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Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes

Un député frondeur Syriza : « Je n'avais pas le droit d'accepter le chantage européen »

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

Un député frondeur Syriza : « Je n'avais pas le droit d'accepter le chantage européen »

|  Par Amélie Poinssot

 

 

Le parlement grec a voté dans la nuit de mercredi à jeudi de nouvelles lois dans le cadre de l'accord signé entre Athènes et ses créanciers le 13 juillet. Comme la semaine dernière, près du quart des députés Syriza ne les ont pas validées. Entretien avec l'un d'eux.

 

Deux nouvelles lois ont été votées à la Vouli peu avant le lever du jour, ce jeudi 23 juillet. Il s'agissait, pour l'une, de transposer dans la loi grecque des dispositions européennes sur le sauvetage des banques, et pour l'autre, de réformer des procédures du système judiciaire grec pour, en théorie, en alléger le coût. Comme la semaine dernière, où l'assemblée devait valider l'accord-cadre européen du 13 juillet et voter ses premières lois d'application, les textes sont passés avec les voix de l'opposition… mais sans une bonne partie des députés Syriza. Au total, 31 députés de la majorité ont voté contre, et cinq se sont abstenus.

Thanassis Petrakos est un élu de Kalamata (sud du Péloponnèse). Il fait partie de ces parlementaires qui se sont prononcés contre ces projets de loi. Membre de la plateforme de gauche, ce courant de Syriza hostile au maintien de la Grèce dans la zone euro, il était, jusqu'à la veille de l'accord de Bruxelles, le porte-parole de son groupe parlementaire.

 

Mediapart : Pourquoi avez-vous voté « non », cette nuit, aux projets de loi ?

Thanassis Petrakos : J'ai voté « non » parce qu'ils vont à l'encontre de ce que nous avons toujours plaidé : l'un rend impossible le contrôle de l'État sur les banques privées, et l'autre facilite les saisies immobilières pour les Grecs endettés. En d'autres termes, les exigences des banques passent devant l'intérêt public et celui des citoyens. Dans les précédents mémorandums d'austérité, c'est l'intérêt des employeurs qui primait, cette fois-ci ce sont les banques.

Vous avez également voté « non » le 15 juillet à la loi cadre instaurant un nouveau mémorandum d'austérité entre Athènes et ses créanciers. Pourquoi ?

J'ai voté « non » en tant que député Syriza, car cet accord va complètement à l'encontre du mandat que nous avons reçu du peuple le 25 janvier, ainsi que du résultat du référendum du 5 juillet. Dans les deux cas, les électeurs grecs ont rejeté les politiques d'austérité. Rappelez-vous qu'en janvier, Syriza avait même promis d'annuler les mesures d'austérité prises ces cinq dernières années ! Non seulement le gouvernement Tsipras n'est pas revenu en arrière, mais de plus, il a accepté un nouveau paquet de mesures extrêmement dures, qui va enfoncer encore davantage l'économie grecque, déjà complètement détruite par cinq ans d'austérité. Le nombre de chômeurs s'est accru de manière spectaculaire, les jeunes partent en masse à l'étranger, les biens publics sont bradés et le PIB a chuté de 30 %. En même temps, la dette de l’État est passée de 120 % du PIB en 2010 à 180 % fin 2014… Je n'avais pas le droit, au regard du peuple grec, d'accepter le chantage européen et d'aggraver cette situation. C'est une politique qui conduit à la faillite du pays ! Dans cet accord, on met par ailleurs en vente une large partie des biens publics. Pour moi, c'est une perte de souveraineté.

D'après vous, pourquoi le premier ministre Alexis Tsipras et ses collaborateurs ont-ils accepté cet accord à Bruxelles ?

Il n'y a eu aucune préparation ces cinq derniers mois. Or le gouvernement était censé se préparer ! Je n'ai cessé de le répéter, à chaque réunion de notre groupe parlementaire : nous ne pouvions pas aborder cette négociation sans un solide argumentaire, l'affrontement allait être très violent. Sinon, le résultat ne pouvait être qu'un compromis signé le couteau sous la gorge… Et c'est cela qui s'est passé.

À quoi attribuez-vous cette impréparation du gouvernement grec ?

Le gouvernement pensait que l'échec patent des programmes d'austérité depuis cinq ans était un argument à lui tout seul. Il croyait qu'à force de répéter ce constat, il convaincrait ses partenaires. Mais il a complètement sous-estimé les positions et l'influence de gens comme Wolfgang Schäuble [le ministre allemand des finances – ndlr]. Ces gens-là ne voulaient pas d'une amélioration de la situation en Grèce, ils voulaient au contraire faire plier le peuple grec, briser un gouvernement de gauche. Ils n'avaient aucune intention de trouver un compromis puisqu'ils voulaient au contraire empêcher toute possibilité d'un gouvernement de gauche en Europe. Le problème, c'est que nous n'avions pas compris quel était leur but. Le résultat, c'est une défaite immense. Nous vivons désormais une guerre monétaire.

Qu'est-ce que le gouvernement Tsipras aurait pu faire pour éviter cette défaite ?

Il aurait pu mettre en place plusieurs mesures depuis fin janvier. Tout d'abord, il aurait pu instaurer un contrôle étatique sur les banques. Il aurait pu modifier la composition de leurs conseils d'administration, qui sont restés inchangés depuis la législature précédente, et qui ont joué contre le gouvernement. Il aurait pu également mettre en place des mécanismes pour limiter la fuite des capitaux à l'étranger.

Devait-il, selon vous, se préparer sérieusement à la possibilité d'un « Grexit » – une sortie de la Grèce de la zone euro ?

Dans un premier temps, il ne s'agissait pas, pour nous, de prôner le « Grexit ». Mais si le chantage des Européens prenait des allures extrêmes, alors oui, il fallait sérieusement, concrètement, s'y préparer. Le référendum aurait dû avoir lieu plus tôt, et en même temps qu'il posait la question de l'austérité, il aurait dû poser la question de la monnaie. Tsipras, lui, est fondamentalement opposé au retour à la drachme.

C'est une défaite pour le gouvernement Tsipras… C'est aussi une défaite pour Syriza, qui se veut un parti de gauche radicale. Allez-vous quitter le parti ?

Non, il n'est pas question pour l'instant de créer un nouveau parti. Il s'agit au contraire d'exercer une pression sur le gouvernement. Rappelez-vous, Syriza à l'origine était un parti qui comptait 4 % d'électeurs. Il est devenu le protagoniste de l'opposition anti-austérité et a gagné ainsi 40 % de l'électorat grec. Il n'a pas le droit de devenir maintenant un parti pro-austérité ! Moi et mes collègues qui avons voté contre l'accord, nous voulons rester dans le parti. Nous poussons à une convocation du comité central afin de prendre acte d'une décision qui obligera le gouvernement à revenir sur sa décision du 13 juillet. Déjà, plus de la moitié des membres du comité central ont envoyé une lettre au gouvernement pour contester ce compromis à Bruxelles et manifester leur accord avec notre vote négatif à l'assemblée. Il y a une divergence profonde entre le parti et le gouvernement, il faut que le gouvernement s'adapte à ce qu'il a promis aux électeurs, et non l'inverse ! Nous avons besoin d'une discussion calme, à tête reposée, sans pression ni chantage. J'espère qu'elle se fera au plus vite.

 

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

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