Problème : il est difficile de détecter de tels appareils.
De nombreux observateurs, comme Stéphane Crozier, délégué syndical chez Orange, affirment pour commencer que si la surveillance se fait à l’autre bout de la liaison, chez l’opérateur étranger avec lequel on s’interconnecte, il est impossible d’en connaître l’existence.
Et même dans les cas où cette intrusion est repérée, les indices sont maigres. Jérôme Nicolle :
« Il y a des micro-coupures et des variations de la puissance. C’est surveillé par les opérateurs mais tout cela peut provenir d’anomalies très courantes : il suffit qu’une racine d’un arbre vienne un peu trop appuyer sur un câble longeant une rivière pour que ces modifications se produisent. »
Quand c’est un Etat qui est derrière...
Des appareils (les réflectomètres) peuvent tout de même vérifier où se situe l’anomalie, et sont d’ailleurs indispensables aujourd’hui pour gérer des réseaux de fibre optique. Encore faut-il que France Télécom ait détecté ces variations. Et ait pris la peine d’en vérifier, ensuite, la source.
Certains équipementiers militaires procèdent aujourd’hui à cette vérification en temps réel. Et proposent des appareils pour couper l’intrusion dès qu’elle est repérée (c’est le cas dans la vidéo d’Alcatel). Mais le dispositif est moderne et coûteux. Donc a priori peu répandu en dehors d’infrastructures critiques.
Et par ailleurs pas forcément efficace contre des surveillances bien rodées, poursuit Stéphane Crozier :
« Quand un Etat est derrière, on ne peut rien faire ! »
Et quand bien même : encore une fois, il faut que l’opérateur décide d’interrompre une telle intrusion si jamais il la détecte. Or nos interlocuteurs estiment que de la même façon que France Télécom peut ne pas être au courant, il peut tout aussi bien savoir ce qu’il se passe. Après tout, tout le monde surveille tout le monde – on n’a eu de cesse de l’entendre ces derniers mois. Et les opérateurs de télécommunications, bien plus que n’importe quelle autre boîte, sont bien placés pour le savoir. Et pour collaborer avec les Etats.
François Hollande et Angela Merkel, le 31 mars 2015 à Berlin (ALAIN JOCARD/AFP)
Peter Pilz n’exclut pas l’éventualité d’une clause contractuelle entre Deutsche Telekom et Orange, qui autoriserait précisément ces opérations. Mais en l’absence de preuves, le députée autrichien se veut prudent. Il insiste :
« Ils ont pour le moment le statut de victime. Et il faut les considérer comme tels. »
Eva Joly précise avoir invité le patron d’Orange, Stéphane Richard, à se joindre à l’initiative d’Europe écologie-Les Verts, pour demander l’ouverture d’une enquête judiciaire en France. En visite au Caire, ce dernier aurait décliné. Initialement prévu, Stéphane Crozier s’est également désisté. Une annulation de dernière minute simplement liée, nous dit-il, à un malentendu.
Et quand on l’interroge sur le niveau de connaissance de l’ex-France Télécom dans cette affaire, ce dernier esquive, et nous renvoie aux obligations des opérateurs :
« La difficulté c’est qu’ils ne peuvent pas s’opposer si les Etats les mettent sous surveillance... »
Source : http://rue89.nouvelobs.com