Marianne : Les Etats-Unis ont déjà fait l’expérience d’un grand accord commercial, l’Accord de libre-échange nord-américain (l'Alena baptisé aussi Nafta en anglais). Depuis son entrée en vigueur en 1994, les effets pervers de cet accord au Mexique comme aux Etats-Unis sont régulièrement dénoncés. Craignez-vous, à terme, des effets similaires aux Etats-Unis et en Europe avec le Tafta ?
Melinda St. Louis : Nous faisons depuis plus de vingt ans l’expérience de l’Alena. Quand cet accord a été présenté à l’opinion publique, ses promoteurs arguaient qu’il allait créer des emplois et élever le niveau de vie dans les trois pays concernés (les Etats-Unis, le Canada et le Mexique, ndlr). Au final, il s’est avéré que l’accord a produit l’effet inverse. Le secteur industriel s’en est trouvé ravagé, ce qui a conduit à un grand nombre de licenciements et à une dépression générale des salaires. Les économistes sont tous d’accord pour dire que la politique commerciale américaine instaurée par l’Alena a considérablement creusé les inégalités. Quelle que soit la richesse créée par cet accord, elle n’est allée qu’aux 10 %, sinon les 1 % des citoyens les plus riches.
Au lieu de retenir les leçons du passé, nous craignons que le Tafta ne soit bâti sur le même modèle. Tout nous indique une similarité avec l'Alena : la manière dont se déroule les négociations, leur contenu tenu secret. Aux Etats-Unis, près de 500 conseillers d’entreprises ont un accès direct au contenu des négociations alors que l’opinion publique en a été écartée. Nous ne pouvons donc attendre du Tafta que les mêmes effets destructeurs que ceux provoqués par les anciens traités dont il s’inspire.
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