A la contrainte d’une loi qu’elle redoutait, la grande distribution a donc préféré le volontariat. Convoquées, jeudi 27 août, par la ministre de l’écologie, Ségolène Royal, les principales enseignes ont accepté de signer une « convention d’engagement volontaire en faveur de la lutte contre le gaspillage alimentaire ».
Depuis que le Conseil constitutionnel avait, le 13 août, censuré pour des raisons de procédure les dispositions « antigaspi » inscrites dans la loi de transition énergétique, Mme Royal avait décidé de « mettre la pression » sur la filière, pour la pousser à s’impliquer davantage. La convention n’a pas encore été signée, mais toutes les enseignes présentes (Système U, Auchan, Intermarché, Lidl, Picard, Carrefour, Simply Market, Monoprix, Casino, Cora, Leclerc et ALDI), soit la quasi-totalité du secteur de la grande distribution, ont annoncé leur intention de la ratifier. Ces derniers jours, les responsables de plusieurs marques, notamment Leclerc et Système U, s’étaient pourtant irrités d’être montrés du doigt par la ministre. Ils ont finalement choisi d’enterrer la hache de guerre.
L’accord reprend les principales dispositions qui avaient été censurées par le Conseil constitutionnel. Priorité sera donnée à la prévention du gaspillage. Toutes les surfaces de vente de plus de 400 m2 devront signer des conventions de don de denrées alimentaires avec des associations caritatives habilitées. En outre, la destruction d’invendus encore consommables, notamment par javellisation, sera interdite.
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La date limite d’utilisation optimale supprimée sur certains produits
En contrepartie de cet engagement des professionnels, la ministre a mis de côté les sanctions initialement prévues par la loi, soit une amende de 3 750 euros en cas de destruction délibérée de stocks alimentaires encore consommables. Toutefois, a-t-elle prévenu, « il faudra vérifier que les engagements sont tenus ». Un « point d’étape » sera fait dans trois mois et, si le dispositif retenu n’est pas appliqué, la ministre aura recours à « une disposition législative ».
« Cet engagement est pour nous doublement positif, s’est félicité, au sortir de la réunion, Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD). D’une part, la ministre a reconnu le caractère exemplaire de la grande distribution, qui donne chaque année l’équivalent de 120 millions de repas et qui ne contribue que pour 5 à 10 % au gaspillage alimentaire. D’autre part, nous avons décidé de travailler dans un cadre contractuel, qui permet de ne pas passer par la loi. »
Mme Royal a par ailleurs promis « l’application immédiate » de deux mesures de la loi de transition énergétique qui ont échappé à la censure du Conseil constitutionnel. D’une part, la mise en place, avant le 1er septembre 2016, d’une « démarche de lutte contre le gaspillage » au sein des services de restauration collective gérés par l’Etat et les établissements publics (écoles, collèges, lycées, hôpitaux, maisons de retraite…), qui représentent « des millions de repas » quotidiens.
D’autre part, la suppression de la date limite d’utilisation optimale (DLUO) sur certains produits non périssables, comme le sucre ou le vinaigre. Cette date, explique la ministre, « est souvent source de confusion pour le consommateur qui l’apparente à une date limite de consommation (DLC) ».
Mme Royal, qui a indiqué que cinquante-huit « territoires zéro déchet, zéro gaspillage » sont déjà en place — un nouvel appel à projets aura lieu en octobre —, a aussi annoncé le lancement d’une « campagne nationale de mobilisation de tous les acteurs contre le gaspillage alimentaire ».
Pierre Le Hir
Journaliste au Monde
Source : http://www.lemonde.fr