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24 avril 2015 5 24 /04 /avril /2015 17:36

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

En Espagne, un collectif citoyen a participé à la chute de l'ancien chef du FMI Rodrigo Rato

|  Par Ludovic Lamant

 

 

Il était le gourou de la droite espagnole depuis les années 1990. L'ancien directeur général du FMI Rodrigo Rato a été interpellé la semaine dernière, accusé de blanchiment de capitaux. Depuis 2012, un collectif issu du mouvement « indigné » travaille à poursuivre en justice les responsables du sauvetage contesté du géant bancaire Bankia. La chute de Rato est son premier grand succès.

 

À un mois d'élections municipales et régionales, l'Espagne est secouée par un spectaculaire feuilleton judiciaire : la chute de Rodrigo Rato, ex-ministre vedette de José María Aznar (1996-2004), aspirant à la présidence du Parti populaire au début des années 2000 (le PP, aujourd'hui dirigé par Mariano Rajoy, au pouvoir), et ancien patron du Fonds monétaire international (2004-2007, avant Dominique Strauss-Kahn).

 

 

Rato, 66 ans, fut surtout l'un des architectes de ce modèle économique fondé sur le développement à outrance de l'immobilier et de l'endettement des ménages, qui a permis à l'Espagne d'intégrer la zone euro et, pour un temps, de compter parmi les économies les plus dynamiques en Europe. Avant que la bulle n'éclate… Rentré de Washington, il a été embauché comme conseiller par plusieurs banques (Lazard, Santander) avant d'en diriger une (Bankia). Rodrigo Rato a été interpellé la semaine dernière à son domicile de Madrid pour fraude et blanchiment de capitaux. Il pourrait aller en prison dans les jours à venir.

À l'origine de l'affaire : une loi d'amnistie fiscale (de « régularisation à des conditions différentes », selon l'exécutif) promulguée en 2012, qui visait à régulariser la situation d'évadés fiscaux aux yeux du fisc espagnol. À l'époque, 32 000 citoyens décident de profiter de cette mesure, dont l'ex-icône de la droite espagnole. Mais le dossier de Rodrigo Rato va attirer plus particulièrement l'attention des autorités, en raison de mouvements de capitaux suspects. Il fait désormais partie des 705 contribuables soupçonnés d'avoir profité de cette amnistie pour blanchir des fonds. L'enquête, dont Mariano Rajoy avait connaissance depuis plus d'un an, selon El País, est sur le point d'aboutir.

 

 

Cette affaire n'est que l'un des très nombreux scandales de corruption qui entachent l'image du PP, le parti conservateur au pouvoir : voir, par exemple, le scandale qui avait déstabilisé le PP madrilène en octobre 2014, ou encore les soupçons de corruption interne au PP nés des carnets Barcenas. Depuis l'arrestation de Rato, les socialistes du PSOE sont vent debout contre le ministre de l'économie, Cristobal Montoro, l'artisan de cette loi d'amnistie fiscale. Sa démission est évoquée. La pression monte également pour publier la liste des 715 noms des personnes, parmi les 32 000 évadés fiscaux, qui ont été – ou sont encore – élues, fonctionnaires ou membres de leur famille, selon les chiffres du fisc (lire la pétition sur le site de notre partenaire, InfoLibre).

Les déboires judiciaires de l'ex-patron du FMI ne datent pas d'hier. Ils ne se résument pas, loin de là, à ces seules accusations de blanchiment de capitaux, sur la gestion de son argent personnel. D'autres affaires le visent depuis 2012, liées en particulier à sa présidence de Bankia, un mastodonte bancaire dont le sauvetage tumultueux par l’État, après l'effondrement de la bulle immobilière, a choqué nombre d'Espagnols soumis, au même moment, à une cure d'austérité. C'est ici qu'intervient le travail de fond d'un collectif « indigné », souterrain, peu connu du grand public, souvent très technique, qui vient d'obtenir, avec l'interpellation de Rato, l'un de ses premiers grands succès.

Cette plateforme activiste s'est baptisée 15MpaRato, un jeu de mots en référence au « 15-M », le 15 mai 2011, date des premiers campements sur la Puerta del Sol à Madrid et d'autres places en Espagne. Alors que Podemos occupe tout l'espace médiatique, faisant le pari d'un « recyclage » de la culture du 15-M dans le jeu institutionnel traditionnel, d'autres collectifs nés dans le sillage du mouvement indigné ont choisi de faire autrement. Certains se concentrent sur un travail de terrain, comme la PAH, ce réseau d'activistes anti-expulsions qui s'est tissé à travers tout le pays, ou encore ces « marées » anti-austérité, notamment dans le secteur de la santé. Le 15MpaRato s'inscrit dans cette vague-là.

 

Une affiche du « 15MpaRato »
Une affiche du « 15MpaRato »
 

Tout a commencé, pour eux, en mai 2012, lors de l'anniversaire des campements « indignés » du printemps 2011. Certains activistes, qui travaillaient sur un projet d'audit de la dette espagnole, ont décidé de franchir un pas supplémentaire. « Notre raisonnement était simple », se souvient Simona Levi, l'une des cofondatrices du collectif, et porte-parole d'un mouvement qui, à l'origine, fonctionnait de manière anonyme. « La crise espagnole n'est pas une crise, mais une arnaque. Et puisque c'est une arnaque, il y a des responsables de cette situation, qui ont un prénom et un nom, dans les sphères politique et économique, que l'on veut envoyer en prison pour ce qu'ils ont fait. Nous allons donc les passer en revue un par un, en commençant par monsieur Rato. »

Quasiment inaudible, dans les grands médias, au printemps 2012, ce discours trouve aujourd'hui un écho spectaculaire. « Nous suivons exactement le calendrier que l'on s'était fixé à l'époque du lancement », assure Simona Levi qui, comme nombre de fondateurs de la plateforme, a fait ses armes d'activiste dans les batailles pour un Internet libre (Xnet) ou pour le droit au logement (V de Vivienda) au cours des années 2000.

