C’est une véritable tempête que soulève en Grèce l’arrestation surprise, mercredi 22 avril au matin, de Léonidas Bobolas, fils de Georges Bobolas, l’un des principaux oligarques grecs. Accusé d’avoir fait sortir 4 millions d’euros du pays – ce qu’il contesterait –, l’homme d’affaires a été conduit au tribunal d’Athènes en procédure de flagrant délit. Après quelques heures, il a finalement accepté de verser les 1,8 milions d'impôts réclamés par la justice - ce qu'il avait selon des sources judiciaires refusé de faire hier de son plein gré- et a donc été libéré.
Son nom et celui de son frère Fotis Bobolas apparaissent sur la liste Lagarde, que Christine Lagarde, alors ministre française des finances, avait remise en 2010 à son homologue grec de l’époque, Georges Papaconstantinou, contenant les noms de centaines de résidents grecs ayant transféré des fonds en Suisse, sur des comptes de la banque HSBC.
Selon les premières informations, c’est dans le cadre de l’enquête sur cette liste, mais aussi sur d’autres listes de mouvements suspects de capitaux vers l’étranger, qu’une procédure pénale pour délit de violation des règles fiscales a été ouverte hier soir. Un mandat a été délivré aux forces de la police économique, conduisant à l’arrestation de ce matin. Une fois M. Bobolas entendu par la justice, l'action devrait logiquement s'éteindre puisque il a payé l'ensemble du montant réclamé.
Offensive inédite
C’est la première fois en Grèce qu’un membre de l’une de ces quelque 50 grandes familles qui dirigent les entreprises les plus puissantes du pays est inquiété. Le premier ministre Alexis Tsipras en avait d’ailleurs fait l’un des thèmes centraux de sa campagne électorale, promettant de « s’attaquer aux oligarques » et notamment « les magnats qui contrôlent les médias et pervertissent le débat politique ».
La famille Bobolas est à la tête d’un empire de construction, mais possède en effet aussi des parts importantes dans le quotidien Ethnos et surtout dans la principale chaîne de télévision privée du pays, Méga, ennemie déclarée d’Alexis Tsipras lorsque celui était encore dans l’opposition avant de gagner avec son parti Syriza les élections du 25 janvier. Cette offensive inédite est plutôt bien accueillie par la population grecque, mais devrait aussi plaire à Bruxelles et au FMI, qui accusent depuis cinq ans ces « 50 familles » de bloquer les réformes.
Engagé dans de difficiles négociations avec ses créanciers, le gouvernement entend donner ainsi les gages de sa volonté à s’attaquer véritablement à la fraude et l’évasion fiscale. Et faire entrer au passage quelques millions d'euros d'argent frais alors que les caisses de l'état sont toujours au plus bas. Après avoir annoncé ce matin qu'il manquait toujours 400 millions d'euros pour payer les salaires et les retraites le 27 avril prochain, le gouvernement a finalement précisé en début d'après midi que la somme avait été trouvée. Les caisses sociales auraient volontairement prêté la somme à l'état.
Adéa Guillot (Athènes, correspondance)
Journaliste au Monde
Source : http://www.lemonde.fr