s’y confronter partout où elle est présente. Internet aide à s’organiser sur ce mode décentralisé et open source. 

Le plus important, ce ne sont pas les liens avec les scientifiques, c’est l’émergence de ce qu’on appelle le mouvement pour la justice climatique. Il a changé le mouvement écologiste en le rendant beaucoup plus divers, plus ouvert. C’est juste et bien. Nous avons besoin d’une énorme coalition de gens pour gagner cette bataille. Un petit mouvement écologiste ne peut remporter que de petites victoires. Ce n’est pas assez pour abattre le pouvoir des industries fossiles. Quand 350.org a organisé son premier jour d’action mondiale en 2009, des milliers de photos de rassemblements partout dans le monde ont été envoyées. On y voyait des pauvres, des Noirs, des Asiatiques, des jeunes… ils étaient à l’image de ce qu’est le monde.

Pourquoi s’engagent-ils pour le climat selon vous ?

Parce qu’ils s’inquiètent du futur ! Si vous n’êtes pas protégé par la richesse, le futur vous semble encore plus effrayant. Si vous vivez au Pakistan, vous avez sans doute déjà dû quitter votre logement à cause d’une crue de l’Indus. Vous comprenez ce qu’il se passe. Vous connaissez les problèmes de sécheresse.

 

 

Vous avez été l’un des premiers auteurs à alerter le grand public sur le changement climatique avec votre livre The End of Nature, en 1989. Qu’est-ce qui vous a conduit à vous intéresser si tôt à ce sujet ?

J’étais très jeune, j’avais une vingtaine d’années et j’écrivais pour le New Yorker. Je n’étais pas spécialisé en environnement. J’ai écrit un long article sur la provenance de tout ce qui se trouvait dans mon appartement : Brésil, Arctique, mines d’uranium, etc. Cela m’a laissé un sens très fort de la dimension physique du monde. Cela m’a incité à lire des articles scientifiques sur le dérèglement climatique dans les années 1980 – le GIEC n’existait pas encore. J’avais développé un sens de la vulnérabilité de la planète.

À New York, l’accès à l’eau dépend de la quantité de pluie qui tombe sur le nord de l’État. Quand j’ai écrit ce livre, en 1988, j’ai pensé que c’était l’histoire la plus importante du monde. Et je ne comprenais pas vraiment pourquoi les autres ne le voyaient pas ainsi. J’ai relu ce livre il n’y a pas très longtemps. C’est étonnant : la science n’a pas tant changé que cela. Nous savions déjà l’essentiel de ce que nous savons aujourd’hui, sauf que personne ne parlait de l’acidification des océans. Et que l’on ne se rendait pas compte de la rapidité des changements.

Si, en 1989, on avait dit à des scientifiques que la mer de glace de l’Arctique serait en partie fondue, ils auraient répondu : ah, non, c’est pour le siècle prochain. On pensait le dérèglement climatique à l’échelle des siècles. On l’expérimente aujourd’hui à l’échelle des décennies.

 

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

 

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