La cour d’appel de Paris déclare irrégulière une procédure basée sur un procès-verbal de la préfecture de police préconisant de contrôler les ressortissants maliens, égyptiens et tunisiens à la descente des trains en provenance de Venise, en raison de leur potentielle infiltration par des terroristes.
Le 24 avril Monsieur N., ressortissant sénégalais, est contrôlé à la descente du train Thello, voie N de la gare de Lyon – à l’extrémité ouest du Hall 1 - en provenance de Venise. Il en arrive un chaque matin, à 9h30. Sans titre de séjour, l’homme est placé en rétention, prolongée au bout de cinq jours par le juge des libertés et de la détention de Paris (JLD). Mais la cour d’appel de Paris a infirmé cette ordonnance, vendredi 1er mai, réfutant le caractère aléatoire du contrôle allégué par les agents de police. Cet aléa est obligatoire aux termes de l’article 78-2 alinéa 4 du code de procédure pénale autorisant les contrôles dans les gares ouvertes au trafic international, sur lequel se fondait la démarche des policiers.
La procédure visait un « procès verbal de contexte » datant du 23 avril 2015, signé par le commissaire divisionnaire, officier de police judiciaire chef de l’unité de coordination et de lutte contre l’immigration clandestine, en fonction dans le XIIe arrondissement de Paris, qui sert d’instructions aux agents de police procédant aux contrôles. Il faut, précise-t-il, « poursuivre notre veille permanente relativement aux risques que font peser les vagues d’immigrations en provenance de Libye, zone de guerre et de terrorisme ». Le document – de trois pages – évoque la situation géopolitique dans cette zone. Les membres de DAESH « se sont donc déjà trouvés au contact de campements précaires de migrants installés à proximité des côtes. Il est maintenant avéré que les migrants sont regroupés dans des installations de fortune (conserverie par exemple) à plusieurs centaines d’individus, attendant leur départ sous la surveillance des « katibas », sorte de brigades islamistes rattachées ou non à l’EI (Etat Islamique, ndlr) ». D’ailleurs, continue le policier, « un officier de renseignement libyen a déclaré, le 19 avril, dans le journal Le Monde, qu’il y a une stratégie des djihadistes d’utiliser les migrants pour déstabiliser l’Europe ce qui paraît malheureusement évident ».
Après un séjour en Italie, où « ils ont récupéré leurs forces », les migrants « parviennent à franchir la frontière, parfois après plusieurs tentatives » et « la plus grosse partie emprunte le réseau ferré italien », via le Thello. Parmi les étrangers « à risque » : les Maliens, les Égyptiens et les Tunisiens. « Des ressortissants de ces trois nationalités ont largement pu être infiltrés par des éléments terroristes et ce sont les nationalités les plus représentées actuellement à bord de ce train », peut-on lire. Toujours selon le procès-verbal, 60 à 80 migrants empruntent chaque jour ce train pour se rendre en France. « Au cours des six opérations de contrôle qui ont été conduites à l’arrivée de ce train gare de Lyon depuis le 19 octobre 2014, ce sont plus particulièrement 132 étrangers qui ont fait l’objet d’un examen de situation administrative approfondi », rapporte le procès verbal. Parmi ceux-ci, 21,97 % de Maliens, 18,94 % d’Égyptiens et 12, 88% de Tunisiens.
Pour la cour d’appel, c’est ce PV de « contexte » qui ferait obstacle au caractère aléatoire du contrôle. Après avoir relevé dans le PV les indications d’heure et de voie d’arrivée du train, la cour, dans son ordonnance, a estimé que « peu important que d’autres nationalités que ces trois-là soient visées par ce procès verbal, il se déduit de ces mentions que, dès lors c’était à la recherche d’infraction au séjour commises dans un contexte factuel précis qui motivait l’action des services de police, le choix d’effectuer des contrôles à la descente de ce train entre 9h00 et 13h00 ne présentait aucun caractère aléatoire ». Dans ces conditions, « l’absence au procès-verbal de toute précision sur la façon dont les policiers ont assuré le caractère aléatoire des contrôles individuels, auxquels ils ont procédé, de certaines des personnes descendant de ce train retire tout effet à la clause de style figurant au dit procès-verbal selon laquelle les policiers procédaient à des contrôles aléatoires ». Ainsi, « le lien entre les informations recueillies sur le train litigieux et le contrôle résultent clairement du procès verbal (…) et le caractère aléatoire exigé par le texte implique non seulement que le contrôle ne soit pas systématique mais encore que seul le hasard préside au choix des personnes contrôlées ». Enfin, le fait que les contrôles aient été effectués « sur la base de critères prédéfinis (…) comme l’apparence d’extranéité », leur retire tout caractère aléatoire. Monsieur N. a été libéré, mais est toujours sous le coup d’une obligation de quitter le territoire.
Interrogée sur l’éventualité que les dits migrants fuyaient précisément ce contexte de terreur islamiste, la préfecture de police n’a pas, pour l’heure, donné suite aux questions de Dalloz Actualité. Hier, gare de Lyon, le train 220 en provenance de Venise, arrivé à quai avec six heures de retard, n’a donné lieu à aucun contrôle de la part des douze agents de police, postés voie N, à l’extrémité ouest de la gare.
Source : http://www.dalloz-actualite.fr