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27 août 2012 1 27 /08 /août /2012 15:53

 

Rue89 -  Global Voices Online 27/08/2012 à 10h12

Afef Abrougui · Traduit par Suzanne Lehn

 

 


_Z_ avec son masque lors d’un débat à Paris, en février 2012 (Pierre Haski/Rue89)

 

Le caricaturiste tunisien anonyme _Z_ s’exprime depuis 2007 au moyen de son blog DebaTunisie.com. Ses dessins, qui déplaisaient à l’autocrate déchu Zine el-Abidine Ben Ali, ne font pas plus le bonheur des islamistes de Tunisie.

_Z_ dit qu’il n’y a que deux lignes rouges qu’il ne traverse jamais : « La diffamation et le racisme. » Pour lui, la religion ne devrait pas être un tabou, ce que des internautes ont trouvé provocateur : ils ont dénoncé sa page Facebook à propos de caricatures qu’ils estimaient insultantes pour l’islam.

Le 7 août, _Z_ écrivait :

« En réponse à leurs protestations les robots de Zuckerberg m’interdisent durant 30 jours de publier sur mon profil. [...] La guerre contre les “bonnes mœurs”, la morale religieuse, la bigoterie, doit être absolue. En ce qui me concerne, il est évident que je serai bientôt hors-la loi à partir du moment [où] la constituante validera la loi sur l’atteinte au sacré. »

Global Voices, partenaire de Rue89, s’est entretenu avec _Z_ par courriel, à propos de ces dessins, de l’anonymat, de la religion et de la liberté d’expression en Tunisie.

Global Voices : Quand et pourquoi avez-vous décidé d’utiliser la blogosphère pour publier vos dessins ?

_Z_ : J’ai lancé mon blog le 28 août 2007. Dès le départ, il était évident pour moi que ma cible serait le régime de Ben Ali. Au début, je n’écrivais que des textes. Puis j’ai eu l’idée d’accompagner mes écrits par des dessins. Ce qui a conféré sa singularité à mon blog, et a attiré une plus large audience.

Même si l’adage « une image vaut mieux qu’un long discours » reste vrai, l’important pour moi était d’abord l’écriture, parce que mon action était avant tout politique et intellectuelle, ce que la caricature seule ne peut pas assurer.

Vous êtes connu sous le pseudonyme _Z_. Près de dix-neuf mois après la chute du régime Ben Ali, vous préférez toujours dissimuler votre identité. Pourquoi ?

Ma position envers l’ancien régime Ben Ali nécessitait la plus grande vigilance de ma part concernant mon identité. Il fallait absolument que je me protège pour éviter les représailles.

La dictature est tombée il y a dix-neuf mois, et à ce jour pas une seule enquête sérieuse n’a été menée sur le contrôle du Web [sous le régime Ben Ali, ndlr]. Cette machine, que nous appelions « Ammar 404 », utilisée pour répandre l’horreur sur le Net tunisien (censure, arrestations, menaces…), pourrait être toujours en place, attendant un signe pour être réactivée.

Pour moi, rien n’a donc vraiment changé malgré les apparences et voilà pourquoi je garde mon anonymat.


Dessin publié à l’occasion des élections présidentielle et législatives de 2009 en Tunisie (_Z_)

 

Personne n’a jamais osé moquer Ben Ali et son régime comme vous. L’ancien régime n’a pas réussi à dévoiler votre véritable identité. Comment arrivez-vous à protéger votre anonymat ? Avez-vous des conseils pour des cyberdissidents qui souhaitent cacher leur identité ?

Pour se protéger, il leur suffit de séparer leur vie de dissident de leur vie quotidienne. D’utiliser des e-mails et des proxys. Mais le plus important, garder une discrétion extrême et éviter d’en parler même au cercle le plus rapproché. Enfreindre cette règle a souvent permis l’arrestation de cyberdissidents, et ce fut le cas pour Zouhaier Yahyaoui [le premier cyberdissident de Tunisie à être condamné et emprisonné, ndlr].

Pour vous, il n’y a pas de ligne rouge. Avec l’arrivée au pouvoir des islamistes, vous vous êtes mis, non seulement à les critiquer, mais aussi à dessiner des symboles religieux islamiques (Dieu, prophètes…). Ce qui a provoqué les islamistes qui ont dénoncé votre page Facebook DebaTunisie. La provocation peut-elle aider à briser les tabous ?

Je considère la diffamation et les injures racistes comme les seules lignes rouges. A part cela, il n’y a rien qui puisse justifier aucune sorte de censure.

Même si je suis conscient que je peux en froisser certains, je suis convaincu qu’il faut placer la suprématie de la liberté au-dessus de la sacralité religieuse (même si elle représente la majorité) et faire nôtre le célèbre adage :

« Je désapprouve ce que vous dites, mais je défendrai jusqu’à la mort votre droit de le dire. »

Pour moi, la démocratie ce n’est pas se conformer à la pensée dominante (ce qui mène à la dictature de la majorité), mais plutôt la possibilité d’exprimer publiquement toute idée, qu’elle se rapporte à une minorité ou qu’elle dérange, tant qu’elle n’est pas diffamatoire ou raciste.

Pour moi il s’agit de liberté de conscience (article 5 de la Constitution) qui relativise la notion du sacré. Ainsi, le blasphème n’existe qu’à l’intérieur d’un système religieux, mais pas d’un système qui tolère la liberté de conscience.

Bien que l’article 5 existe toujours aujourd’hui, dans la pratique il est ignoré. On a engagé une procédure judiciaire contre Nessma TV pour la diffusion d’une animation représentant Dieu [ « Persépolis », ndlr].