Une plainte financée par crowdfunding

 

Une affiche du « 15MpaRato », sur les « complices » de Rodrigo Rato.Une affiche du « 15MpaRato », sur les « complices » de Rodrigo Rato.
 

Le collectif 15MpaRato s'est donné pour objectif de juger les responsables du sauvetage de Bankia, ce conglomérat bancaire né de la fusion de sept caisses d'épargne qui s'étaient trouvées au bord de la faillite, après l'éclatement de la bulle immobilière en 2008. Le gouvernement de Mariano Rajoy avait fini par injecter 24 milliards d'euros d'aides publiques, pour éloigner le spectre de la faillite. À cette époque, c'est Rodrigo Rato, revenu de Washington, qui est placé aux commandes de l'établissement.

Rato est ainsi l'instigateur de l'entrée en Bourse de Bankia, entachée de nombreuses irrégularités. Il est notamment accusé d'avoir, avec les membres du conseil d'administration de la banque, maquillé les comptes du géant bancaire, pour doper les appétits d'éventuels actionnaires. Il est accusé, en particulier, d'escroquerie et de faux et usage de faux dans ce dossier. Bankia est aussi accusé d'avoir piégé de petits épargnants en leur proposant des participations « préférentielles », présentées comme un placement sûr, alors qu'il était en fait extrêmement risqué : des milliers d'Espagnols ont ainsi perdu toutes leurs économies.

En juin 2012, le collectif 15MpaRato lance un appel au financement citoyen sur Internet – « le premier crowdfunding politique jamais réalisé en Europe », assurent-ils aujourd'hui –, pour financer les frais d'instruction d'une plainte contre Rato et d'autres dirigeants de la banque Bankia. L'opération est un succès. En 24 heures, grâce au pouvoir des réseaux sociaux, ils récupèrent 19 000 euros. Une plainte sera déposée auprès de l'Audience nationale, la plus haute instance pénale du pays. La dynamique est en marche.

Fin 2014, des experts indépendants de la banque d'Espagne publient un rapport dont les conclusions valident l'essentiel des accusations contre les dirigeants de Bankia. Au même moment, la presse espagnole publie les « courriers de Blesa », que le 15MpaRato dit avoir transmis aux journalistes, via des citoyens lanceurs d'alerte. Ce sont des centaines de mails envoyés par Miguel Blesa, patron de Caja Madrid (plus tard avalé par Bankia), qui vont révéler, entre autres réseaux de complicité, l'utilisation de « tarjetas black » au sein des conseils d'administration de Caja Madrid et de Bankia. Ces cartes de crédit de complaisance étaient distribuées aux membres du conseil d'administration des caisses d'épargne, élus et syndicalistes compris, qui pouvaient les utiliser à leur guise. En l'échange de quoi ces responsables validaient sans ciller les décisions du président, aussi contestables soient-elles. En tout, ils sont 86 à en avoir profité.  

Le collectif citoyen 15MpaRato n'est pas le seul à être monté au créneau, dès 2012, contre Rato et ses collègues. Le parti centriste UPyD, emmené par Rosa Diez, a lui aussi déposé une plainte. Les écolo-communistes d'IU y sont à leur tour allés de leur plainte, plus tardivement (avril 2014), ce qui leur a valu des critiques d'opportunisme politique (d'autant que des élus d'IU à Madrid sont accusés d'avoir, eux aussi, profité de ces « cartes de crédit de complaisance » pendant des années).

Ces derniers jours, 15MpaRato a pris ses distances avec « le lynchage d'une seule personne, qui permet au gouvernement de fuir ses responsabilités ». « Grâce au travail de simples citoyens, nous avons démontré qu'il est possible d'en finir avec l'impunité, avec ces pratiques de "portes tournantes" du privé vers le public, et inversement [Rato fut banquier, puis ministre, puis président du FMI, puis à nouveau banquier - ndlr], d'en finir avec le pillage des biens communs d'un pays », s'enthousiasme Simona Levi.

Mais le collectif citoyen voit plus loin. « Rato n'est qu'un membre d'une organisation de type mafieuse, que l'on peut aussi appeler, si l'on veut, le PP », expliquait mercredi Simona Levi lors d'une conférence de presse. D'autres cibles sont dans leur viseur : toute une batterie de fonctionnaires, au sein des ministères des finances ou de l'économie, ou encore de la banque d'Espagne, de l'Autorité des marchés financiers ou du fonds de sauvetage bancaire qui, à leurs yeux, ne se sont pas ménagés pour « couvrir » Rato et ses collègues depuis le sauvetage de Bankia. « Ce n'est pas une question personnelle, on veut démanteler un système », tranche Simona Levi.

 
 
Boîte noire : J'ai réalisé un entretien avec Simona Levi en décembre 2014. Certains de ses propos dans l'article sont issus d'une conférence de presse, qu'elle a tenue, avec d'autres activistes du collectif et deux avocates, cette semaine (et que l'on peut regarder ici).
 
 
 
 
 
 
 
 
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