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Lundi 12 mars 2012
Jeudi 08 mars 2012 :
On a beau me bouger, j’ai vraiment du mal à me lever. Je me décide enfin, lève ma tête, qui retombe aussitôt. Mon crane est vraiment trop lourd ! La soirée de la veille me revient en tête… ah oui, je comprends que ce soit si dur ! Une bonne partie des marcheurs sont déjà debout, beaucoup repliant leurs affaires. Sans sortir de mon duvet, ni de ma couverture, je range sans trop me lever les affaires autour de moi. Vint enfin la couverture puis le duvet. La tête lourde, je parviens à me lever. A part du thé et deux gâteaux, il n’y a plus grande chose à grignoter. C’est ça d’être une marmotte ! Tout en enchainant les verres de thés, je replace les affaires dispachées autour de mon vélo et les accroche sur celui-ci. J’ai enfin retrouvé l’organisation optimale entre les sacs, la carriole etc ! Tout le monde sort les affaires personnelles ou communes, les amène à la caravane puis nettoie les lieux. La queue se fait devant l’unique pièce WC/lavabo. Je sors mon attelage, et prend enfin le temps de fumer une clope.
Certains marcheurs s’impatientent : ceux-ci cherchent à marcher groupé, mais il est difficile de réunir tout le monde. Les piétons partent enfin, tournent à gauche à la sortie de l’allée, puis reviennent dans le sens contraire, s’étant aperçus qu’ils repartaient vers le sud. Le groupe est d’ailleurs accompagné de trois autres personnes, désirant faire l’étape avec eux. Aujourd’hui, je n’ai pas à transporter le repas de midi, car l’étape ne fait que 12 kilomètres, aussi, elle sera faite sans pause casse-croute. La route n’a vraiment pas l’air intéressante : la totalité du trajet se fait sur la même route que la veille, celle qui longe la nationale 10. Sachant que celle-ci est empruntée par tous camions filant vers l’Espagne, je vous explique pas comme c’est moche ! Bon, les camionneurs sont cool, nous klaxonnent et nous saluent, mais le paysage est peu varié : la grosse route, avec de part et d’autres les interminables champs de pins de la forêt des Landes (qui sont certes très beau), sauf lorsque ceux-ci sont coupés, ce qui fait un oasis de sable dans un désert de verdure. Les voitures partent ensuite : celle avec la caravane devant aller nous attendre à Castets qui est le prochain bourg d’étape, et celle devant aller faire la diffusion dans les prochains lieux (coller des affiches, distribuer des flyers, etc…). Tant qu’à moi, je reste posé devant la salle à présent fermée, à taper mon article sur la journée de la veille. J’allume ensuite mon téléphone, donne quelques coups de fil pour les nouvelles, puis l’éteint. L’expérience du voyage en Italie, de A à Z sans insu-portable, m’a converti au bonheur de vivre sans, ou en tout cas d’être joignable juste quand ça me chante. Je l’allume donc 5 minutes par jour, quand j’y pense.
Petit café au soleil, sur la terrasse d’un restaurant d’ouvriers, avant de repartir. Je grimpe sur mon mini semi-remorque et reprend la route de Castets. La description ci-dessus était en fait bien gentille vis-à-vis de ce qu’étais véritablement cette étape : le summum de l’horreur en paysage est là! Non seulement la nationale et ses poids lourds, non seulement les régiments de pins bien alignés, mais voilà que la nationale est en travaux ! C’est donc tout un décor d’engins à racler, retourner, creuser, abimer et dénaturer la terre que j’ai le bonheur de longer, avec pour accompagner une poussière passant sous jusqu’à sous mes lunettes de vélo pour me faire pleurer les yeux. Les camions doivent être super contents de voir qu’on leur agrandi le passage pour qu’ils puissent venir toujours nombreux ! C’est ça la croissance ! Et ça construit une aire, sans oublier la belle station essence, des ponts, etc… Lorsque je crois enfin être sorti du nuage de poussière, j’apperçois au loin, devant moi, à au moins deux kilomètres, de nombreux gyrophares. Je me demande ce que c’est, jusqu’à les croiser : une quinzaine de gros tracteurs m’envoient tout un tas de graviers et de poussières en me croisant.