On a condamné un internaute à sept ans et demi de prison pour la publication de caricatures blasphématoires.

Il est ainsi très clair que dans la pratique, le tabou religieux passe avant la liberté de conscience, et donc avant toutes les libertés.


Une femme écrit « liberté, justice et dignité » sur le sol. Elle est entourée par la profession de foi de l’islam sous la forme d’un mur de béton. Dans ce dessin publié le 10 juin, _Z_ critique le projet finalisé du préambule de la nouvelle Constitution qui, dit-il, « pue l’obsession identitaire ». (_Z_)

 

Le parti islamiste Ennahdha a récemment proposé un projet de loi anti-blasphème. Etes-vous inquiet, au cas où l’Assemblée constituante l’approuverait, que vos caricatures soient bientôt censurées ?

Après la naissance d’une révolution au nom de la liberté, nous n’avons absolument pas le droit de dessiner la carte de nos libertés en termes de tabous et d’interdits religieux.

C’est comme de commencer par les grilles en faisant le plan d’un jardin.

C’est ce que font les Islamistes, et c’est pourquoi je suis contre leurs politiques. Je continuerai à jouer la carte de la provocation même si cela déplaît à une grande partie de mon public, ou si cela va faire de moi un hors-la-loi, car il y a certes un risque que l’Assemblée vote cette loi contre-révolutionnaire.

La chute du régime Ben Ali a révélé des caricaturistes tunisiens doués. Que pensez-vous de ces nouveaux ?

C’est évident et heureux. Pourtant, beaucoup envient mon anonymat. Ce n’est pas bon signe, car cela montre le retour de la peur et de la censure.

Malgré tout, je dois reconnaître que nous jouissons encore d’une atmosphère de liberté sans commune mesure avec ce que nous vivions sous le régime de Ben Ali.

 

MERCI RIVERAINS ! Pierrestrato
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26 août 2012 7 26 /08 /août /2012 14:53

 

Dimanche 26 Août 2012 à 14:24

 

Régis Soubrouillard
Journaliste à Marianne, plus particulièrement chargé des questions internationales En savoir plus sur cet auteur

 

Depuis plusieurs semaines, en Tunisie, les débordements et affrontements provoqués parles mouvements salafistes ne cessent de se multiplier. Dans le même temps des émissions satiriques sont censurées et des artistes empêchées de se produire. un climat de terreur qui fait craindre une complicité entre le gouvernement, les islamistes au pouvoir, et les salafistes.

 

Un rassemblement du mouvement salafiste tunisien Ansal Al Sharia en mai 2012 (HAMMI/SIPA)
Un rassemblement du mouvement salafiste tunisien Ansal Al Sharia en mai 2012 (HAMMI/SIPA)
« Les salafistes font la police à Sidi Bouzid » ; « Des salafistes maltraitent l’imam de la mosquée Errahma à la Cité El-Khadhra » ; « Ennahdha au cœur des violences, mercredi soir, à El-Hancha » ; « affrontements entre salafistes et chiites dans la ville de Gabès » ; « un élu français agressé par des salafistes à Bizerte » ; mais aussi des émissions de télévision satiriques arrêtées, des artistes empêchées de se produire sur scène, des festivals annulés sous la menace des salafistes.

Depuis quelques jours, les titres de la presse tunisienne en disent long sur le climat de terreur que font régner les islamistes dans le pays.
D’après le site Maghreb Intelligence, plusieurs sections locales d’Ennahada dans le centre et le sud-est du pays
 « sont aujourd’hui les otages d’activistes salafistes qui disposent d’argent en provenance des pays du Golfe et comptent sur l’appui de généreux donateurs parmi la diaspora tunisienne en Europe ».

Peu nombreux mais très actifs, les salafistes, pratiquent une politique de « bousculade par événement  afin de maintenir sous pression, à la fois Ennahda et le gouvernement de Jebbali ».  « Bousculade par événement » comme à Sidi Bouzid dans la nuit de mercredi à jeudi où des centaines de militants salafistes ont attaqué un quartier de cette ville, berceau de la révolution de 2011. 

« Selon les habitants de la cité, le conflit avec les salafistes a débuté lundi soir lorsque ces derniers auraient tenté d'enlever un homme ivre afin de le punir selon les règles de la charia. En réaction, des jeunes de la cité ont passé à tabac mercredi trois partisans de cette mouvance religieuse sunnite fondamentaliste, qui aurait alors réuni des centaines de ses partisans pour attaquer le quartier jeudi à l'aube ». La police n’est pas intervenue, officiellement pour ne pas envenimer la situation. Même inertie des forces de l’ordre au moment de l’agression dont a été victime Jamel Gharbi, élu régional de la Sarthe.  Les salafistes font la loi ?

Une complicité objective entre Ennahda et les salafistes ?

Reçu en France avec les honneurs en juillet 2012, le président Marzouki qui s’était exprimé devant les députés tentant de rassurer sur les relations de son parti de centre gauche avec Ennahda, n’a pas pris le risque de condamner toutes ces violences. A sa décharge, le président tunisien revenait tout juste du 4ème sommet islamique extraordinaire qui se tenait en Arabie Saoudite, un royaume véritable banque du développement salafiste.

De son côté, le ministère de l’Intérieur tunisien se borne à évoquer une « mauvaise appréciation de la situation » concernant les événements survenus à Bizerte.

