« Pas de pub devant les écoles » : ce message a été barbouillé en mai 2014 sur un large panneau publicitaire trônant devant un établissement scolaire lillois. Les deux « peintres », membres du collectif des déboulonneurs, Alessandro Di Giuseppe et Mallory Fossard, ont été emmenés au commissariat peu après avoir terminé leur griffonnage. Poursuivis pour dégradation légère de « mobilier urbain » – le poli nom que l’on donne aux panneaux publicitaires privés – ils passeront devant le tribunal correctionnel de Lille, le 9 juin prochain. « Nous sommes aussi poursuivi pour avoir refusé de donner notre ADN », précise Alessandro Di Giuseppe. Les deux militants risquent des peines d’amendes, à moins qu’ils ne soient relaxés, comme six de leurs camarades l’avaient été, à Paris, en mars 2013.
« Le tribunal avait reconnu "l’état de nécessité" invoqué par les prévenus », rappelle Alessandro Di Giuseppe. « Les juges avaient admis qu’il y avait un danger immédiat, lié notamment à l’impossibilité de se soustraire aux panneaux publicitaires situés dans l’espace public. Les enfants n’ont pas le recul nécessaire, que les adultes peinent déjà à avoir, face aux message publicitaires. Le temps de cerveau disponible dont parlait le PDG de TF1, c’est surtout celui des enfants. On sait en plus qu’ils dictent souvent les actes d’achat à leurs parents. »
A l’occasion de ce procès, une pétition lancée par l’antenne locale de Résistance à l’agression publicitaire, appelle la maire de Lille Martine Aubry à imiter le modèle grenoblois, où les élus ont décidé de ne pas renouveler le contrat qui liait la ville aux afficheurs. « Nous pensons que l’espace public doit le rester et c’est en cela que nous combattons les logiques de privatisation qui le menacent », explique le maire écologiste de Grenoble Eric Piolle, dans un courrier de soutien envoyé aux deux déboulonneurs nordistes. Pour lui, il s’agit là d’une question de « liberté de réception, corollaire de la liberté d’expression, qui doit permettre à chacun de choisir de recevoir une information ou non ». Plusieurs responsables du Parti de gauche ont également signé la pétition.
« Élément essentiel du cercle vicieux et suicidaire de la croissance sans limite, la publicité constitue le deuxième budget mondial après l’armement, rappelle Serge Latouche, membre du comité de soutien à Alessandro Di Giuseppe et Mallory Fossard. Au total, pour l’ensemble du globe, cela représente un montant colossal de plus de 1000 milliards de dépenses annuelles ». « Il ne peut s’agir d’informer le consommateur, mais bel et bien de l’influencer, de tenter de le convaincre que le superflu lui est nécessaire, de transformer d’authentiques besoins en pulsions éphémères », dit Jean Gadrey, professeur d’économie à Lille, également membre du comité de soutien. « Contester ces modes d’influence, agir pour que cela se sache, est légitime, y compris lorsque cela passe par un peu de peinture... », ajoute-il.
Pour joindre le collectif :
deboulonneurs_lille@no-log.org