Je rejoins les derniers marcheurs à l’entrée de Castets, et la tête de groupe juste avant d’arriver à la caravane. Je croise tout le monde en chantant « Hip Hip Hip Héo », le fameux cris de joie (et non de guerre) de la marche d’Athènes, puis les devance juste devant la caravane. Une table pour le repas de midi est dressée, et une fois tous les marcheurs arrivés, on assiste à un bourdonnement d’affamés autour de celle-ci. Nous nous posons ensuite par terre, à savourer la chaleur d’Apollon (ou Ré, selon la religion). Les commentaires se font sur cette étape vraiment désagréable malgré le peu de kilomètres. Je m’allonge sur le bitume, la tête sur un sac à dos et souffle dans mon harmonica un bon moment. Le groupe se motive ensuite pour bouger au gymnase que la mairie nous a ouvert. Je reste quelques instants supplémentaire, me retrouvant engagé avec un couple affilié Front de Gauche, dans un débat concernant l’utilité du vote.
Gaëlle et moi nous rendons au complexe sportif. Il s’agit d’un grand parc avec deux terrains de tennis, un terrain de foot/rugby avec des gradins à coté, un skate park tout au fond et d’autres installations, plus le gymnase où nous devons passer la nuit. J’entre dans le bâtiment, où la plus part des marcheurs sont déjà installés. Je pose mon vélo contre un gradin, m’allonge sur cette même estrade, rabaisse la visière de ma casquette sur mes yeux et m’endors une bonne heure. C’est le froid de la salle qui me réveille vers seize heure. La salle est un peu plus marquée par notre installation que lorsque je me suis assoupi : les sacs ont été sortis de la caravane, de même que les cagettes avec la nourriture, et les panneaux de renseignements. J’aperçois Vincent qui est revenu de l’hôpital. Il est plutôt énervé à cause d’un problème avec la voiture qui devait venir le chercher. Il est donc venu en stop. C’est sûr, c’est pas génial après une nuit chez les toubibs ! Je me mets ensuite à chercher un endroit plus confortable pour dormir que mon gradin en plein courant d’air. Je déplace donc mon vélo jusqu’au fond du gymnase, et trouve derrière une estrade un coin plutôt calé entre le cette dernière et le mur. J’y installe mon tapis de sol, mon matelas, mon duvet et la couverture. Le gymnase est apparemment équipé de douches bien chaudes. Je profite alors de l’occasion, et reste même un certain temps à profiter de ce luxe. Tout propre et tout brillant, je rejoins Alejandra, Dani, Javier et Christo en train de se dorer au soleil. J’y reste quelques temps. Eva arrive avec deux camarades indignés. Puis, la fatigue revenant, je repars derrière mon gradin et m’y endors.
C’est les cris appelant à l’assemblée interne qui me ramènent à la réalité. En ouvrant les yeux, j’ai l’horreur de voir qu’il est vingt-deux heures trente. Je viens de me faire cinq bonnes heures de sommeil d’affilé ! Je rejoins le groupe se regroupant, et tout le monde est surpris de me voir réapparaitre. On me cherchait partout, personne ne savais où j’étais. Malgré mon énorme vélo devant l’estrade, j’étais apparemment bien caché. Les débats débutent ensuite, concernant l’organisation pour Paris, Bordeaux, les prochaines étapes et pour discuter des problèmes survenus dernièrement. Après l’assemblée, Yannick, Eva et un de ses deux compagnons nous quittent, devant nous rejoindre prochainement. J’improvise un combat de coq (entre humains) avec Adrien. 3 – 0 pour moi ! Minuit passé, je choisis quelques photos prise par Gaëlle pour l’article précédent. Je me pose ensuite sur ma couche, attendant la clé internet d’Edouard pour poster sur le blog. En attendant, Javier, Dani et Vincent me rejoignent derrière mon gradin pour partager à fumer et discuter, tantôt en Français, tantôt en Castillan. Vers deux heures et demi, alors que tout le monde part se coucher, j’obtins enfin la clé 3G. Je me connecte, finis la mise en page de l’article et le poste enfin. Quelques minutes à prendre la température du web, puis je repars enfin dans mon lit. Heureusement que j’ai fait mon énorme sieste, car il est quatre heure du matin passé, et il me reste que trois heures à dormir!
Vendredi 09 mars 2012 :
Il est huit heure et quart du matin lorsque Adrien réveille tout le monde en courant affolé. Nous devions commencer à nous bouger à sept heure et demi, car nous devons rendre la salle à neuf heure et quart, hors personne n’est levé. Ce n’est donc pas le moment de trainer dans le duvet. Je me motive pour me lever, et pour une rare fois, me retrouve un des premiers debout (c’est depuis un jour historique) ! Bref, rangement, nettoiement, glandoiment pour certains, et on se retrouve tous au soleil, le gymnase libéré et propre. Edouard et Esmeralda, se chargeant de la trésorerie vu que Yannick est parti, me donnent dix euros pour combler le déficit de nourriture du pic-nique des marcheurs.