L'apathie des autorités fait naître de nombreuses inquiétudes et certains soupçonnent de complicité les islamistes du parti au pouvoir, Ennahda. « On laisse faire les salafistes », estime la dramaturge Leïla Toubel.
« Ce qui est grave dans cette affaire, en plus de l'activisme des extrémistes religieux qui prend chaque jour plus d'ampleur, c'est le laxisme des autorités qui capitulent à chaque fois devant les diktats de quelques énergumènes barbus », estime le journal en ligne Kapitalis, très critique du pouvoir, au moment de l'annulation d'un concert.

Alors que jusqu'ici le phénomène salafiste, largement sous-estimé, apparraissait comme rejeté par les autorités de l'état et le parti Ennahda, il apparaît difficile aujourd'hui de ne pas suspecter une forme de complicité objective entre le parti Ennahda dont le but est d’imposer une vision conservatrice de l’islam par la voie démocratique et les salafistes qui refusent le jeu politique. Avec en point de mire, l'objectif d'une islamisation profonde de la société tunisienne.
 
Selon un ancien ambassadeur tunisien à Rabat, « les salafistes savent que, du point de vue électoral, ils ne pèsent pas beaucoup, mais qu’Ennahda a besoin d’eux pour remporter les prochaines échéances électorales. Alors, ils font tout pour maintenir un climat de tension peu propice au vote et en même temps poussent le gouvernement à épouser une partie de leurs desiderata ».

 

 

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15 août 2012 3 15 /08 /août /2012 14:10

 

Le Monde.fr | 15.08.2012 à 10h51

 

 


Environ deux mille opposants au gouvernement ont défilé dans les rues de Sidi Bouzid, mardi 14 août 2012. Ils manifestaient à l'occasion d'une grève générale en opposition au gouvernement, dominé par les islamistes. Située dans le centre du pays, Sidi Bouzid est considérée comme le berceau de la révolution de 2011 ayant amené à la chute du président Zine El Abidine Ben Ali.

Images : AFP TV - mardi 14 août 2012
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7 juin 2012 4 07 /06 /juin /2012 11:51

 

 

Le journaliste tunisien Ramzi Bettaieb, contributeur du site d'information Nawaat sous le pseudonyme Winston Smith, a entamé une grève de la faim le 28 mai dernier pour protester contre la confiscation de ses caméras par la police militaire, lors des plaidoiries du procès des martyrs de Thala et Kasserine devant un tribunal militaire. Début juin, plusieurs blogueurs et journalistes tunisiens l’ont rejoint dans sa lutte pour une information libre et transparente en Tunisie. Voici leur appel.


   
 
Nous n'avons pas demandé à ériger les potences ... 
Nous n'avons pas demandé des boucs émissaires ... 
Nous n'avons pas demandé des procès politiques ... 
Tout ce que nous avons demandé, et continuons de le faire : c'est une justice qui marche, qui donne son droit à l'opprimé et qui punit les criminels ... 

Depuis quelques mois, la Tunisie vit les procès les plus importants et les plus insolites de son histoire moderne.  
 
Importants, vu les espoirs qui ont y ont été placés pour tourner une page sombre de l'histoire tunisienne, marquée par la tyrannie, l'injustice et la dictature. 
 
Insolites car ils se déroulent dans l'opacité, à la fois loin du regard du peuple qui les a provoqués, et qui les a longtemps attendus, et loin des objectifs de la révolution.
 
Ils nous ont dit que nous n'avions pas le droit de filmer plus de 3 minutes. Comment cette étape cruciale de l'histoire de la Tunisie peut-elle se résumer en seulement 3 minutes, alors que l'enjeu est le destin de tout un pays? 
 
Outre cette interdiction d'archiver cette étape historique, quelques mois après que la justice militaire s'est saisie des procès des martyrs de la révolution, les observateurs et les avocats des familles des victimes ont relevé plusieurs violations:
  - le refus de la demande de la saisie des registres des munitions et des armes alors que ce sont des documents qui sont issus de l'imprimerie officielle de la sécurité nationale 
- le refus de la demande de l'exploitation de la base de données de Tunisie Télécom pour obtenir un relevé des appels émis et reçus avec les téléphones portables des officiers de l'appareil sécuritaire et l'affirmation que ces données ont été détruites. 
- les assises qui se déroulent à huis clos et la présence des accusés suite à leur convocation sans qu'ils soient entendus par la suite
- des accusés laissés en liberté et maintenus dans les postes influents qu'ils occupent, ce qui leur permet de détruite les preuves des crimes commis et d'exercer des pressions sur les témoins
- le procureur militaire est sous la tutelle du ministère de la défense selon le code des procédures pénales militaires tunisien, ce qui remet en cause l'indépendance des tribunaux martiaux parce qu'ils constituent une forme de tribunaux d'exception qui ne vérifient pas les critères d'un procès juste. 
 
Dans une situation caractérisée aussi par l'accumulation d'éléments et de preuves qui montrent l'implication de certaines divisions de l'armée dans la répression des manifestants pendant la révolution, l'équipe Nawaat annonce que ses deux journalistes, Ramzi Bettibi et Houssem Hajlaoui, ont entamé une grève de la faim ouverte depuis lundi 28 mai 2012 pour : 
- protester contre la privation des journalistes de leur droit à couvrir intégralement ces procès historiques  
- appeler au retrait de ces procès de la justice militaire qui a prouvé qu'elle était une justice d'exception, non indépendante et défaillante. 
- appeler à la formation d'un organe judiciaire spécial, spécialisé et indépendant à qui on confie les procès des martyrs et des blessés de la révolution ainsi que les procès de corruption financière sous le règne de Ben Ali. 
 
