Sur les places publiques de Madrid et Barcelone, des centaines de personnes dansaient de joie dimanche 24 mai. Les élections municipales et régionales en Espagne font figure de véritable séisme politique. Elles marquent la fin du bipartisme qui articule les institutions espagnoles depuis la Transition démocratique (1975-1982).
Après quatre ans au pouvoir en Espagne, le Parti populaire (PP, droite, au pouvoir), marqué par la politique d’austérité menée durant la crise et une succession de scandales de corruption, s’effondre. Il perd 40 % des voix par rapport à 2011, permettant au Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) de remporter la victoire dans de nombreuses régions et mairies, malgré une nouvelle chute de 12,5 % des voix. L’entrée en force du parti de gauche radicale Podemos, qui ne se présentait avec sa marque que pour les élections régionales, et du parti de centre droit Ciudadanos, va obliger les deux grands partis à sceller des accords avec ces nouvelles formations s’ils veulent gouverner.
Les clefs de Barcelone à Podemos
À Barcelone, la liste citoyenne menée par Ada Colau, figure de la plateforme de lutte contre les expulsions immobilières (PAH) et du mouvement des « indignés », qui regroupe Podemos, les écologistes catalans et des activistes, a remporté la mairie avec une courte majorité de 21 conseillers municipaux, devant les nationalistes de droite de Convergence et Union (CiU, 20 conseillers). Les « indignés » devraient obtenir, grâce à l’abstention probable des autres forces politiques, les clefs de la capitale catalane avec un programme centré sur la lutte contre les inégalités sociales et la corruption. « Sans pouvoir médiatique, économique, judiciaire, nous avons démontré que l’on peut faire les choses autrement et (…) que le rêve et l’espoir peuvent l’emporter, » a déclaré, émue, Ada Colau, en séchant des larmes de joie devant une foule de sympathisants. La mobilisation des abstentionnistes à Barcelone, où la participation a augmenté de huit points par rapport aux dernières élections a été la clef du scrutin.
Avec des moyens réduits, mais beaucoup d’enthousiasme et une imagination débordante, la plateforme Ahora Madrid menée par l’ancienne juge de 71 ans, Manuela Carmena, soutenue par Podemos, les écologistes d’Equo et des membres critiques du parti des écolo-communistes de la Gauche unie, est parvenue à se hisser à la seconde position dans la capitale espagnole, à un siège du Parti populaire qui gouvernait Madrid avec majorité absolue depuis 1991. Il ne fait pas de doute qu’elle sera la prochaine maire de la capitale, grâce au soutien attendu du PSOE qui a besoin de Podemos pour prendre le pouvoir dans de nombreuses régions. C’est donc en vainqueur que Manuela Carmena s’est présentée devant une foule déchaînée qui scandait son nom.
« Le plus singulier, spécial et extraordinaire de cette campagne est que notre unique monnaie pour la faire a été l’imagination, la joie et la créativité, » a-t-elle déclaré, faisant référence aux multiples initiatives nées en dehors de la plateforme autour de sa candidature. Des graphistes ont créé bénévolement des centaines de logos à partir de son image et les ont diffusés sur les réseaux sociaux, des artistes ont composé des chansons, écrit des poèmes, créé des tee-shirts et des autocollants que des chauffeurs de taxi de la capitale arboraient sur leurs véhicules. « Cette victoire est la vôtre, » a-t-elle conclu, la voix couverte par les cris de joie de ses sympathisants, réunis devant le musée du Reina Sofia.
Changement « irréversible »
La mine déconfite, Esperanza Aguirre, la candidate du Parti populaire n’a pas vraiment cherché à démentir la victoire que s’est attribuée Manuela Carmena, se contentant de rappeler sans conviction qu’« en tant que parti qui a reçu le plus de voix nous devrions avoir la mairie si les autres partis ne scellaient pas d’accord. »
L’ampleur de la débâcle du PP se mesurera plus clairement durant les prochains jours ou semaines. Bien qu’il soit le parti qui a recueilli le plus de suffrages en Espagne, avec 27 % des voix, il perd les majorités absolues qu’il avait arrachées en 2011 et ses principaux barons devraient se retrouver dans l’opposition. C’est d’autant plus dramatique pour le PP que les régions espagnoles disposent d’un fort degré d’autonomie et contrôlent par exemple les dépenses en matière d’éducation et de santé.
En tête dans la région de Valence, en Aragon ou en Castille-La Manche, le PP ne devrait pas pouvoir gouverner si Podemos soutient l’investiture des socialistes, comme tout porte à le croire. Dans la région de Madrid, où il gouverne depuis 1995, c’est Ciudadanos qui jouera les arbitres, comme à Murcie, La Rioja ou Castille-et-Léon.
Pour Pablo Iglesias, le chef de file de Podemos, il ne fait guère de doute que la victoire de la gauche dans les grandes villes augure une défaite du PP lors des élections générales de cet automne. « Nous aurions aimé que l’usure des vieux partis soit plus rapide, » a avoué Pablo Iglesias tout en soulignant que « les grandes villes sont le moteur du changement politique » et que ce changement est « irréversible ».
Sandrine Morel (Madrid, correspondance)
Journaliste au Monde
Source : http://www.lemonde.fr
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Source : http://www.francetvinfo.fr
Espagne : la percée de la gauche radicale est acquise
Depuis quelques mois déjà, les sondages avaient pronostiqué la montée en puissance de Podemos. Ce dimanche 24 mai, lors des élections régionales et locales en Espagne, la tendance semble s'être confirmée.