Mardi 07 Juillet 2015 à 17:45
Face à ce bras d’honneur démocratique adressé par les Grecs aux technocrates européens et aux éditorialistes du dimanche adeptes du tout austéritaire, il fallait bien un os à ronger pour se consoler. Ouf ! Yanis Varoufakis, le tonitruant ministre des Finances, l’économiste à bécane et au franc-parler — les autres ministres de la zone euro en ont encore des sueurs froides — a donné sa démission (ou a été démissionné). C’est donc, Euclide Tsakalotos, économiste de formation, qui a suivi le même cursus que David Cameron à Oxford, qui prend la relève. Jusque-là ministre délégué aux Relations économiques internationales du gouvernement Tsipras, il connaît bien le dossier européen. Et pour cause : c’est lui qui avait pris la suite dans les discussions avec les négociateurs de Bruxelles après la première mise à l'écart de Varoufakis.
Sauf que les deux économistes ont toujours œuvré main dans la main, en témoigne cet hommage du nouveau ministre des Finances à son prédécesseur : « Sans la contribution de Yanis Varoufakis, nous n’aurions jamais atteint ce résultat ». Surtout, les deux hommes sont étroitement liés à Yannis Dragasakis, vice-Premier ministre et véritable architecte de la stratégie économique du gouvernement grec. Et si Euclide Tsakalolos est réputé « plus discret » et « plus sobre », le professeur d’économie de l’Université d’Athènes (qui a d'ailleurs su profiter de sa connaissance des lois du marché pour faire de juteux investissements), au style plus « british », n’a pas pour autant sa langue dans sa poche.
C’est ce qui ressort d’un entretien accordé à Mediapart le 27 avril dernier. Pour rappel, trois jours avant, l’Eurogroupe se réunissait à Riga, en Lettonie, pour parler du cas grec. Une réunion qui ne déboucha sur rien, malgré le changement de Varoufakis à la tête de l’équipe de négociateurs hellènes. De la à dire que le « problème Varoufakis » n’était qu’un prétexte… Interrogé par le journaliste de Mediapart sur les raisons de l’absence d’accord, Tsakalotos, selon l’expression consacrée, ne met pas d’eau dans son ouzo. Bien au contraire, le prof d’éco est du genre à le boire sec : « Ce n'est pas le gouvernement grec qui est responsable de cette situation, j'en suis convaincu. Nous sommes parfaitement fidèles à l'accord du 20 février, nous avons cru à cet accord et nous avons envoyé le 24 février une première liste de réformes. L'Eurogroupe l'avait alors acceptée, disant que c'était un bon début », explique-t-il. Et de pointer le cœur des difficultés dans ces négociations : « Le problème vient du fait que nos partenaires nous avaient parlé d'un ensemble composé pour partie des anciennes mesures, convenues avec le gouvernement précédent, et pour partie de nouvelles (…) Or si ces mesures sont nouvelles, c'est bien parce que les recettes précédentes ont échoué, qu'une nouvelle analyse de la situation est faite… »
Précisant sa pensée au sujet de la dérégulation réclamée sur tous les modes, majeurs ou mineurs, par l’ex-Troïka : « En tant que gouvernement de gauche, nous pensons qu'un marché du travail régulé est plus juste car cela permet de corriger ses déséquilibres au profit des travailleurs. (…) Ceux qui sont incapables de faire du profit sans imposer des conditions de travail inhumaines et des salaires extrêmement bas : ces gens-là doivent quitter le marché ! ». Voilà pour ceux qui espéraient que cette nouvelle voix soit plus conciliante. Questionné par le site sur des arrière-pensées qui se cacheraient derrière ces discussions à rallonge, là-aussi, le nouveau ministre ne mâchait pas ses mots : « D'après moi, il s'agit de nous conduire, avec l'épuisement des liquidités dont dispose l’État grec, à un point où nous serons obligés de faire encore davantage de compromis. » Conclusion : même sans Varoufakis, lors du sommet de l’Eurogroupe ce soir, l’ambiance risque d’être au rendez-vous…
Source : http://www.marianne.net