D'autres part, le mercredi 30 mai, le journaliste Ramzi Bettibi a adressé une lettre à l'Assemblée Nationale Constituante y expliquant les raisons et les revendications de son action. Cette lettre a été lue pendant la séance plénière et a suscité des réactions positives de la part de la majorité des députés. 
 
En nous soutenant, et en accueillant les grévistes, Nawaat ne vise pas à évaluer intégralement l'institution militaire. Notre motivation et cele de Nawaat pour l'intérêt suprême du pays nous pousse à montrer ses défaillances. Dans ce cadre, nous rappelons que nous étions parmi les premiers à saluer le rôle majeur de plusieurs officiers de l'armée opérant sur le terrain et qui ont participé au succès de la révolution.

Azyz Ammami, Yassine Ayari, Emine Mtiraoui et Imen Ben Gozzi, grévistes de la faim.

 


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3 mai 2012 4 03 /05 /mai /2012 13:58
Rue89 - Tribune des droits humains 03/05/2012 à 12h04
Tribune des droits humains"
Fethi Djebali | Journaliste
Le patron de la chaîne Nessma jugé pour « atteinte au sacré » après la diffusion l’an dernier du film franco-iranien « Persepolis » a été condamné ce jeudi par un tribunal tunisien au paiement d’une amende de 2 400 dinars (1 200 euros). Un jugement qui intervient alors que la situation des journalistes ne s’est guère améliorée dans la Tunisie post-Ben Ali.

 


La représentation d’Allah dans « Persepolis »

 

(De Tunis) « Libres jusqu’à quand ? » Le slogan de Reporters sans frontières, qui a ouvert un bureau à Tunis en octobre 2011, s’avère plus que jamais d’actualité. La situation des journalistes, à peine libérés du joug de la dictature, ne s’est jamais vraiment améliorée.

Selon leur syndicat national (SNJT), on dénombre une agression par semaine. « Il y a eu une tentative de musellement systématique des journalistes par tous les gouvernements qui se sont succédé depuis la révolution », déplore sa présidente Najiba Hamrouni.

Nasreddine Ben Saida, directeur du quotidien Ettounissia, à qui une photo dénudée publiée en une a valu un mois de prison, regrette « une escalade indigne de la révolution et jamais vue même sous la dictature ».

Constat amer alors que l’Unesco célèbre ce jeudi la Journée mondiale de la liberté de presse en Tunisie, posant ce droit comme condition essentielle du développement.

Nouveaux prédateurs

Selon Aymen Rezgui, journaliste à la chaîne privée Al Hiwar (« Le Dialogue ») :

« La réconciliation peine à s’opérer entre les journalistes et les hommes politiques, et entre les journalistes et les forces de l’ordre. »

Le 9 avril dernier, quatorze journalistes ont été pris à partie par des policiers alors qu’ils couvraient la manifestation de la Journée des martyrs. Le 24 avril, des islamistes en sit-in devant les locaux de la télévision nationale s’en sont pris à ses journalistes et ont fait deux blessés.

« Mais sous Ben Ali, il n’y avait qu’un seul ennemi, alors qu’aujourd’hui ils sont multiples », regrette Aymen Rezgui.

Parmi les nouveaux prédateurs figurent aussi les hommes d’affaires qui, profitant de la libéralisation du secteur de l’information, se sont accaparés des médias.

Mahmoud Dhawwadi, directeur du Centre de Tunis pour la liberté de la presse, constate :

« Le capital est en train de mettre la main sur les médias par des portes dérobées, menaçant gravement l’indépendance des journalistes. »

La fragilité financière des publications nées de la révolution les transforme en proies faciles pour des affairistes à la recherche de « bras médiatiques ».

« La dictature a laissé un lourd fardeau »

Mais si les journalistes ne vont pas bien, le journalisme ne va pas mieux non plus. Plagiat récurrent, articles non sourcés et calomnies en tout genre sont une gangrène quotidienne.

« La dictature a laissé un lourd fardeau d’absence de professionnalisme. C’est un legs qui nécessite du temps pour s’en débarrasser », remarque Sabah Mahmoudi, professeur à l’Institut de presse de Tunis.

Selon Zied Krichen, rédacteur en chef du Maghreb, reconnu comme la seule publication de qualité issue de la révolution, « le principal acquis aujourd’hui est la liberté de ton. Mais les journalistes doivent se défaire des vieux réflexes, et les hommes politiques accepter le jeu démocratique. »

Zied Krichen, qui a fait l’objet d’une agression physique par des salafistes, estime que, sous un gouvernement à dominante islamiste, cela risque d’être un « vœu pieux ».

 

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21 avril 2012 6 21 /04 /avril /2012 16:59

 

 

 

Le Monde.fr avec AFP | 20.04.2012 à 16h07 • Mis à jour le 20.04.2012 à 17h33

 
 
Nabil Karoui, directeur de la chaîne privée tunisienne Nessma TV, encourt jusqu'à trois ans de prison pour avoir diffusé le film "Persepolis", qui comporte une représentation d'Allah.

 

Le procès du directeur de la chaîne privée Nessma TV, Nabil Karoui, a repris jeudi 19 avril à Tunis, dans un climat très tendu. Après avoir diffusé sur sa chaîne, en octobre 2011, le film d'animation franco-iranien Persepolis doublé en dialecte tunisien, Nabil Karoui est aujourd'hui jugé pour "atteinte aux valeurs du sacré". L'affaire, qui avait déjà déchaîné les passions l'année dernière, mobilise devant le tribunal de Tunis défenseurs de la liberté et partisans de l'islam.

