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Par democratie-reelle-nimes
Source : http://www.journaldemontreal.com
MISE à JOUR
Cela fait presque sept ans que la crise financière de 2008 a éclaté, et on semble revenus au même point. La sphère financière semble tout aussi spéculative qu’elle l’était en 2007, les gains des institutions bancaires sont rapidement revenus au niveau d’avant-crise et les produits dérivés se multiplient comme si la crise n’avait jamais eu lieu. L’économie mondiale fait-elle face à la menace d’une nouvelle crise financière? Bien malin qui pourrait prédire le futur, mais plusieurs indicateurs sont au rouge.
Le pire, c’est que ces indices d’éclatement potentiel d’une bulle financière résultent des mêmes problèmes structuraux, réglementaires et institutionnels ayant causé la crise de 2008. Pourtant, quelques mois après le déclenchement de la crise, les dirigeants du G20 avaient promis, main sur le cœur, de transformer radicalement les institutions et mécanismes de contrôle pour éviter qu’une telle crise ne se reproduise jamais. En pratique, quelques changements cosmétiques ont été apportés, mais rien sur le fond n’a changé.
Le Conseil de la stabilité financière, regroupant les banques centrales des pays du G20 en plus d’institutions internationales comme le FMI et la Banque mondiale, s’était engagé en 2009 à trouver des solutions pour régler le problème. Ses recommandations n’ont été déposées qu’en novembre dernier et rien ne laisse croire qu’elles seront adoptées. Le Conseil a identifié 30 banques «globalement importantes» que l’on devrait protéger pour la stabilité de l’économie mondiale. Ces 30 titans financiers auraient, selon ces recommandations, l’obligation d’avoir des réserves de 15 à 20% de la totalité des prêts qu’elles consentent – elles sont présentement autour de 9%. Ces grandes banques sont plutôt tièdes face à cette proposition, c’est le moins qu’on puisse dire, puisque cela engendrerait une réduction de leurs profits.
Pourtant, cela a pris moins de quatre ans après la plus grave de la crise pour que les banques américaines renouent avec les profits, un délai beaucoup plus rapide qu’anticipé. Les grandes banques internationales sont revenues à un mode de fonctionnement «business as usual». Au cœur du système banquier et financier international on trouve un profond dysfonctionnement institutionnel:la déconnexion entre la finance et l’économie réelle ou, pour être précis, l’assujettissement de la seconde à la première.
Conséquence, plusieurs indices portent à croire que nous sommes en présence d’une bulle financière qui pourrait éclater à très court terme, créant ainsi une nouvelle crise financière digne de celle de 2008 ou de 1929. Sur le tableau de bord de la finance mondiale, trois voyants rouges clignotent frénétiquement
1. Ces dernières années, les indices boursiers à peu près partout dans le monde ont explosé, bien au-delà de la performance de l’économie réelle. Le graphique suivant est éloquent à cet égard. Depuis le plus creux de la crise financière, fin 2008, l’indice boursier de référence du marché aux États-Unis, le Standard & Poor’s 500 (S&P 500) a cru de plus de 150% alors que l’économie américaine, mesurée par le produit intérieur brut (PIB), n’a, elle, cru que de 21,6%. Une déconnexion complète entre la finance et la réalité économique qui se vérifie sur toute la planète. À titre d’exemple, la valeur de la bourse de Paris (tous les indices CAC) a augmenté depuis le janvier dernier de l’ordre de 20% alors que les estimations de croissance économique pour 2015 ne dépassent guère 1%. Même chose à Francfort, à Tōkyō, à Shanghai ou à Tel-Aviv. En fait, il n’y a pratiquement qu’au Canada, en Pologne et en Grèce où les bourses ont perdu du terrain depuis le début de l’année...
2. Les taux d’intérêt sont à un niveau historiquement minimal – ils sont même dans le négatif dans le cas des banques centrales suisse et suédoise, notamment, et proche de zéro (0,05%) dans la zone euro – et à peu près partout dans le monde la tendance est à la baisse, y compris dans le cas de la Banque du Canada qui a décru son taux directeur à deux reprises en 2015. Malgré cela, la stimulation économique attendue ne porte pas fruit. C’est que depuis 2009, on assiste à un véritable déluge de liquidités de la part des banques centrales. Et ça se continue. La Banque centrale européenne a annoncé en début d’année qu’elle allait injecter 60 milliards € par mois entre mars 2015 et septembre 2016, pour un joli total de 1140 milliards, soit 11,3% de l’économie de la zone euro, dont le PIB s’élève à 10 104 milliards. C’est énorme. On continue à injecter des sommes colossales en liquidités dans l’économie mondiale, ce qui entraîne un risque de crise obligataire à court terme.
