Source : http://www.midilibre.fr
il y a 37 jours 4 ALISSANDRE ALLEMAND
A fin de permettre aux Français de manger bon et moins cher et aux producteurs de ne plus jeter des produits hors norme, Nicolas Chabanne, d'Avignon, a créé Les Gueules cassées.
L'Avignonnais, Nicolas Chabanne, passionné depuis de longues années par le goût et spécialisé dans la qualité des produits, se désespérait de voir chaque jour des fraises de Carpentras ou des abricots rosé de Provence, finir au fond d'une poubelle, parce qu'ils ne présentaient pas un visage zéro-défaut. Des produits qui se retrouvaient donc déclarés impropres à la vente, "alors qu'ils venaient de chez les plus prestigieux producteurs de fruits et légumes de la région. Et que mis à part un léger défaut d'aspect, ils demeuraient à tomber par terre pour toutes les papilles, aussi exigeantes soient-elles."
L'amoureux de son terroir et de la gastronomie française a très vite fait des rapprochements. "De plus en plus de Français ont du mal à boucler les fins de mois et se privent de manger des aliments variés par manque de moyens. Sans parler de la population mondiale qui meurt encore de faim. Parallèlement, ça fait des années que j'observe mes amis agriculteurs se désespérer de devoir jeter fruits et légumes cultivés dans les règles de l'art, finir à la benne au moindre défaut et devoir payer pour procéder à la destruction de leur propre production."
C'est en discutant longuement avec Nicolas Benz, producteur et expéditeur de cerises et de raisins de table à Pernes-les-Fontaines que la décision de lancer une marque anti-gaspi a germé. "Toutes les cerises qui étaient d'un calibre jugé trop petit, finissaient jusqu'alors évincées des lots proposés à la clientèle. Alors que mis à part l'aspect, le goût était parfaitement le même. Dans le même temps, on entend toujours les gens regretter qu'ils ne retrouvent plus le vrai goût des choses, et que les fruits et légumes sont trop chers."
Le producteur a donc rapidement soumis l'idée à Nicolas Chabanne de remettre au goût du jour une méthode de cueillette ancestrale et autrefois plébiscitée : le brut de cueille. Comprendre, ramasser sans distinguo tous les fruits d'un même arbre petits ou gros et proposer aux consommateurs des paniers tels quels. Ainsi fini, les fastidieuses manipulations de triage, d'équeutage, qui en plus au final nuisent à la fraîcheur des fruits. "Nous connaissons nos arbres et nous utilisons cette méthode sur les arbres dont on sait qu'ils font plus que les autres des fruits de petits calibres." Résultat pour le consommateur, un produit ultra-frais, mûr à point et surtout 30 % moins cher que des cerises à gros calibre.
En seulement quelque mois, l'idée s'est répandue à une vitesse fulgurante, notamment dans le Gard où nombre de producteurs font aujourd'hui partie de l'aventure. Car, comme le rappelle Nicolas Chabanne, "le concept peut s'étendre à tous les produits alimentaires". En huit mois seulement les Gueules cassées comptent 640 références et l'engouement des producteurs français semble sans limite. Ainsi des fabricants de saucisses de Montbéliard ont pris contact avec la marque. Tout comme des producteurs de céréales ou de camembert AOP, récemment. Tous avec le même discours : un produit en deçà ou au-dessus des normes (couleur, calibre, forme)...et hop c'est la poubelle.
"Nous avons entendu parler de l'initiative par le bouche à oreille" , explique Patrick Leydier, expéditeur de courges, basé au marché gare de Carpentras. "Chaque jour, nous jetons près de 20 % de la production que nous recevons. Simplement parce que certaines courges portent une marque sur leur écorce, alors que la chair n'est absolument pas touchée. Nous avons pris contact avec les Gueules cassées la semaine dernière et en quelques jours seulement, nous avons réussi à collaborer. Les courges un peu abîmées porteront désormais la petite étiquette de la marque pour permettre aux consommateurs de les identifier facilement sur les étals des supermarchés. Des produits excellents vendus moins chers que les autres évidemment".
Comme Patrick, ils sont des dizaines par semaine à prendre contact via leur site internet avec la nouvelle marque. "Nous avons souhaité que tout un chacun, du gros producteur à l'artisan, puisse collaborer à la démarche. Ainsi pour 50 €, les intéressés peuvent recevoir des étiquettes, des visuels et toutes les infos pratiques pour conditionner leurs produits ou carrément monter un stand Gueules cassées dans leurs propres boutiques. La volonté est réellement que tout le monde soit en mesure de s'emparer de l'idée. Et que vraiment on arrive à une réduction considérable de toute cette nourriture gâchée".
Ne reste plus aux consommateurs qu'à montrer leur intérêt pour la démarche en s'approvisionnant 30 % moins cher dans les étals des supermarchés participant à l'opération, comme Monoprix, Leclerc, Auchan, etc. Et en “likant” la page Facebook de la marque. À vos paniers.
Le pari de donner ce nom fort de symboles à une marque alimentaire. Et pourtant, c’est un agriculteur ardéchois qui a proposé l’idée au fondateur, Nicolas Chabanne, en hommage à son grand-père, combattant de la Grande Guerre et revenu handicapé du front. "Une manière de conserver dans les mémoires et pour une noble cause, une partie fondamentale de l’Histoire et peut être d’éviter l’oubli des valeureux Poilus."
Source : http://www.midilibre.fr