Cette histoire intervient dans le même contexte que la récente condamnation de deux Tunisiens à sept ans et demi de prison pour avoir publié sur Facebook des caricatures de Mahomet. Une peine sans précédent dans les affaires d'atteinte à la morale et au sacré, qui se multiplient en Tunisie depuis la révolution et l'arrivée au pouvoir des islamistes.

 

UN "VAUDEVILLE À LA TUNISIENNE"

Il s'agit du "quatrième acte" de ce "vaudeville à la tunisienne", comme le qualifie le quotidien tunisien Le Temps. Après les émeutes qui ont éclaté en octobre 2011, juste après la diffusion du film, devant les locaux de Nessma TV et devant la maison de son directeur, le procès a été reporté deux fois, en novembre et en janvier.

En l'attente du verdict, prévu pour le 3 mai, des dizaines de salafistes se sont réunis devant le tribunal, certains arborant des drapeaux noirs avec des versets islamiques et des pancartes appelant à l'exécution du directeur de la chaîne de télévision. Devant la salle n° 10 du tribunal de première instance de Tunis, de nombreux journalistes et hommes politiques sont, majoritairement, venus adresser leur soutien à Nabil Karoui, d'après La Presse de Tunisie, journal francophone le plus consulté de Tunisie.

Plus de cent quarante avocats ont porté plainte contre Nabil Karoui et deux de ses collaborateurs, qui encourent une peine de trois ans de prison. Ces avocats se dressent comme les défenseurs de l'intégrité de la divinité car, comme l'a déclaré Me Laâbidi lors de l'audience, "la représentation de la divinité est blasphématoire en elle-même, car Dieu ne doit en aucun cas être représenté".

L'origine du litige est en effet une scène en particulier du film Persepolis, qui décrit le régime iranien de Khomeiny à travers les yeux d'une fillette parlant à Dieu personnifié, la représentation d'Allah étant proscrite par l'islam. Pourtant, comme le précise Me Chokri Belaïd, avocat de la défense et leader du Mouvement des patriotes démocrates (Watad), "le film a été déjà projeté dans [les] salles de cinéma [tunisiennes] avec un visa officiel de la commission de vérification", sans que cela pose de problème au parquet. Pour lui, "ce procès est politisé et marquera l'histoire de la justice tunisienne. On veut faire de la Tunisie un nouvel Afghanistan en imposant le retour de la répression idéologique et politique".


UNE "RÉGRESSION DES LIBERTÉS"

Au cœur du débat, c'est donc bien la question d'une éventuelle régression des libertés après la révolte du 14 janvier qui agite les milieux politique et intellectuel tunisiens. Dès janvier, le parti islamiste Ennahda, première force politique en Tunisie, a exprimé "son attachement à la liberté d'expression en tant que droit indivisible des droits de l'homme" et estimé que les poursuites judiciaires à l'encontre du patron de Nessma TV dans le cadre de l'affaire Persepolis "n'étaient pas la meilleure solution".

Pour l'avocate Kahena Abbes, qui publie une tribune dans La Presse de Tunisie, il s'agit bien d'une "régression des libertés". Pour elle, les manifestants extrémistes qui se sont attaqués à Nabil Karoui "exprimaient la volonté de limiter toute liberté et de la soumettre aux symboles sacrés, aux exigences identitaires et à une certaine lecture religieuse, afin d'instituer une nouvelle censure". Elle ajoute que "le problème est donc d'ordre politique, puisque ces revendications émanaient du courant salafiste, et ont eu lieu quelques jours avant les élections de la Constituante et visaient en premier lieu à réduire non seulement la liberté d'expression dans le domaine artistique, mais celle du culte, et d'anéantir tout droit à la différence et tout individualisme".

Dans un communiqué publié jeudi sur son site, Amnesty International souligne que ce procès "met en lumière les attaques contre la liberté d'expression en Tunisie". Un constat qui vient renforcer l'avertissement lancé par Reporter sans frontières en janvier sur les "menaces qui planent sur la liberté d'information" et qui "n'ont cessé d'évoluer depuis la chute de Ben Ali". "Alors que nous comptons sur le gouvernement tunisien pour qu'il donne l'exemple et consacre le plein respect des droits humains dans la nouvelle Constitution du pays, il est troublant de voir que ce procès se poursuit", a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d'Amnesty International dans un communiqué. Avant d'ajouter : "Ces pratiques rappellent les violations commises par le gouvernement Ben Ali renversé et doivent cesser."

 


 

 

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10 avril 2012 2 10 /04 /avril /2012 19:08

Le Monde.fr | 10.04.2012 à 17h23 • Mis à jour le 10.04.2012 à 19h04

 
Des milliers de personnes ont manifesté lundi 9 avril sur la grande artère de Tunis, l'avenue Habib-Bourguiba

Un "lundi noir", "sanglant". Au lendemain des affrontements qui ont opposé forces de l'ordre et manifestants dans le centre-ville de Tunis, le Web tunisien regorge de témoignages dénonçant la répression "démesurée et d'une férocité inouïe" qui s'est abattue sur les protestataires.

Lire : Scènes de violence dans une manifestation interdite à Tunis

Nadia Chaabane, représentante du Pôle démocratique moderniste à l'Assemblée constituante, faisait partie d'un des cortèges. Elle défilait sur l'avenue Mohamed V quand "des policiers et des civils munis de matraques se sont jetés sur la foule et ont commencé à passer à tabac systématiquement tous ceux et toutes celles qui croisaient leurs matraques. (...) J'avais l'impression d'être dans un Etat en guerre, des dizaines de bombes lacrymogènes jonchaient le sol, des femmes en sanglots, du sang, des hurlements... une scène cauchemardesque", raconte-t-elle sur son blog.

