Mercredi 10 Juin 2015 à 13:00
Emmanuel Macron est un garçon cultivé. Il a sans doute lu Foucault, peut-être feuilleté le philosophe chinois Han-Fei-tse et, avec l’appui de ses spin doctors, il est probable qu'il a eu vent de l’importance de tordre les mots pour inverser l’ordre des choses. A l’heure du 7/9 de France Inter ce mercredi, le ministre de l’Economie s’est livré à un de ces impayables exercices de rhétorique qu’il maîtrise désormais parfaitement. Au carrefour de la novlangue et du jargon administratif, les mots sont sortis de leur coquille, employés à décrire l’inverse de ce qu’ils veulent dire, mais énoncés sur le ton de la foi. Presque du Orwell dans le texte.
« La guerre, c’est la paix »
Questionné par Patrick Cohen sur les fameux plafonnements des indemnités de licenciement, point contesté dans les mesures annoncées hier pour les PME, l’ancien assistant du philosophe Paul Ricœur fait mine de ne pas capter le litige. C’est pour « la visibilité », martèle-t-il. « Visibilité mutuelle » : pour les salariés, et pour les employeurs. D’ailleurs, « cette visibilité, c’est de la sécurité ».
Le patron du Medef Pierre Gattaz avait usé des mêmes éléments de langage pour louer cette mesure qui viserait à « réduire l'insécurité juridique et de donner de la visibilité ». Converti, Macron parle donc le Medef sans accent : la sécurité des salariés, c’est de faciliter leur licenciement. Et à la clé, « cela créera de l’emploi ». Bref, « la guerre, c’est la paix »...
« La liberté, c’est l’esclavage »
« Cette mesure a une efficacité, et elle est juste, parce qu’elle donne une visibilité », reprend Macron en réponse à un auditeur inquiet des incidences de ces mesures sur les CDD. « On donne une flexibilité à certains employeurs qui sont obligés de se séparer du salarié. » Après la « visibilité », la « sécurité », l'« efficacité », place donc à la « flexibilité »... Et de poursuivre, comme s'il avait un dictionnaire des rimes en main : « Les mesures sur le coût du travail, il faut leur donner de la stabilité. Les employés ont besoin de stabilité, d’adaptabilité, et d’agilité », dit-il. Comprendre : fluidifier le licenciement, faciliter la mobilité des salariés, c’est efficace. Et juste. Et la liberté, c’est l’esclavage ?
Source : http://www.marianne.net