3. Finalement, les risques institutionnels qu’on avait promis de mitiger sont toujours présents. L’une des causes les plus importantes de la crise de 2008 a été la multiplication de produits dérivés pourris. Qu’est-ce que sont ces produits dérivés? Il s’agit de produits financiers dont la valeur est dérivée, comme leur nom l’indique, d’autres produits financiers ou d’autres actifs économiques. Par exemple, certains d’entre eux «parieront» sur le risque que représente un portefeuille d’hypothèques. Ils sont apparus au début des années 1990 afin de protéger les administrateurs financiers et autres acteurs économiques du risque inhérent à certains actifs – les hypothèques, le prix des denrées alimentaires, par exemple. A priori, l’idée est bonne. Un manufacturier automobile utilisera ces produits dérivés pour se protéger des fluctuations du prix de l’aluminium ou de l’acier, stabilisant ainsi le cours de ses affaires. Le problème, c’est que la quantité de ces produits a littéralement explosé depuis quinze ans. Inexistants en 1990, ils représentent aujourd’hui la colossale valeur de 630 149 milliards de $US (page A10, table 10 de ce document), soit plus de HUIT fois l’économie réelle – i.e. la valeur de tout ce qui est produit en biens et services sur la planète, le PIB mondial, qui se situe à un peu plus de 75 000 milliards de $US. Si l’on s’est débarrassé des produits dérivés pourris qui ont été à la base de la crise de 2008 (et des pertes de 40 milliards de la Caisse de dépôt au Québec cette année-là), ils sont tout simplement revenus en force sous une autre forme depuis quelques années et la situation est du pareil au même. Plus de 80% de ces produits dérivés sont constitués de titres spéculatifs sur des dettes privées. Il suffirait de quelques mouvements soudains à la hausse dans les taux d’intérêt pour que ce château de cartes s’effondre à nouveau.
D’autre part, un autre dérèglement institutionnel profond du système bancaire et financier n’a pas été corrigé depuis la crise de 2008, celui de la séparation des activités bancaires des activités spéculatives des banques. Rappelons qu’aux États-Unis, une législation existait depuis les années 1930 le «Glass-Steagall Act» empêchant les banques d’avoir à la fois des activités purement bancaires (dépôts et prêts) et d’utiliser leurs actifs à des fins de spéculation. La soi-disant libéralisation des institutions financières initiée un peu partout dans les années 1980 a mis graduellement fin à cette contrainte, Bill Clinton ayant planté le dernier clou dans le cercueil de Glass-Steagall en 1999. Or, c’est entre autres parce que l’activité des grandes banques – les fameuses 30 «globalement importantes» – a été de plus en plus dirigé vers la spéculation financière, donc hors de ce qui devrait être leur cœur de métier, qu’elles ont mis à risque l’ensemble du système financier mondial. De fait, en Europe présentement, seuls 10% des actifs des banques sont consacrés aux prêts aux individus et 15% à ceux aux entreprises. C’est donc dire que ces banques spéculent les trois-quarts de leurs actifs, dans des produits dérivés complètement déconnectés de l’économie réelle, mais la fragilisant tout de même.
Deux sénateurs américains, Elizabeth Warren (Démocrate) et John McCain (Républicain), appuyés de leurs confrères Maria Cantwell (D) et Angus King (indépendant), ont proposé ces derniers temps de revenir à une réglementation de ce type, un «Glass-Steagall II». Mais ils font face à l’opposition des banquiers de Wall Street et même de la candidate à l’investiture démocrate Hilary Clinton.
Cela étant dit, un Glass-Steagall II serait probablement nécessaire, mais insuffisant. Réguler le système bancaire et financier constitue une urgence politique et économique de premier plan, mais cela n’empêchera pas les grands financiers du monde à continuer à se comporter en goinfres insatiables de profits toujours plus grands. La déconnexion totale de la finance internationale de l’économie réelle et l’orgie de profits générés par le grand casino des produits dérivés ne peuvent mener, tôt ou tard, qu’à une autre catastrophe financière et économique, qui elle, aura à nouveau des impacts bien réels et douloureux pour les «vrais» acteurs économiques, les entreprises productrices de biens et de services utiles et l’ensemble des citoyens de cette planète.
Assisterons-nous dans les prochains mois au début d’une nouvelle crise financière? Seuls les fous et les économistes prétendent pouvoir prédire l’avenir. Faisant partie (au moins) de la seconde catégorie, je m’abstiendrai tout de même. Reste que la situation demeure préoccupante. Si l’initiative des sénateurs Warren, McCain et consort aux États-Unis aboutissent, peut-être qu’on limitera les dégâts. En revanche, l’épisode récent de la crise de l’euro montre que les autorités européennes n’envisagent d’aucune manière d’adopter des changements institutionnels. Quant à la Chine, même si son système bancaire sépare en théorie les activités de banking et de spéculation financière, d’aucuns prétendent que sa dynamique institutionnelle actuelle ressemble en tous points à celle des États-Unis en 1929 ou à celle du Japon en 1989.
Bien malin, donc, qui pourrait prédire ce qui se passera dans les 12 ou 18 prochains mois. Une chose est certaine, le système financier international ne pourra pas perdurer pendant une éternité sur des fondations aussi bancales et fragiles.
Source : http://www.journaldemontreal.com
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