 

Tenues par un décret du ministère de l'intérieur d'empêcher les marcheurs d'accéder à l'avenue Habib Bourguiba, les forces de l'ordre ont poursuivi les protestataires jusque dans les rues attenantes. Plusieurs internautes disent avoir été "chassés" et agressés aux alentours de l'artère emblématique de la révolution tunisienne. "Ce qui devait être une manifestation pacifique s'est transformée en une véritable chasse à l'homme", rapporte @Selim, un blogueur tunisien, sur son site, Carpe Diem.

Les insultes et les coups n'ont pas épargné les journalistes locaux et étrangers présents sur place. Prise à partie et frappée alors qu'elle photographiait la manifestation, la correspondante du Point, Julie Schneider, raconte sur le site Internet de l'hebdomadaire n'avoir été relâchée par les policiers qu'après l'intervention d'un militant d'Ennahda, "rencontré à plusieurs reprises lors de meetings ou au siège du parti".

Dénonçant un "degré de violence inacceptable", le président Moncef Marzouki a autant mis en cause les manifestants qui ont bravé l'interdiction de défiler sur l'avenue Bourguiba que les forces de l'ordre qui les ont brutalement dispersés. Il a affirmé à la télévision que "la police avait saisi une voiture contenant des cocktails Molotov". "Ce sont des mensonges, assure une participante, Fairouz Boudali, sur le site Nawaa. Il n'y avait aucun perturbateur parmi nous."

"Deux jours plus tôt, le 7 avril, un traitement similaire avait été réservé aux jeunes diplômés chômeurs. Ce n'était là, apparemment, qu'une mise en train, une sorte de répétition générale avant la grande et massive entrée en scène (de lundi)", observe Mohamed Ridha Bouguerra dans un article intitulé "On achève bien les révolutions" et publié sur le site Kapitalis.

Comme de nombreux commentateurs, l'universitaire accuse le parti islamiste au pouvoir de vouloir instaurer "une nouvelle dictature" sur les ruines de la révolution. Mais "à un 14 janvier pourra bien succéder un autre 14 janvier et cette fois le perdant ne se nommera pas RCD [le parti du président déchu] mais bien Ennahda !", met en garde Mohamed

Ridha Bouguerra.

 

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9 avril 2012 1 09 /04 /avril /2012 16:27

Le Monde.fr avec Reuters | 09.04.2012 à 08h13 • Mis à jour le 09.04.2012 à 10h44

 
 

 

Le groupe, qui se réclame du collectif Anonymous, a publié au total 2 725 e-mails de membres du parti Ennahda.

 

2 725 courriers électroniques envoyés par des membres d'Ennahda, le parti islamiste qui contrôle l'Assemblée constituante en Tunisie, ont été publiés entre le samedi 7 et le dimanche 8 avril, par un mouvement se réclamant du collectif Anonymous. Parmi les e-mails dévoilés, certains sont signés du premier ministre tunisien, Hamadi Jebali.

Dans une vidéo, postée sur une page Facebook appartenant au mouvement Anonymous TN, un activiste explique que leur initiative a été prise pour dénoncer l'incapacité du gouvernement à assurer la sécurité des chômeurs diplômés et des artistes agressés récemment par des militants salafistes lors d'une manifestation.

"RESTEZ À LA HAUTEUR DE VOS COMPÉTENCES"

"En signe de protestation contre ce qui se passe ces dernières semaines en Tunisie [...], nous avons donc décidé de publier les documents confidentiels d'Ennahda, comprenant les adresses e-mails personnelles, numéros de téléphones, transactions bancaires, ainsi que quelques factures payées lors de la campagne électorale", détaille le militant sur l'enregistrement vidéo.

"Gouvernement tunisien, nous avons gardé une très grande partie de vos données secrètes. Si vous ne voulez pas les voir publiées sur Internet, nous vous demandons de rester à la hauteur de vos compétences, d'éviter la censure sur Internet et de respecter les droits de l'homme ainsi que la liberté d'expression en Tunisie", poursuit-il.

Lire notre reportage : "La tentation radicale des salafistes tunisiens"

L'authenticité des courriers publiés n'a pas pu être vérifiée et on ignore à quel moment ils auraient été piratés. Refusant d'évoquer leur contenu, les autorités ont fait savoir qu'ils semblaient être anciens. La vidéo aurait quant à elle été mise en ligne samedi. Le porte-parole d'Ennahda, Nejib Gharbi, a assuré que "quelques-uns des mails sont véritables, mais la plupart des données ont été truquées".

Des groupes de pirates se réclamant d'Anonymous ont récemment lancé des actions similaires contre les sites Web d'Ennahda, du parti islamiste conservateur Hizb Ut-Tahrir - qui reste encore non reconnu en Tunisie - et le ministère de la justice. Un des membres avait alors menacé de publier les archives secrètes d'Ennahda, si le parti ne remplissait pas ses promesses électorales et n'atteignait pas les objectifs de la révolution, rappelle MSNBC.

 

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24 mars 2012 6 24 /03 /mars /2012 22:00
Publié le 24/03/2012 à 03h19

Petit matin à Ghar el Melh (Thierry Brésillon)

 

La Tunisie paie cher d'avoir crevé l'écran de cartes postales derrière lequel le peuple s'enlisait dans le mensonge et la suspicion, la misère et la médiocrité. Comme elle paie cher cette révolution sans projet, sans repères.

