Marseille (Bouches-du-Rhône), envoyée spéciale. Un parfum de déception flotte sur Marseille. Alors que s’ouvrait, mardi soir, l’université d’été d’Attac dans la cité phocéenne, sur le thème : « Climat, dette, austérité : ça va chauffer ! », l’attention était focalisée vers d’autres rivages de la Méditerranée. Depuis l’annonce de la démission du premier ministre grec, Alexis Tsipras, et la tenue de nouvelles élections en septembre, c’est un peu la douche froide dans les milieux militants et altermondialistes.
Dans le grand amphithéâtre du campus de l’université Saint-Charles, lors de la séance plénière intitulée « Quelle Europe possible ? », Aurélie Trouvé, coprésidente du conseil scientifique d’Attac, ne mâche pas ses mots. « Cet espoir de rupture (la victoire de Syriza aux élections – NDLR) s’est soldé par un échec, faute d’avoir préparé une alternative politique ou de l’avoir portée suffisamment, mais aussi faute d’une solidarité européenne pour appuyer ce qui se passe en Grèce… »
Il ne faut pas non plus tomber dans le piège de la division politique
Pour Thanos Contargyris, économiste et membre fondateur d’Attac Grèce, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain : « Malgré toutes ces déceptions, l’espoir n’est pas mort en Grèce. »
En juillet, la tenue du référendum dans la péninsule hellénique, son résultat triomphant en faveur de Tsipras, avait suscité un grand enthousiasme. Bien vite retombé avec l’acceptation, le couteau sous la gorge, par le gouvernement des mesures d’austérité dictées par la troïka.
Comme le raconte l’économiste grec : « L’asphyxie financière était totale, il n’y avait plus qu’un jour d’argent dans les banques, il était trop tard. Merkel et les autres ont réussi à renverser ce gouvernement en lui faisant signer quelque chose d’inacceptable. Il ne faut pas non plus tomber dans le piège de la division politique qui fait partie du même plan. »
Cela ne suffit pas de gagner les élections, il faut aller au-delà
Mais pour Éric Toussaint, président du Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde (CADTM) Belgique, membre de la Commission pour la vérité sur la dette grecque, si les créanciers sont les premiers responsables de cette bérézina, certaines erreurs stratégiques auraient pu être évitées par l’exécutif grec. « On ne peut pas rester dans une négociation sans créer un rapport de force clair et net », tranche-t-il. Cela ne suffit pas de gagner les élections, il faut aller au-delà. Le 20 février dernier, après trois semaines de négociations, le ministre de l’Économie grec était arrivé à un accord avec l’Eurogroupe, en s’engageant sur des réformes drastiques en échange d’une extension du plan d’aide financière. Selon Éric Toussaint, plutôt que de s’aventurer sur cette pente dangereuse, « à ce moment, il aurait fallu faire jouer le règlement européen n° 472 qui dit qu’un État sous ajustement structurel peut réaliser un audit de sa dette. La Grèce aurait dû suspendre le paiement le temps de l’audit ! ».
L’échec de Tsipras acté, le problème de la dette demeure entier pour tous les pays européens. Comme le souligne un des économistes de Podemos, Juan Laborda, en six ans, « en Espagne, la dette publique aura été multipliée par quatre ».
Inverser la vapeur, faire basculer la pression du côté des banques et non plus de celui du peuple demeure une nécessité impérieuse. Pour tous, cela passe par une action à l’échelle européenne. Le 15 octobre, jour du sommet des chefs d’État de l’Union européenne, des marches militantes convergeront d’un peu partout vers Bruxelles. Le lendemain, une conférence citoyenne sur la dette et la démocratie prolongera la mobilisation.
« Nous sommes dans des temps de crise et de douleurs, mais ce sont des douleurs d’accouchement !, exulte Pedro Arrojo, d’Attac Espagne. Cette crise nous a permis de voir quelle Europe était vraiment en train de se construire, et le remède, c’est la solidarité, la cohésion sociale ! Ni le peuple grec ni le peuple ibérique ne peuvent réussir si nous ne parvenons pas à penser cette Europe. Vous avez raison, ça va chauffer ! » s’exclame-t-il en reprenant le mot d’ordre de l’université d’été.
L’université d’été bat son plein Les échanges se poursuivent jusqu’au 28 août. Aujourd’hui, un débat sur « la financiarisation de la société et de la nature », un autre sur « comment neutraliser les lobbies industriels et combattre l’impunité des multinationales » ou sur « l’instauration d’un revenu de base » sont au menu. Demain, les discussions tourneront autour « des ressources énergétiques et des enjeux géopolitiques » ou de la réforme du système financier, avec, notamment, une intervention d’Éric Toussaint sur la dette publique. La plénière de clôture de l’université se penchera sur le climat dans la perspective de la COP21.
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