Dimanche 02 Août 2015 à 5:00
Il paraît qu'il faut absolument simplifier la feuille de paie. Pourquoi pas ? Dans d'autres pays, nous dit-on, elle est plus facile à lire, et comme l'on sait depuis les moutons de Panurge qu'il est obligatoire de faire ce que font les autres, le gouvernement a nommé une commission sur le sujet — une de plus.
Fort logiquement, cette vénérable instance était présidée par un digne représentant de l'élite économique, en l'occurrence le directeur des ressources humaines du groupe Solvay, Jean-Christophe Sciberras. Dès qu'il s'agit d'animer un groupe de réflexion sur un sujet économique ou social, il faut soit être sorti de la promotion Voltaire de l'ENA, comme François Hollande, soit avoir fréquenté les couloirs du Medef. Jean-Christophe Sciberras suggère donc différentes pistes qui permettraient aux 24 millions de salariés de mieux comprendre le document où est détaillé leur salaire. Rassurons-le : ces derniers la comprennent très bien. Ils saisissent parfaitement l'enjeu, lequel se situe sur une ligne où l'on peut lire le salaire net versé à chacun, une fois déduites des « charges » qui n'en sont pas, car elles constituent une partie du salaire dévolu aux contributions sociales (Sécu, retraites...) qui font l'originalité d'un système de solidarité que certains rêvent de mettre à bas pour y substituer la logique privée du système anglo-saxon.
Simplifier la feuille de paie n'est pas forcément inutile, mais l'augmenter serait assurément plus efficace, pour les intéressés comme pour l'économie nationale, dont l'atonie est en rapport direct avec les aléas d'une consommation elle-même dépendante des salaires. Or, depuis qu'il est arrivé aux commandes, François Hollande a fait du prétendu « coût du travail » l'ennemi public numéro un, a contrario de toute réalité économique.
Il a fallu la vigilance de certains syndicats pour que le rapport Sciberras ne reprenne pas la mention « coût du travail », ce qui aurait été une petite provocation. Mais l'esprit de cette conception néolibérale dévastatrice demeure, comme s'il fallait faire entrer dans les esprits la leçon quotidiennement administrée par les sicaires du Medef.
Au nom du « coût du travail » excessif, le gouvernement a versé des sommes records aux entreprises, sans engagements précis ni vérifications. Un jour, victime d'une incontinence verbale, Pierre Gattaz a promis de créer un million d'emplois, allant jusqu'à porter le pin's prometteur à la boutonnière. Les chiffres du chômage sont là pour témoigner du fiasco. D'où la nécessité d'une réorientation totale des choix publics, afin d'en finir avec la diabolisation des salaires, cette maladie des temps modernes.
----------------------------
>>> Retrouvez cette éditorial dans le numéro de Marianne en kiosques.
Source : http://www.marianne.net