Il lui faut assumer sans thérapeute un gigantesque retour du refoulé, affronter les démons enfermés et les débats interdits. L'économie sinistrée, les sit-ins des intérimaires exploités et des chômeurs sans perspective, la surenchère identitaire et religieuse, la réémergence du jihadisme…

L'air est saturé de désillusion, de peur et, il faut bien le dire, de haines réciproques. Le moindre incident est surinvesti de passions, comme dans l'affaire du drapeau de la Manouba. De petits entrepreneurs identitaires en mal d'audience s'invitent pour hypnotiser une société déboussolée. Des signaux indéchiffrables, comme cette étoile de David peinte dans une mosquée de Tunis, le Coran profané à Ben Guerdane, ou l'assassinat d'un imam tablighi, laissent deviner des manœuvres occultes…

On perçoit comme les grondements sourds d'un iceberg prêt à se fendre, d'un volcan prêt à exploser. Douleurs de l'enfantement ? Recherche laborieuse d'un nouveau consensus ? Ou bien lent glissement vers une déchirure ? Jusqu'ici, tout va bien… mais est-ce l'envol ou la chute ?

Direction Ghar el Melh

A contre-courant du flot des nouvelles affligeantes et des polémiques stériles, il me prend l'envie d'écrire sur la douceur de vivre que peut encore offrir la Tunisie. Je ne parle pas des effluves sirupeux du tourisme de jasmin que l'industrie hôtelière a vendus à prix discount à des touristes pressés, pas des thés à la menthe versés au bord d'une piscine par un serveur déguisé. Je veux parler de ces moments de plénitude qu'il faut arracher au désordre organisé grâce auquel le pays fonctionne tant bien que mal.

Après deux semaines enfermé dans un bunker, un bol d'air marin s'imposait : objectif Ghar el Melh (le grotte du sel), un petit village de pêcheurs à une heure de Tunis.

Se rendre à 6 heures du matin à la station de « louage » (les taxis collectifs) de Bab Saadoun et interroger les chauffeurs sur le prochain départ.

« Ghar el Melh ? Non pas de taxi pour y aller. Il faut en prendre un en direction de Ras Jebel et descendre avant. »


Sur la route... (Thierry Brésillon)

 

A 7 heures du matin, se laisser déposer à un embranchement en pleine nature dans l'attente d'un autre taxi.

Et finalement avancer, doublé par les les vélomoteurs et les charrettes tirées par les mules, guidé par un autochtone plutôt taciturne de prime abord et finalement loquace, avant de trouver enfin le taxi pour finir le trajet.

On se dit que le hasard, le meilleur ami du voyageur, semble de notre côté.

Instant de grâce

 


Ghar el Melh (Thierry Brésillon)

 

Première récompense de la journée : découvrir la petite anse du vieux port, protégé par une jetée ottomane, baigné de la lumière du soleil levant. Au mouillage, de petites barques de pêche multicolores.

Le café sur le quai ouvre tout juste ses portes. S'installer face à la mer pour regarder les bateaux de pêche entrer et sortir. Juste à côté, un groupe de jeunes musiciens entame une impro de blues avec guitares et harmonica… Instant de grâce à siroter.

 


L'artilleur... (Thierry Brésillon)

 

Un vieux vendeur de cornichons marinés, une belle gueule burinée, me donne un cours d'artillerie et se proclame « enfant de la France ». Charme douteux de la nostalgie coloniale !

« Les Tunisiens sont des voleurs ! Ils m'ont pris ma terre. »

Un Tunisois de passage corrige :

« Rien n'appartient aux gens d'ici. Ils ont exploité les surfaces gagnées sur la mer sans titre foncier. »

Sous les arcades, un mécanicien dans un fauteuil club veille sur un atelier de maintenance pour les bateaux au milieu d'un fatras de ferrailleur. Moteur rouge et porte bleue. Des familles s'offrent un petit tour en bateau...

Poissons grillés chez Saddour

L'heure passe, le soleil monte, l'appétit vient. Un ami m'a parlé d'un petit restaurant en direction de la plage. A 6 ou 7 kilomètres. Une bonne heure de marche donc. Parions encore sur la chance qui semble sourire ce matin. Il ne faut pas plus de 10 minutes de marche avant qu'une conductrice nous propose de nous déposer.

 


Table avec vue... (Thierry Brésillon)

 

Le long de la route, une petite terrasse sur pilotis face à la mer, vide, avec vue sur le port de l'autre côté de la baie. Le serveur est jovial et son plateau de poissons à l'œil vif et à l'écaille brillante, sent le frais. Sous les parasols, presque les pieds dans l'eau, une daurade, une sole, un loup et un rouget grillés, autant dire un repas de roi. Notez sur votre carnet de voyage : Chez Saddour.

On me pardonnera, j'espère, cette parenthèse d'insouciance. De zapper la énième manif qui va sauver la démocratie, les énième meeting pour demander l'inscription de la Charia dans la Constitution. D'oublier toutes les ignominies commises au nom de Dieu. De savourer la douceur de vivre au bord du précipice.

La Tunisie de l'intérieur n'est pas aménagée pour les touristes, canalisés jusqu'alors dans les circuits balisés du all inclusive. Hors des sentiers battus, c'est un pays rugueux et introverti. Inquiet et miné par des années de flicage mutuel. Mais pour les voyageurs que ne rebutent pas les incertitudes des transports, quelques baratineurs un peu trop indiscrets, c'est un pays offert, où la providence pourvoit à l'aléa bien mieux que n'importe quel tour operator. Et qui réserve de belles pépites aux curieux.*

* Cet article n'a pas été subventionné par l'ATCE !