La Marche se motive peu de temps après. Je roule jusqu’à la place centrale du bourg pour chercher une épicerie. Un villageois m’informe qu’il n’y en a pas, mais que je peux trouver une grande surface à deux kilomètres au sud. La flemme de bouger en arrière, je fais donc l’essai de voir ce que peut m’apporter de bon la boucherie du village. Je laisse passer les deux clients devant moi, puis lorsque mon tour vient, je donne un tract au boucher, tout en lui expliquant la marche, ses buts, ses revendications etc… Au même moment, les marcheurs passent devant la vitrine, ce qui fait une belle image de fond pour un exposé. Bref, le tout enveloppé de pas mal de parlotte, je demande au boucher s’il n’a pas quelques choses qu’il risque de jeter bientôt, au dont il veut se débarrasser. L’homme sort deux pâtés de sa vitrine et un joli petit saucisson de forme pavé. Il me les emballe, accompagné d’un « ça, c’est cadeau » ! Je lui prends ensuite un morceau de fromage et une barquette de carottes rappées pour nos deux végétariens (qui pour l’instant n’ont pas été trop gâtés tellement nous consommons principalement de la charcuterie le midi). Il ne me fait payer que le morceau de fromage, cinq euros. Voilà de belles courses ! Je remercie mille fois le boucher, puis passe prendre une baguette supplémentaire pour le repas et une canette que je paie de ma poche.
Je laisse les marcheurs prendre pas mal d’avance, et me pose au soleil, contre un pin une bonne demi-heure. Je suis censé leur apporter le repas à Naboude, soit au douzième kilomètre. Le temps est bien chaud grâce au soleil qui brille de tous ses feux dans le ciel uniformément bleu azur. Je remercie la nature de nous accorder tant de bienveillance dans les premiers pas de notre périple. Pour la saison, avoir le soleil comme allié est une aide incomparable ! Je remonte sur mon vélo au bout de pas mal de temps. La route départementale, filant vers le nord, est tranquille et sans voiture. Je longe les rangées de pin alignés, puis une grande clairière allant jusqu’à la nationale s’éloignant vers le Nord-Est. Je perçois le toit des camions, et mieux encore l’interminable ronronnement de leur moteur. Je ne regrette pas de ne plus longer leur couloir de transit. Sur la route, je lis une première fois « Indignés », écrit à la bombe, puis « Indignész vous », le s ayant été barré puis remplacé par un z. Je trouve que ces inscriptions discréditent notre marche. Je leur en dirais deux mots en les rattrapant. Quelques voitures me croisent dans les deux sens. Une fourgonnette de la gendarmerie me croise en sens inverse. Je la regarde s’éloigner dans mon rétroviseur, jusqu’à ce qu’elle fasse demi-tour, et revienne vers moi, le girophare allumé. Allez ! C’est pour ma gueule ! J’enlève mon casque audio, le véhicule me dépasse, un des flics me faisant signe de m’arrêter. « Il y a un problème messieurs » ? Apparemment, aucun, mais ils veulent quelques renseignements. Ils me demandent tout d’abbord si je fais partie du groupe de marcheurs un peu plus loin. Devant mon approbation, ils me posent pas mal de question : quelles sont nos revendications, quand sommes-nous partis de Bayonne, quand arrivons nous à Paris, où dormons nous ce soir, le soir d’après, combien sommes-nous etc… Mes réponses sont précises, évasives, voir « je ne sais pas », selon ce qu’il me semble le mieux à répondre. Mais les deux gendarmes sont tranquille, ne me font pas de contrôle d’identité, et me font surtout la réflexion vis-à-vis des inscriptions sur la route. Je leur réponds que personnellement, je suis d’accord avec eux, et qu’habituellement, nous les faisons à la craie. Nous passons en tous environ cinq minutes à discuter. Les gendarmes remontent ensuite dans leur fourgon et me klaxonnent avec un salut amical en me doublant.
Je rejoins les marcheurs cinq bornes plus loin, à mi-chemin de l’étape. Le groupe ayant faim, nous décidons de nous arrêter. Un champ défriché avec quelques billes de bois en tas nous accueil pour le pique-nic. Nous partageons la charcuterie, le fromage et les carottes rappées du boucher. Discutions sur le paysage, les flics, Kiwi en dessert, clope en digestif, puis petite pause avant de repartir, sauf pour moi, car je reste sur place encore un peu pour profiter du coin tranquil.
