Mercredi 08 Avril 2015 à 5:00
Pas de treizième mois et de congés payés, pas d’indemnités maladies et encore moins de cotisations sociales. Le paradis pour les entrepreneurs italiens qui rêvent de pouvoir tourner la page sur les avantages sociaux conquis à l’arrachée par les syndicats depuis les années cinquante.
Cette proposition indécente a été mise au point par une société de travail intérimaire implantée en Emilie-Romagne qui offre à sa clientèle potentielle une main d'œuvre exclusivement roumaine habituée, selon la direction de l'agence, à travailler sans filet. Le type de contrat proposé s'inspire également du droit roumain. Pour séduire les patrons des petites et moyennes entreprises italiennes prises en le marteau de la crise et l'enclume des banques qui ne font plus crédit, l’agence dont le nom n’a pas été révélé — les syndicats ayant saisi les tribunaux — a distribué des centaines de dépliants alléchants dans tout Modène et ses environs.
Le slogan est sans équivoque : « Combats la crise, qu’attends-tu ? Les entrepreneurs qui utilisent un travailleur intérimaire roumain économisent, chaque mois, 40% sur les charges sociales et les salaires ». La description des conditions appliquées a pour le moins le mérite d’être claire : en appliquant la flexibilité la plus totale, l’entreprise ne devra payer les salaires que sur onze mois. Et de conclure : en plus, votre chauffeur ne sera jamais malade, le tout suivi de trois points d’exclamation.
Les petits ruisseaux faisant les grandes rivières, les responsables de l’agence qui tente de planter sa griffe dans six régions italiennes, selon la plainte déposée par les syndicats devant le tribunal, proposent aussi un autre type de « service » : remplacer les entrepreneurs en recrutant leur personnel.
Un véritable tour de passe-passe qui permettrait aux patrons d’appliquer les conditions proposées par le système intérimaire et à l’agence de déposer des euros sonnants et trébuchants sur son compte bancaire. Des sommes qui pourraient d’ailleurs être sacrément rondelettes, l’agence s’étant spécialisée dans cinq secteurs importants : santé, bâtiment, tourisme, transport et réparations mécaniques.
Tandis que le parquet de Modène s’apprête à placer les titulaires de l’agence en examen pour violation du droit du travail entre autres, le parti démocrate et les écologistes ont interpellé le Parlement. Le débat risque d’être virulent, une partie de la gauche et de l’opposition accusant le président du Conseil Matteo Renzi d’avoir ouvert une voie royale aux « trafiquants de travailleurs » en assouplissant le code du travail et en introduisant de nouvelles normes sur la flexibilité.
La discussion risque d'être d'autant plus virulente, que certains parlementaires ont aussi décidé d'introduire dans le débat la question des sociétés qui délocalisent une partie de leurs centres d'appels dans les pays situés derrière l'ancien rideau de fer et en Albanie pour économiser sur le coût de l'emploi. L'autre partie est confiée à des entreprises de sous-traitance qui appliquent des conditions dignes de cette agence intérimaire spécialisée dans la main d'œuvre roumaine : 6,20 euros de l'heure, brut bien sûr, pas de congés payés et pas d'indemnités maladie ou de chômage. « La femme de ménage de ma mère touche 4 euros de plus de l'heure. Mais plutôt que de crever de faim, je suis prête à tout », confie Vittoria, une directrice de production au chômage depuis quatre ans. Elle est pas belle la vie ?
Source : http://www.marianne.net