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4 février 2012 6 04 /02 /février /2012 17:32
Publié le 04/02/2012 à 04h17

Le Ministère de l'Intérieur à Tunis (Thierry Brésillon)

 

La police tunisienne fait tout pour démontrer qu'elle n'a été que l'instrument d'une dictature, à son corps défendant. Il est vrai que les agents étaient maintenus dans un état de frustration permanente, au nom d'une technique de management cynique, mais efficace  : traiter les policiers comme des chiens affamés pour les rendre plus agressifs.

Depuis le changement de régime, leurs salaires ont été revalorisés et, au quotidien, les relations avec la population sont devenues nettement plus respectueuses.

Mais certains policiers tunisiens n'ont visiblement pas tiré les enseignements de la révolution, et n'ont pas compris que les méthodes de l'époque Ben Ali n'étaient plus admissibles. Zakaria Bouguerra, étudiant en médecine et jeune blogueur, détenu mardi pendant deux heures au commissariat de Bab Bnet, au centre de Tunis, en fait la douloureuse expérience, relatée par le site Naawat.

L'histoire commence le 13 novembre. L'Espérance sportive de Tunis, l'une des deux équipes de football de la capitale, reçoit celle de Casablanca.

Alors qu'ils attendent à l'aéroport leur vol de retour, quelques supporteurs marocains commencent à s'agiter et détériorent du matériel informatique. La réaction policière est particulièrement brutale et les arrestations, plus que musclées.

Zakaria Bouguerra assiste à la scène  :

« Tout un groupe de policiers (une vingtaine à peu prés) sortent avec d'autres Marocains en sang. […] C'étaient des gamins. Leurs pulls étaient déchirés et certains n'avaient plus de chaussures.

Un des Marocains tombe par terre pensant peut être diminuer la cadence des coups, mais au lieu d'avoir trois policiers sur lui, c'est maintenant une dizaine qui se ruent sur son corps à coups de brodequins sur le dos. »

«  Il veut nous mettre sur Facebook ! »

Il tente alors de filmer ce qu'il voit. Mais un policier en civil l'en empêche  :

« Il arrache mon téléphone et me maîtrise. Il appelle ses amis “Un traître  ! Un traître  !  Il veut nous mettre sur Facebook”. »

Jeté à terre, roué de coups de pieds, il est ensuite conduit au poste de police de l'aéroport.

« La porte s'ouvre. Quatre policiers baraqués me regardent et me disent “C'est toi le Tunisien  ? ” Naïf comme je suis, je leur réponds oui. “Non, toi tu n'es pas Tunisien  !  Toi tu es un traître  ! Toi, tu es un Israélien.” Ils me relèvent et se liguent contre moi.

Un Marocain s'écrie “Non, laissez-le, il a rien fait, il n'était pas avec nous  ! ” D'un coup de botte dans la gueule, un des policiers le fait taire.

Dans l'esprit des policiers, ce ne sont pas leurs méthodes qui les ont décrédibilisés, mais la visibilité que leur ont donnée les réseaux sociaux  :

“Un gros bonhomme s'approche sournoisement de moi. […] Il me dit tout doucement ‘N'aie pas peur, je vais rien te faire. Tu es Tunisien  ? Tu voulais filmer les policiers  ? ’ Je baisse ma garde et je hoche la tête.

Un coup, deux coups, trois coups. Ma tête résonne sous les chocs, je ne sens plus mon visage. Un poing percute ma tête au niveau de la bouche, mes lèvres éclatent dans une éclaboussure de sang. ‘Rabbek, tu veux brûler le pays  ? Les policiers sont devenus des moins que rien à cause de votre Facebook et de votre révolution ! ’”

Dans la suite de son témoignage, il raconte comment un policier écrase la tête d'un supporter marocain en train de vomir de douleur sur la cuvette des toilettes.

Les journaux marocains avaient dénoncé cette brutalité, sans mentionner les actes de vandalisme. Les médias tunisiens en revanche n'avaient pas mentionné le comportement des policiers. Mieux, rapporte Zakaria Bouguerra, les journalistes de la chaîne nationale et de Hannibal TV avaient demandé aux policiers de donner des pulls sans tâches de sang aux jeunes Marocains interpellés avant de les filmer. Les policiers ne sont pas les seuls à conserver les vieilles habitudes.

“C'est moi le citoyen, ton maître”

Le 20 janvier, le jeune avait croisé le policier qu'il avait vu écraser le visage d'un Marocain contre la cuvette des toilettes et qui se trouve être le secrétaire général de la section de l'aéroport du syndicat des policiers aux frontières, Issam Dardouri.

Dans le dialogue qu'il relate dans son blog, il a cette répartie impeccable quand le policier lui demande s'il veut lui apprendre son métier  :

“Oui je vais t'apprendre à travailler ! Car tu es mon serviteur ! Tu travailles pour moi  ! C'est moi le citoyen, ton maître, qui paye tes salaires.”

On ne saurait mieux résumer le sens de la révolution tunisienne.

Promesse

Le 1er février, alors qu'il assiste à une manifestation en faveur de Samir Feriani (un policier au cœur d'un contentieux avec sa hiérarchie), Zakaria Bouguerra est reconnu par Issam Dardouri.

Cette fois, le policier rameute des collègues qui embarquent le jeune homme au poste de police le plus proche en le rouant de coups. L'histoire se termine par la promesse écrite des deux protagonistes de ne plus s'adresser la parole et, pour le jeune blogueur, de ne plus mentionner le nom du policier.

Ce silence imposé ne suffira pas à redonner de la respectabilité à une corporation qui se plaint d'être victime aujourd'hui de violences de la part de délinquants, mais qui peine à faire sa révolution et il faudra plus que l'audace d'un jeune bloggeur pour qu'elle mène à bien sa mutation.

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