Je retrouve les marcheurs de nouveau à l’entrée du village d'Uza . Les marcheurs sont motivés pour se poser un peu au bord d’un étang. Nous nous posons dix bonnes minutes, durant laquelle je coupe une branche de chataigné, que je commence à tailler. L’envie me prends d’en faire un drapeau que j’accrocherai sur mon vélo, comme j’en avais le projet depuis quelques jours. Je décide de plus de faire une petite sculture en son sommet. Durant ce temps, Adrien patauge dans l’étang. « Elle est bonne ? » qu’on lui demande ? « Oui » qu’il répond. Alors, Cyril, sous un coup de motivation digne de Rahan se jette nu dans l’étang ! Sauf que l’eau était surement bonne en surface pour se tremper les pieds, mais se pour se baigner, c’est autre chose ! Après avoir bien tremblé dans l’étang, il ne tarde pas à regagner la berge ! Après un moment de réflexion, je trouve enfin une petite idée de sculture. Les autres me demandent si c’est un pieu pour empaler un flic, ou un harpon pour pêcher dans l’étang. Je réponds oui à toutes les suppositions. Puis la Marche se remet en route, mais je suis trop motivé par mon idée subite que je désire la finir avant de bouger. Le prospectus de la marche sous les yeux, mon opinel apporte la forme voulue à mon bout de bois. Un arrondi sur le haut, une fente en dessous, j’enlève un bout par ci, par là… Au bout d’une demi-heure, Voilà donc mon bout de bois coiffé d’un bonnet Frigien, sous laquelle Marianne, portant son bandana de contestation est prête à en découdre avec ses ennemis actuels!
Pour ne pas changer, je rejoins à nouveau les marcheurs à l’entrée du village d’étape, St Julien en Born. Je les dépasse, trouve la mairie, la contourne, et rejoins le campement. Je ne cherche pas trop à comprendre pourquoi ça gueule, et repart voir si les marcheurs ne vont pas se perdre dans le village. Ils arrivent tout seul, Adrien connaissait la route, nickel ! Après cela, je m’occupe de finir mon drapeau. Je coupe un bout de drap, et trouve une technique pour l’accrocher facilement sans risque qu’il s’abime (du moins j’espère). Cyril et Gaëlle me rejoignent dans mon art, lui pour se faire un drapeau, elle pour écrire sur son dossard. Je marque sur mon drapeau en bleu la tente dans le cercle, avec le slogan en dessous « Toma la Calle », à côté « Désobéissance Civile » en noir, et en dessous des deux, en rouge « Marche Bayonne-Paris 2012 ». Plutôt content de mon travail, je le montre à quelque uns. On me conseil de peindre la Marianne, pour plus de clarté. J’hésite, je verrai plus tard. En attendant, je me bois un verre de soupe bien chaud qui a été faîte, puis comme elle ne descend pas trop, j’en reprends un second, puis un troisième. Pour nous installer, la mairie nous octroie juste un bout de terrain sur le bord du terrain de foot. Nous avons donc alignés les tentes d’ouest en est, sur une seule ligne. Je place la mienne tout au bout de la rangée, côté est, afin d’avoir la chaleur du soleil dès son levé le lendemain. Je me pause ensuite devant ma tente, sur la petite chaise pliante, et joue de l’harmonica, en regardant les étoiles s’allumer. Dani vient se poser à lire à côté de moi afin de profiter de mes petites mélodies. Puis, morts de froids, nous regagnons l’intérieur de nos tentes respectives. Avec un album de Didgeridoo/percussions en fond sonore, je passe une heure à taper le début de ce texte (une heure à tapée correspond à une demi-journée narrée). Mais la flemme d’écrire se faisant de plus en plus forte, je m’arrête. N’ayant vraiment pas la motivation pour sortir de ma tente, je me choisis un film. « Le Cercle des Poêtes Disparus », me plait carrément comme titre de film, je le lance donc. Très bon choix ! Je le conseil à toutes les âmes libertaires ! Hélas, ma batterie cède avant la fin, c’est donc en grand suspens que j’éteint mon ordi. Je sors faire un tour, voir ce qu’il se passe dehors. Plus grand-chose : Esmeralda et Adrien discutent devant la caravane. A l’intérieur de celle-ci, Javier, Dani, Christo et Cyril sont encore éveillés. Je passe un moment avec eux, Esmeralda nous rejoint, puis je regagne ma tente et ne tarde pas à dormir.