Monsieur le directeur d’entrepôt,
Le 18 mai 2015, L’Humanité révélait la triche d’Amazon sur les accidents du travail en publiant des extraits d’une fausse déclaration à la Sécurité sociale signée Amazon. L’objectif ? Faire baisser les statistiques élevées d’accidents du travail.
Making of
La CGT appelle à la grève ce mardi 26 mai sur le site Amazon de Sevrey (Saône-et-Loire) pour peser sur la négociation annuelle obligatoire. Ce texte est une lettre ouverte d’Alain Jeault, délégué syndical CGT de l’entrepôt, adressée à Ronan Bolé, le directeur du site. Rue89
Depuis la publication de ces révélations vous avez, Ronan Bolé, déclaré au Figaro :
« Les faits relayés sont faux. Je n’ai pas envie d’aborder les cas particuliers. »
Et ajouté auprès du Journal de Saône-et-Loire qu’il s’agissait d’une « déclaration mensongère » du journal L’Humanité.
Les menteurs, en réalité, sont à chercher du côté de votre direction. L’accident du travail qu’Amazon cherche à camoufler s’est produit le 18 février. Il a été diagnostiqué par le médecin traitant du travailleur accidenté le 19 février. Jamais, avant son accident du travail, le salarié en question n’avait ressenti de paralysie à sa jambe. Amazon a pourtant affirmé à la Sécurité sociale, sur la feuille Cerfa :
« Aucun fait accidentel : l’opérateur nous déclare avoir mal à la jambe depuis longtemps. »
Là est le mensonge, le vôtre, celui d’Amazon. Le lieu et les circonstances de l’accident sont connus. Le médecin ayant diagnostiqué l’accident du travail est formel.
Dans l’entrepôt Amazon de Lauwin-Planque, en avril 2015 (PHILIPPE HUGUEN/AFP)
Monsieur le directeur d’entrepôt, plutôt que de vous épancher dans la presse pour dire que les salariés Amazon sont heureux dans l’entrepôt de Sevrey, et plutôt que d’annoncer que vous allez bientôt inviter des politiques sur le site de Sevrey pour leur montrer que tout va bien dans le meilleur des mondes, vous feriez mieux d’écouter ce que les salariés et leurs représentants ont à vous dire.
Le 10 avril, la médecine du travail est venue présenter lors de la réunion du CHSCT son rapport annuel. Comme vous le savez, il est édifiant. La presse l’a abondamment commenté. Ce rapport confirme une fois de plus combien il est pénible et dangereux de travailler chez Amazon.
Vous n’êtes pas, Monsieur le directeur d’entrepôt, à l’écoute des travailleurs Amazon. Votre préoccupation majeure est la productivité de l’entrepôt et non la santé et la sécurité de vos salariés.
Récemment, Amazon a supprimé les deux pauses de vingt minutes pour la remplacer par une pause de trente minutes. Le rapport de la médecine du travail évoque spécifiquement ce point et précise que les deux pauses de vingt minutes étaient plus bénéfiques pour la prévention des troubles musculo-squelletiques (TMS). Qu’importe, vous préférez appliquer de manière autoritaire ce qui est plus dangereux et pénible pour vos salariés.
Mardi 26 mai, la CGT appelle à la grève, en réponse à l’attitude scandaleuse d’Amazon lors des récentes Négociations annuelles obligatoires (NAO) dont la dernière réunion se tiendra le 28 mai. Par téléphone, les gendarmes m’ont déjà informé qu’ils avaient ordre du sous-préfet d’encadrer strictement notre mouvement et qu’ils seraient intransigeants avec les grévistes.
Nous connaissons bien, Monsieur le directeur, les talents de lobbyistes d’Amazon. Nous savons que les dirigeants d’Amazon rencontrent régulièrement des politiques – ministres, députés, sénateurs, conseillers régionaux ou départementaux, maires –, ainsi que des représentants des institutions de la République afin de répéter inlassablement les mêmes arguments à propos de l’emploi, arguments avec lesquels vous avez obtenu des subventions publiques. Cela, alors même qu’Amazon pratique l’évasion fiscale.
Depuis peu, Amazon.fr publie sur son site internet des vidéos de propagande dans lesquelles des travailleurs témoignent combien il est agréable de travailler chez Amazon.
Mais alors, Monsieur le directeur, pourquoi ne plaidez-vous pas pour la modification du règlement intérieur de l’entreprise qui interdit aux salariés la libre expression à l’égard de la presse ? Car chez Amazon, rappelons-le, parler à un journaliste des conditions de travail est toujours un motif de licenciement.
Source : http://rue89.nouvelobs.com