Mercredi 01 Juillet 2015 à 13:40
Un simple instant de recul et deux doses de hauteur, au vu et au su des causes de la crise grecque, indiquent manifestement que cette Europe-là est morte. Cette Europe des marchés, si chère à Jacques Delors, à José Manuel Barroso, à Jean-Claude Junker (spécialiste de l’évasion fiscale des multinationales installées au Luxembourg), et à tous ceux qui ont affirmé que le dogme monétarisme devait apporter l’équilibre économique à une opération aussi complexe que l’union de près de 20 Etats européens soumis aux aléas d’une devise unique, n’est plus.
Malgré les colmatages, les rafistolages, les bas de contention et autres extincteurs imaginés par la Commission européenne pour convaincre les opinions publiques que l’UE est un processus irréversible et infaillible, la grande idée de Jean Monnet et Robert Schumann fait penser à ces fusées saturées de technologies dernier cri dont le lancement en grandes pompes finit par un feu d’artifice retentissant sous les applaudissements d’une foule ne pouvant imaginer que le bijou interstellaire vient en fait d’exploser.
Et les gesticulations pathétiques de nos leaders politiques, répétant à satiété que le drame grec n’est qu’un accident de parcours provoqué par une mauvaise application de la doxa bruxelloise, nous rappelle ces marxistes sincères expliquant, la main sur le cœur, que le goulag était un dévoiement du système soviétique mais en aucun cas sa finalité objective. Pas de mauvais outils, que de mauvais ouvriers…
Il sera toujours temps de se demander, dans vingt ou trente ans, comment des esprits lucides ont seulement pu y croire, et comment, lorsque des peuples ont pu manifester un doute sur l’efficacité du projet, comme les Français en mai 2005, le camp du bien leur répondait : « Circulez y a rien à voir, la subtilité des enjeux vous dépasse ». Toute interrogation relève de la dérive populiste puisque la bête immonde s’appelle désormais Syriza.
A ce propos, Madame Lagarde et Monsieur Moscovici peuvent-ils prendre le temps de nous expliquer, avec leurs mots justes et précis, pourquoi la masse des économistes géniaux et des gouvernants visionnaires qui, depuis 40 ans, nous annoncent, à grands renforts de démonstrations scientifiques, que cette Europe-là est la seule issue viable pour notre continent, n’arrive pas à avoir raison ? C’est fâcheux, à la fin, cette obstination des faits. Chaque année qui passe confirme un peu plus l’effarante faillite du concept mais plus le roi est nu et plus on explique à la petite fille qu’elle est devenue folle…
Certains en riront, d’autres en pleureront, sur le cadavre de tous ceux qui auront payé la facture finale, c’est-à-dire les plus défavorisés. Qu’importe, le bien-être de la plèbe n’est pas la priorité de la Banque centrale européenne et encore moins celle du Fond monétaire international, dont la seule mission n’aura été, finalement, que la protection d’un système bancaire vicié venu se refaire une santé sur le dos du contribuable après une partie de poker menteur perdue.
L’urgence n’est donc plus de savoir si l’on prolonge les soins de cette Europe en pré phase terminale, on devrait dire « vincent lambertisée », mais à quel moment les élites qui nous ont conduit dans ce mur accepteront de reconnaître leurs torts ? Auront-ils l’élégance de laisser la place aux bâtisseurs d’une vraie Europe où règneront enfin les valeurs de l’entreprise et du savoir dans une cohérence politique ayant l’humanité pour ambition première ou leur faudra-t-il une rupture ? S’il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, leur échec nous encourage plus que jamais à persévérer.
Source : http://www.marianne.net/pericolegasse