Source : http://blogs.mediapart.fr/blog/philippe-corcuff
Qui est responsable de la panade actuelle ?
La vidéo d’un cours à l’Université Critique et Citoyenne de Nîmes : « Qui est responsable de la panade actuelle : les autres, la société ou moi ? En partant du polar et de la chanson »…
Dans le cadre du cycle de l’Université Critique et Citoyenne de Nîmes (http://uccn30.blogspot.fr/) : « Argent, planète, politique, identités. C’est par où la lumière ? »
Qui est responsable de la panade actuelle : les autres, la société ou moi ? En partant
du polar et de la chanson
Par Philippe Corcuff
Introduction au cours du 24 février 2015
La panade actuelle se décline sur différents plans, dont on peut en rappeler les principaux :
- la phase néolibérale du capitalisme qui accentue le poids de l’argent comme référentiel principal, qui approfondit les inégalités entre classes sociales à l’intérieur des différentes nations et les inégalités entre nations, qui développe la précarisation subie des existences ;
- des inégalités et discriminations sexistes, racistes et homophobes en interaction avec la logique du capitalisme, mais spécifiques par rapport à lui ;
- une crise écologique qui met en danger l’avenir de la planète ;
- la montée des extrêmes droites et la banalisation de la xénophobie en Europe, en particulier de l’islamophobie, de l’antisémitisme, de la romophobie et de la négrophobie ;
- la violence meurtrière d’un fondamentalisme islamiste, lui aussi xénophobe ;
- les courants dominants au niveau électoral de la gauche en Europe transformés en agents du néolibéralisme sous la modalité sociale-libérale ;
- des courants dits de « gauche radicale » ou de « gauche de la gauche » qui n’arrivent pas à rompre avec la logique oligarchique des régimes représentatifs professionnalisés contemporains appelés abusivement « démocraties » et qui restent souvent dépendants de la figure de « l’homme providentiel » ;
- à la suite de l’assassinat de mes amis de Charlie Hebdo, puis des crimes antisémites du mois de janvier 2015, une gauche radicale, encore elle, largement affectée par des polarisations imbéciles et paralysantes telles que laïcité ou antiracisme ? lutte contre l’antisémitisme ou contre l’islamophobie ? combat contre l’islamophobie ou contre les fondamentalismes islamistes ?...;
- un brouillard et un brouillage des repères entre gauche, droite et extrême droite, accompagnés d’une certaine désintellectualisation du débat politique, à droite mais plus grave à gauche, car la gauche avait historiquement partie liée avec le travail intellectuel ;
- ou encore des bricolages confusionnistes entre des thèmes de gauche, de droite et d’extrême droite par des courants néoconservateurs traversant la plupart des secteurs de l’espace politique.
La panade se situe ainsi tout à la fois dans les réalités de notre monde et dans nos modes de perception de ces réalités.
Face à une telle panade, on est tenté de chercher un ou des responsable(s) : « les autres » ou « la société », plus fréquemment, ou « soi », nettement moins souvent car on préfère éloigner de soi la responsabilité et se constituer plutôt comme « victime ». Je vais tenter de montrer aujourd’hui que les choses sont plus compliquées. Que tant « les autres », « la société » et « moi » ont leur part dans ce qui arrive et que le qui de la responsabilité ne peut pas se penser sans un rapport avec un quoi, que le personnel intervient sur fond de rapports sociaux impersonnels.
Pour ce faire, je partirai de quelques explorations dans les cultures ordinaires, dans ce cas des chansons et des polars de tradition américaine. Puis j’essayerai d’affiner l’analyse en m’appuyant sur des remarques du philosophe Maurice Merleau-Ponty.
Suite dans la vidéo ci-après :
Vidéo d’environ 45 mn filmée par Thierry Le Roy de Tseweb.tv (http://www.tseweb.tv/)
Plan du cours :
Introduction
1 – Pistes tirées du polar et de la chanson
Balades socialement noires dans le polar (David Goodis, James Lee Burke)
Balades chansonnantes (Alain Souchon, Casey, Keny Arkana)
2 – Merleau-Ponty et quelques autres pour éclairer nos existences compliquées
Des rapports sociaux qui nous étouffent
Les paradoxes de l’intersubjectivité socio-historique et du solipsisme
Compliquer les rapports entre « les chefs » et « les masses »
En guise d’ouverture : et comment on se sort de cette panade ?